Bamako. Comme nous l’avons anticipé dans les éditions précédentes de la Lettre, le résultat électoral malien ne fut guère (pas du tout ?) surprenant. L’assurance donnée par le Premier ministre malien Maïga sur  » les conditions de sécurité des opérations électorales » semble avoir été maintenue (4), et les électeurs africains (3) ont été déçus : la mission d’observation électorale de l’Union européenne a certifié sa régularité (2). Malgré les rapports d’un « coup d’état institutionnel » du tribun Ras Bath (1), l’atmosphère étouffée dans laquelle se sont déroulées les consultations donne trois leçons aux lecteurs et aux commentateurs :

Tout d’abord, pour paraphraser Ricky Gervais sur Donald Trump, « That’s democracy baby » : même s’il est appelé « inefficace », « corrompu », « népotiste », « ami des Touaregs », « serviteur de la France », Ibrahim Boubacar Keïta (Ibk) a de fait obtenu plus de suffrages que son adversaire, gagnant probablement le soutien de ceux qui sont capables d’envoyer les électeurs des gens aux urnes, et c’est ce qui compte dans une compétition démocratique. Les pratiques imputées à Ibk ne sont pas si différentes de celles de ses prédécesseurs (ou de ses opposants…) : depuis l’avènement de la démocratie, chaque président malien a gagné le second tour.

Deuxièmement, le résultat du ballottage qui a vu le triomphe d’Ibk a été annoncé par Mohamed ag Erlaf, ministre de la Décentralisation et homme d’Iyad ag Ghali au Conseil des ministres : n’est-il pas incroyablement prévisible et extraordinaire ? L’acte symbolique de l’approbation du résultat par ag Erlaf a lieu dans un contexte dans lequel le président sortant, qui avait fait de l’intransigeance et de la lutte contre le sécessionnisme et le terrorisme son cheval de bataille lors des élections de 2013, a été réélu grâce aux votes – décisifs en pourcentage mais surtout en termes de participation – des groupes armés qui ne prêchent/prêchaient pas la sécession, et dont les liens avec la galaxie « djihadiste » sont forts.

En conclusion, ces événements semblent suggérer une fois de plus que le conflit malien est de moins en moins un conflit politique entre gouvernement et rebelles et de plus en plus une construction médiatique et militaire : les convergences entre gouvernement et rebelles sont en effet évidentes, alors que le poids militaire du conflit sur le terrain est transféré à la mauvaise compagnie « djihadiste », élément qui continue d’être exclu du processus de paix et d’intégration politique, notamment à cause des vetos de la communauté internationale. Entre-temps, ceux qui luttent contre le sécessionnisme acceptent aussi les vœux qui, comme les âmes, ont tous le même poids.

Sources :

  1. Roi des ondes, Ras Bath galvanise la contestation au Mali, AFP, 20 août 2018
  2. MERZ Jarreth J., MERZ Kevin, An African Election (documentario), 2011.
  3. Présidentielle au Mali : la Mission d’observation européenne rend ses conclusions,RFI, 14 août 2018.
  4. ”Le Mali n’est pas un pays en guerre », le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, TV5 Monde, Le Journal Afrique, 28 juin 2018.

Giovanni Zanoletti