Arlington, VA. Le 14 août dernier, le réseau philanthropique américain COF (Council on Foundations) a publié son rapport d’activité (1) pour la période 2011-2015. Il apporte des informations clés sur les dons des fondations philanthropiques américaines. Leur montant a atteint un record historique en 2015 : environ 9.3 milliards de dollars, contre, par exemple, 9.03 milliards d’aides publiques au développement pour la France et (131 milliards pour l’ensemble des pays en 2015 (2).

Les fondations américaines sont devenues des poids lourds dans l’aide au développement. Depuis 2002, leurs dons ont plus que quadruplé en valeur tandis que l’aide publique au développement a doublé. Elles financent maintenant un nombre important de programmes d’aide, seules ou en partenariat avec les États ; elles jouent aussi un rôle clé (voire irremplaçable) dans la recherche en économie et l’évaluation des politiques de développement (38,7 pour cent des dons des fondations).

Parmi elles, la fondation Bill & Melinda Gates occupe une place à part : de 2011 à 2015, elle a donné plus de 17 milliards de dollars, soit plus de la moitié des dons.

Source : Rapport d’activité 2011-15, Council on Foundations

En Afrique Sub-saharienne, ces dons atteignent presque 1,4 milliards de dollars en 2015, ce qui correspond à plus de 5 pour cent des flux totaux d’aides au développement vers la région (25 milliards). Une part non-négligeable de l’aide au développement de l’une des régions les plus pauvres du monde dépend donc d’une fondation privée.

Est-ce un problème ? À priori, non. Les dons privés et les aides publiques au développement ne sont pas substituables : les dons privés sont en général orientés vers des projets structuraux et non d’urgence. Ils financent par conséquent des besoins non satisfaits autrement.

Cependant, la place importante de la fondation Gates génère un risque systémique : que se passerait-il si cette fondation venait à disparaître ? Ce serait un coup d’arrêt spectaculaire pour des centaines de projets humanitaires.

De plus, les dons, publics ou privés, n’ont pas qu’un rôle humanitaire ; ils servent aussi souvent les intérêts de leur émetteur. Or, les fondations privées ont une plus grande discrétion sur l’orientation de leurs dons. La privatisation des aides au développement, et de certains secteurs en particulier (comme la recherche ou l’éducation), renforce le risque que ces dons suivent un jour un but idéologique, voire mercantile.

En 2013, un article de la Chronicle of Higher Education (3) posait la question de l’”effet Gates” sur l’éducation américaine. Il soupçonnait la Fondation Gates de participer au mouvement de privatisation des écoles américaines et de promouvoir l’utilisation des produits Microsoft.

Une question, alors, est légitime : quel est l’”effet Gates” sur l’aide au développement ?

Perspectives :

  • Les fondations privées financent de plus en plus l’aide au développement. Parmi elles, la Fondation Gates compte pour plus de la moitié des dons.
  • Ces fondations jouent un rôle clé dans la recherche en économie du développement et l’aide vers l’éducation des pays les moins développés. Un angle mort de l’aide publique au développement.
  • Cette privatisation de certains secteurs de l’aide au développement peut faire craindre que ces dons ne suivent pas seulement un but humanitaire.

Sources :

  1. Council on foundations, Foundation Center , The state of global giving by U.S. Foundations, 2011-2015, 14 août 2018
  2. OCDE, Les statistiques du financement du développement.
  3. PARRY Mark, FIELD Kerry, et SUPIANO Beckie, The Gates Effect, The Chronicle of Higher Education, 14 Juillet 2013.