Ankara. Le serment du 9 juillet de Recep Tayyip Erdoğan pour son deuxième mandat à la présidence de la Turquie – et le décret (3) qui a suivi, restructurant complètement le gouvernement turc – a inauguré une nouvelle phase dans l’histoire politique du pays. Ces changements sont symboliques : non seulement en politique intérieure, mais aussi en politique étrangère, avec des implications importantes pour les relations avec les États-Unis et l’Union. D’un point de vue diplomatique, les changements intervenus lors du sommet compromettent les contacts avec les soldats turcs de longue date qui commencent à perdre leur autorité.

En analysant les relations entre Ankara et Washington, il est important de se rappeler comment, au fil des années, la politique américaine a cherché à surmonter les périodes de turbulences dans ses relations avec la Turquie en investissant dans les liens institutionnels entre les deux gouvernements. Pourtant, plusieurs événements ont contribué à une rupture des relations entre les deux États : Washington ne semble pas avoir aimé le projet d’achat par la Turquie du système de défense aérienne S-400 de fabrication russe. De même, les arrestations de citoyens américains et d’employés locaux des consulats américains en Turquie ont bouleversé les États-Unis.

D’autre part, Ankara est irrité par le soutien continu des États-Unis à la milice des forces de protection du peuple kurde syrien (Ypg) et par la présence aux États-Unis de Fethullah Gülen, chef religieux et ancien allié de Erdoğan maintenant accusé d’avoir orchestré la tentative de coup d’État militaire de 2016. Même si la Turquie devait libérer son prisonnier politique le plus important, le citoyen américain Andrew Brunson (2) – ce que certains continuent de croire possible à court terme – il ne semble pas y avoir de possibilités réalistes d’assouplir les relations.

Perspectives :

  • Il est temps pour Washington de renouveler son approche des relations avec la Turquie. Au cours des 15 dernières années, Ankara a mené une politique étrangère plus indépendante et militairement plus agressive, parfois en contradiction avec les intérêts de ses alliés occidentaux, tout en continuant à bénéficier des avantages de l’adhésion à l’Otan en termes de savoir-faire, de technologie, de protection et de prestige. En particulier, pour les États-Unis, il sera nécessaire de considérer l’équilibre avec la Russie, dont la Turquie se rapproche de plus en plus (1).
  • La Turquie a démontré sa force militaire le long de sa frontière sud instable, avec davantage de raids à grande échelle sur terre en Syrie et en Irak et une répression violente contre les rebelles kurdes dans le sud-est de la Turquie.
  • Cependant, il est difficile de prédire jusqu’où ira la dérive autocratique et le nationalisme anti-occidental de la Turquie, combien de temps dureront les relations d’Ankara avec Moscou ou jusqu’à quel point elles seront proches. Il serait prudent que les États-Unis et leurs alliés de l’Otan aux valeurs démocratiques repensent toute l’architecture de sécurité sur le front du Moyen-Orient.

Sources :

  1. GALL Carlotta and HIGGINS Andrew, Turkey Signs Russian Missile Deal, Pivoting From NATO, The New York Times, 12 septembre 2017.
  2. KORAN Laura, Trump threatens to sanction Turkey if they don’t release US pastor, CNN, 26 juillet 2018.
  3. Executive and Administrative Section, Official Gazette, Republic of Turkey, 10 juillet 2018.