New York. Le G77, qui représente aujourd’hui 135 pays, soit plus des deux-tiers des États membres des Nations Unies et 80 pour cent de la population mondiale, a élu la Palestine à sa tête pour l’année 2019 (1). Conformément à un système de rotation géographique, la nomination du nouveau président incombait cette année aux membres asiatiques du G77 (5). En plébiscitant unanimement la Palestine, ces derniers confirment que la cause palestinienne ne bénéficie plus uniquement aujourd’hui du soutien de ses voisins arabes. Symboliquement, ce vote intervient par ailleurs au moment où le président américain intensifie ses mesures anti-palestiniennes. En effet, après avoir annoncé le déménagement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, puis la réduction de 80 pour cent du budget américain alloué à l’Unrwa, l’administration américaine a refusé d’accorder des visas aux membres d’une délégation palestinienne censée participer, le 16 juillet dernier, au Forum Politique de Haut Niveau pour le Développement Durable à New York (5). Dans ce contexte, l’élection de la Palestine à la tête du G77 prend également la forme d’un message diplomatique fort à destination des États-Unis et d’Israël (4).
Après avoir obtenu le statut d’État observateur non-membre auprès des Nations Unies en 2012 et adhéré à la Cour Pénale Internationale en 2015, la Palestine confirme aujourd’hui sa volonté d’acquérir une légitimité internationale alternative, notamment par l’intermédiaire des organisations internationales. Les Nations Unies, à la fois arène de la volonté des peuples et enceinte de fabrication de normes, constituent pour certains le coeur de cette légitimité internationale. Historiquement d’ailleurs, le ralliement au multilatéralisme onusien traduisait la volonté des nouveaux États (décolonisés ou en développement) de trouver une place politiquement significative sur la scène internationale (2). A son tour, la Palestine entend aujourd’hui profiter du multilatéralisme pour exprimer ses revendications et asseoir son intégration internationale.
Puisque la légitimité internationale repose, en partie, sur la validation symbolique d’un certain nombre de membres de la communauté (3), l’élection de la Palestine à la tête du G77 constitue à première vue un succès. Cette dernière obtient en effet une reconnaissance politique de la part d’une large coalition d’États, dont certains poids lourds de la scène internationale, tels que la Chine et l’Inde. Toutefois, l’impact de ce vote sur l’avenir de la Palestine est à relativiser, pour deux raisons principales. Premièrement, l’influence politique du G77 demeure limitée : sa mission principale consiste en effet à émettre de simples déclarations, généralement de nature économique. Deuxièmement, l’attitude des pays en développement au sein des instances internationales, en particulier l’Onu, a généralement consisté en une “mobilisation limitée et intéressée“ (2) : autrement dit, jusqu’à présent, aucune cause n’a jamais fait l’objet d’une mobilisation ou d’un enthousiasme durable de la part de ces pays.
Perspectives :
- Par l’intermédiaire de leurs ambassadeurs respectifs, les États-Unis et Israël ont vivement critiqué cette annonce, affirmant que cette élection risque de desservir les palestiniens en les incitant à moins s’investir dans les négociations de paix (5).
- La Palestine sera formellement nommée présidente lors de la prochaine Réunion Ministérielle du G77, prévue à la mi-septembre.
Sources :
- Palestine elected presiding country of Group of 77 at UN, Al Jazeera, 26 juillet 2018.
- DEVIN Guillaume, SMOUTS Marie-Claude, Les organisations internationales, Armand Colin, 2011.
- FRANCK Thomas, The Power of Legitimacy Among Nations, New York : Oxford University Press, 1990.
- Palestinians to Lead U.N.’s Biggest Bloc of Developing Countries, New York Times, 24 juillet 2018.
- Palestine to Lead G77, UN’s Largest Group of Developing Nations, PLO General Delegation to the U.S., 24 juillet 2018.