Washington. Le 25 juillet, Jean-Claude Juncker, en visite à Washington, s’est engagé à augmenter les achats européens de GNL américain pour satisfaire le souhait de Donald Trump de rééquilibrer la balance commerciale entre l’Union et les États-Unis. Jeudi, la Commission a publié un communiqué de presse traitant de l’avancée des travaux concernant cette augmentation des importations de GNL américain 1. Le développement des échanges gaziers entre les États-Unis et l’Union n’est pas une préoccupation nouvelle mais trois facteurs l’ont mis sur le devant de la scène : l’arrivée à un certain stade de maturité de l’industrie gazière américaine, l’élection de Trump sur un programme promouvant les industries extractives, et les avancées du projet Nord Stream 2. La Commission prônait déjà le libre marché et un accès non contraignant pour les entreprises européennes aux approvisionnements de GNL dans le cadre des négociations du TTIP. Dès 2014, un rapport de l’Atlantic Council et du Central Europe Energy Partners (CEEP) estimait que l’axe gazier reliant le terminal polonais et le futur terminal croate devait être un “élément clé” de “l’agenda US-Union” 2.

A l’occasion de leur rencontre à Washington, les présidents Juncker et Trump ont créé un groupe de travail sur cette question gazière. D’après le communiqué de la Commission, des contacts ont eu lieu depuis lors entre les présidents Juncker et Trump, entre la commissaire européenne au commerce, M. Malmström, et le représentant au Commerce des États-Unis, Robert Lighthizer, ainsi qu’entre le secrétaire général de la Commission, Martin Selmayr, et le conseiller économique en chef de la Maison-Blanche, Larry Kudlow.

Le Communiqué de la Commission souligne deux actions permettant l’augmentation des importations :

1) Le développement de terminaux d’exportations aux États-Unis et d’importations en Union

Les États-Unis ont actuellement une capacité de liquéfaction de 28 milliards de mètres cubes auxquels devraient s’ajouter 80 milliards de mètres cubes d’ici 2023. D’autre part, le développement de terminaux dans l’Union n’est pas une contrainte technique absolument nécessaire pour augmenter les importations de GNL américain. En effet, l’Union dispose de capacités suffisantes pour accueillir le GNL américain, ses terminaux étant largement sous utilisés comme nous vous l’expliquions dans une précédente édition de la Lettre. Ainsi la promesse faite par Juncker à Trump de voir l’Union construire de nouveaux terminaux GNL ne relève que de l’effet d’annonce visant à satisfaire le président américain. Les futurs terminaux européens sont prévus depuis des années et ont pour but de pallier à la mauvaise répartition des capacités GNL en Europe, le sud-est européen et la région baltique n’ayant jusqu’ici qu’un accès très limité au GNL.

2) La levée des restrictions réglementaires américaines sur les exportations de gaz

Si les capacités de regazéification européennes ne sont pas un obstacle à l’augmentation des importations de GNL américain, la Commission pointe en revanche les restrictions réglementaires américaines sur les exportations de gaz. “L’UE a levé toutes les entraves non liées au marché pour importer du gaz naturel américain. Elle cherche à obtenir le même traitement de la part des États-Unis et espère notamment que l’obligation d’autorisation préalable pour l’exportation de gaz naturel liquéfié à destination de l’UE sera supprimée”. Il n’y pas de doute quant à la levée prochaine de ces restrictions et ce sera, comme l’a twitté Trump le 25 juillet, “un grand jour pour le commerce libre et équitable”. Mais qui dit libre commerce dit nécessité de compétitivité et comme le rappellent Juncker et Miguel Arias Cañete, le gaz américain sera le bienvenu s’il est compétitif sur le marché européen.  Le GNL américain étant plus cher que le gaz russe, il aura du mal à pénétrer le marché. Toutefois, le GNL américain permet des gains en termes de sécurité d’approvisionnement et de compétitivité pour les acheteurs européens, et cela, que le GNL arrive (en quantités significatives) ou non en Europe 3. Ce gaz renforce la pression sur Gazprom pour qu’elle adapte ses contrats et crée un plafond pour le prix de ses exportations. La sécurité d’approvisionnement et la compétitivité sont renforcées par l’existence d’une capacité prête à être exportée si les prix européens grimpent ou si le marché est confronté à une interruption de gaz.

Un exemple parlant est celui du FSRU de Klaipėda en Lituanie dont le nom “Independance” est symbolique. Jusqu’à récemment, le prix du gaz en Lituanie était parmi les plus élevés dans l’Union, malgré sa proximité géographique avec son fournisseur historique. Ce FSRU est opérationnel depuis 2014, l’accès au GNL sur le marché mondial agit désormais comme un plafond des prix (à des niveaux similaires à ceux des marchés compétitifs de l’Union). Le terminal a permis une négociation significative, avec une réduction sur les prix du gaz délivré par Gazprom de près de 20 %.

Perspectives :

  • Il a été convenu que le 20 août, le conseiller au commerce du président Juncker et un haut responsable au commerce de l’Union se rendraient à Washington pour rencontrer leurs homologues américains afin de poursuivre les travaux sur la mise en œuvre de la déclaration commune du 25 juillet.
Sources
  1. EU-U.S. Joint Statement of 25 July : European Union imports of U.S. Liquefied Natural Gas (LNG) are on the rise, Commission européenne, 09/08/2018.
  2. Completing Europe, from the North-South Corridor to Energy, Transportation, and Telecommunications Union, a joint report by the Atlantic Council and Central Europe Energy Partners, 2014.
  3. CORNOT-GANDOLPHE Sylvie, Le gaz dans la transition énergétique européenne : enjeux et opportunités, IFRI, janvier 2018.