Pékin. Certains jours de l’été 2018, l’air a été plus pur à Pékin qu’à Seattle (4). En cause, les incendies qui ont ravagé les États de Californie, de Washington et d’Oregon, concomitants aux premiers effets positifs des régulations anti-pollution mises en place par le gouvernement chinois.

Depuis la COP21, la Chine a répété sa détermination à participer à l’effort mondial contre le réchauffement climatique, et plus particulièrement à lutter contre la pollution de l’air qui pose de graves menaces sur la santé de sa population et nuit à ses objectifs politiques à long terme. Le 13e plan quinquennal annoncé par le gouvernement chinois en mars 2016 affichait l’ambition de de réduire l’intensité carbone de son Pib, c’est à dire de limiter l’impact environnemental de sa croissance ; cela suppose d’investir dans des moyens de production d’électricité moins polluants, dont le gaz et l’énergie solaire. Cet enjeu est d’autant plus capital que la Chine demeure le premier producteur de biens manufacturés au monde, tout en misant sur un secteur tertiaire en plein essor.

Ainsi depuis mars 2018, dans plusieurs provinces chinoises dont la province de Shanxi, au sud de Pékin, le recours au charbon pour la production d’électricité et le chauffage a été sévèrement réglementé et nombre de centrales à charbon démantelées (3). Quitte à contraindre de nombreux ménages à traverser l’hiver sans moyen de chauffage, sous peine de se voir infliger des pénalités. Des centrales à gaz, jusqu’à 50 pour cent moins émettrices de CO2, ont été construites à marche forcée pour répondre à une demande énergétique élevée tant chez les ménages que dans l’industrie. Les effets sur la qualité de l’air à Pékin ont été rapides et, selon Xi Jinping, la poursuite de cette révolution énergétique devrait se poursuivre ailleurs sur le territoire. La demande de gaz chinoise s’est brutalement intensifiée, parfois au point où l’offre n’a pas été suffisante pour alimenter tous les districts convertis au gaz. En faveur du solaire, la Chine a jusqu’à récemment aveuglément encouragé le développement massif de centrales photovoltaïques. Le marché du solaire a connu un tel engouement en Chine (35Gw installés en 2017) que le coût du mécanisme de soutien (feed-in tariff, i.e tarif fixe auquel la National Energy Administration achète l’électricité produite par les centrales) a atteint des records, d’environ 15 milliards de dollars. Le gouvernement chinois a récemment réagi en revoyant à la baisse son objectif annuel d’installations de centrales solaires (2).

Une nouvelle alliance sino-européenne pour le climat

La Chine et l’Union ont récemment engagé un effort commun pour lutter contre le changement climatique. Lors du sommet Chine-UE du 16 juillet à Pékin, une déclaration commune a fixé les bases d’un approfondissement des relations économiques, diplomatiques et industrielles dans les domaines énergétique et environnemental. Les limitations relatives aux importations de panneaux photovoltaïques chinois en Europe ont été assouplies (1), et ce en dépit des groupes industriels européens qui redoutent le déferlement sur le continent d’une marchandise low cost et low efficiency. L’Europe espère profiter des investissements technologiques menés par la Chine, réduire les coûts industriels associés à la transition énergétique, et par là même accélérer le rythme d’installation des énergies renouvelables dans les États membres. Le renoncement de l’Union aux mesures anti-dumping pourrait s’avérer particulièrement positif pour la Chine, qui pourrait reconquérir des parts de marché dans ce secteur en croissance. Si le prix déjà bas des matériaux photovoltaïques continuait à diminuer, les industriels européens pourraient en revanche se retrouver de nouveau menacés par une concurrence chinoise insubmersible.

Capitaux chinois contre autonomie stratégique

L’immixtion de la Chine dans la transition énergétique européenne n’est pas sans susciter une inquiétude croissante de la part des entreprises. A titre d’exemple, l’entreprise China Three Gorges a récemment racheté la branche énergies renouvelables de l’entreprise publique Energias de Portugal, de même que l’industriel Iberwind a été racheté par le conglomérat Cheung Kong. L’ampleur des investissements chinois dans le secteur énergétique est telle que l’agence de régulation nationale portugaise s’est récemment opposé au rachat du groupe Generg – un autre acteur des renouvelables du pays – par l’investisseur Datang.

Entre opportunité économique de court-terme et perte de souveraineté dans des secteurs stratégiques, l’Union ne semble pas avoir définitivement tranché. Mais à l’heure où la transition énergétique se révèle être un moteur de croissance pérenne pour le continent, la protection des intérêts industriels de l’Europe ne saurait être considéré comme un enjeu de second plan.

Perspectives :

  • Les relations industrielles sino-européennes et la préservation des intérêts économiques des États membres.
  • La décision prochaine de l’Agence de régulation de l’énergie du Portugal quant au rachat du groupe Generg par l’investisseur chinois Datang..

Sources :

  1. BLENKINSOP Philip, EU set to end Chinese solar panel import controls in September, Reuters, 23 août 2018.
  2. GOURAS Eckhart, China : 2018 installations could drop by more than a third, PV Magazine, 4 juin 2018.
  3. LEE MYERS Steven, In China’s Coal Country, a Ban Brings Blue Skies and Cold Homes, New York Times, 10 février 2018.
  4. Airpocalypse’ over ? Beijing breathes easier as clean air drive pays off, US embassy smog readings suggest, South China Morning Post, 20 août 2018.