Tokyo. Soixante-treize ans après les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, les 6 et 9 août 1945, les deux villes japonaises ont organisé des événements commémoratifs la semaine passée. Parmi les milliers de participants à la cérémonie de Nagasaki, dont des victimes des bombardements, et des représentants politiques japonais et internationaux, se trouvait Antonio Guterres, le premier secrétaire général des Nations unies a y participer (4).
En tant que seul pays ayant souffert des bombardements atomiques, le Japon occupe une position particulière. Dans son discours à Nagasaki, le premier ministre japonais Shinzō Abe a ainsi évoqué la “mission” du Japon de militer pour un “monde sans armes nucléaires” (1). L’expression japonaise hibakusha – victime(s) de la bombe atomique – est même devenu un terme courant dans le langage onusien du désarmement.
De son côté, Guterres, dans son discours à la cérémonie, a déploré la perte de vitesse du processus de désarmement nucléaire, considérant que le traité onusien sur l’interdiction des armes nucléaires (5), adopté le 7 juillet 2017 à New York, reflète cette frustration de la part de plusieurs États. Selon lui, les États détenant l’arme nucléaire ont une responsabilité particulière de prendre l’initiative pour le désarmement. Même s’il ne nomme aucun État en particulier, certains observateurs interprètent ceci comme une critique des États-Unis, plus facile à prononcer éloigné de New York (2).
Le maire de Nagasaki, Tomihisa Taue, a explicitement demandé au gouvernement japonais de soutenir le traité onusien de 2017 (3). Abe, pourtant, préfère que le Japon joue le rôle de “pont” entre les États avec et sans arme nucléaire pour obtenir leur coopération en vue du désarmement nucléaire. Au lieu de signer le traité sur l’interdiction des armes nucléaires, Abe privilégie le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1970 (1). En effet, profitant du parapluie nucléaire grâce à son alliance de sécurité avec les États-Unis, le Japon se trouve dans une situation ambiguë.
Perspectives :
- Le traité sur l’interdiction des armes nucléaires n’entrera en vigueur qu’après sa ratification par au moins 50 États. Les pays qui l’ont ratifié ne sont que 14 aujourd’hui (5).
- Une conférence pour la révision du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires est prévue à son 50ème anniversaire en 2020.
Sources :
- 首相官邸 (Premier minister du Japon et son cabinet), 長崎原爆犠牲者慰霊平和祈念式典あいさつ (Discours [du premier ministre] lors de la cérémonie pour les victims de la bombe nucléaire à Nagasaki et prière pour la paix), 9 août 2018.
- 田井中雅人 (TAINAKA Masato) : NYでは言いづらくても…長崎で本音発信 国連事務総長 (Difficile à prononcer à New York, le secrétaire général des Nations unies communique sa vraie pensée à Nagasaki), The Asahi Shinbun, 9 août 2018.
- TANABE Ai, Nagasaki mayor calls for Japan to join U.N. nuclear weapons treaty, The Asahi Shinbun, 9 août 2018.
- Nagasaki commemorates 73rd anniversary of A-bomb, The Yomiuri Shinbun/The Japan News, 9 août 2018.
- United Nations Office for Disarmament Affairs (UNODA), Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons.