Londres. Des données publiées la semaine dernière par l’Office for National Statistics montrent encore une fois que la migration nette en provenance de l’Union est en train de chuter depuis que les Britanniques ont voté pour le Brexit (1). Le nombre d’immigrés en provenance de l’Union aurait diminué de plus de la moitié depuis l’année du référendum, en passant de 189 000 à 87 000 au mois de mars 2018 (6). Il s’agirait du point le plus bas touché depuis 2012 (5). Selon le Migration Observatory de l’Université d’Oxford, l’incertitude dans la négociation du Brexit, la baisse de la Livre et des facteurs structurels seraient à l’origine du phénomène, tels que la diminution du taux de chômage dans certains pays de l’Union comme l’Espagne, le Portugal et la Pologne (5). Ces nouvelles données choquent le milieu d’affaires, les banques et le service public, en crise de personnel.

Avant le Brexit, dans un document (2) rendu public en février 2016 qui commençait par “The Best of Both Worlds”, le gouvernement de David Cameron faisait état de ce qu’il avait obtenu de Bruxelles : un statut spécial pour le Royaume-Uni dans une Union “réformée”. La question de l’état social et de la liberté de mouvement y occupaient une place centrale. Cameron était parvenu, malgré l’opposition de la Pologne et de trois autres pays d’Europe centrale, à obtenir un nouveau “frein de secours” (‘emergency brake’), prévu afin de limiter à quatre ans l’accès aux allocations de travail pour les nouveaux arrivants en provenance de l’Union. Cette acquisition, censée calmer le jeu des brexiters, en invitant parallèlement à voter pour le Remain, s’adressait bien aux pays de l’Est de l’Union comme la Pologne, dont l’adhésion remonte à 2004. La correspondance avec la crise des réfugiés en Europe et la façon dont la presse pro-Leave a présenté la question migratoire au cours de la campagne, notamment à travers des images chocs, semblent avoir fait le reste.

Aujourd’hui, malgré la préoccupation des milieux d’affaires, des banques et du service public de santé qui se plaint déjà de la pénurie de personnel médical, la question des allocations n’est pas prête à être oubliée. La semaine dernière le journal The Sun accusait le gouvernement de vouloir laisser aux immigrés européens libre-accès au système publique de santé et aux allocations britanniques, même en cas de sortie sans-accord (3). Les brexiters semblent se préoccuper que le principe même d’une sortie sans parachute soit respecté, au moment même où le gouvernement de Theresa May a publié 24 des 80 documents de “conseils” destinés aux particuliers et aux entreprises, dans l’éventualité d’un “no deal”. L’ampleur de l’impact serait immense, bien que l’éventualité peu probable, selon Dominic Raab, Ministre en charge de la négociation. Toujours est-il que le droit du travail semble être au premier rang de la liste de problèmes qu’un Brexit sans accord impliquerait. Et sans droit du travail, il sera de plus en plus compliqué pour les brexiters de brandir l’épouvantail des allocations.

Sources :

  1. BRUCE Andy, Net EU migration to Britain falls to lowest since 2012, Reuters, 23 aout 2018.
  2. Cabinet Office, Prime Minister’s Office, 10 Downing Street, The best of both worlds : the United Kingdom’s special status in a reformed European Union, Gov.uk, 22 fevrier 2016.
  3. CLARK Natasha, Britain ‘will let European migrants stay here permanently’ even if we DON’T get a Brexit deal, The Sun, 20 August 2018.
  4. McNEIL Rob, EU net migration continues its decline as data doubts persist, Migration Observatory, 16 juillet 2018.
  5. McNEIL Rob, EU net migration halves since referendum as ‘A8’ net migration turns “negative”, Migration Observatory, 23 aout 2018.
  6. ONS, Migration Statistics Quarterly Report : August 2018.

Vera Marchand