Jérusalem. Après avoir mené, en avril, une campagne législative aux relents antisémites contre George Soros, juif américain d’origine hongroise, Viktor Orbán tente d’étouffer les critiques en affichant une certaine proximité avec le Premier ministre israélien. Benyamin Netanyahu compte quant à lui sur son homologue hongrois pour s’assurer un soutien dans les forums européens et internationaux. Ce rapprochement s’est notamment traduit en décembre par l’abstention de la Hongrie lors du vote des Nations Unies condamnant la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël (5). En réalité, Netanyahu soigne ses relations avec l’ensemble des dirigeants du groupe de Visegrád, dont les positions néo-nationalistes ont tendance à irriter les autres pays de l’Union. Une stratégie payante pour Israël, puisqu’en mai dernier, la Hongrie et la République Tchèque ont bloqué une déclaration de l’Union critiquant le déménagement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem (4).

Toutefois, loin d’exprimer une affinité politique ou idéologique grandissante, le rapprochement amorcé par Netanyahu avec la droite dure européenne révèle en réalité la permanence des alliances du mouvement sioniste. Le sionisme politique, théorisé à la fin du XIXème siècle par Theodor Herzl, trouvait déjà ses meilleurs alliés parmi les antisémites chrétiens d’Europe, qui soutenaient le “retour“ des Juifs en Palestine “dans l’espoir inavoué d’en débarrasser les pays à majorité chrétienne“ (1). La complaisance de Netanyahu envers la politique néo-nationaliste et antisémite d’Orbán, qui qualifie lui-même la Hongrie de “bastion chrétien“ et souhaite “construire une démocratie chrétienne à l’ancienne“ (6), n’a donc rien d’étonnant : le dirigeant israélien se contente en effet d’appliquer les vieilles recettes de Herzl.

Craignant que la cause palestinienne finisse par prévaloir en Europe au détriment du projet sioniste (2), Netanyahu perçoit les néo-nationalistes européens, pourtant parfois ouvertement antisémites, comme les seuls alliés susceptibles de cautionner les mesures radicales prises par son gouvernement. Comme un symbole, c’est au lendemain de la visite officielle de Viktor Orbán en Israël que la Knesset a adopté une loi fondamentale définissant l’État hébreu comme “l’État-nation du peuple juif”. Encourageant les implantations juives, et ôtant à l’arabe son statut de langue officielle au côté de l’hébreu, cette loi constitue un véritable aboutissement pour Netanyahu. “C’est un moment décisif dans l’histoire de l’État d’Israël et celle du sionisme“, a fièrement proclamé le Premier ministre israélien dans son discours, après avoir fait explicitement référence au “nationalisme“ du père spirituel Herzl (3).

Perspectives :

  • L’Union a condamné, par l’intermédiaire de son ambassadeur à Tel Aviv Emanuele Giaufret, le vote de la Knesset, affirmant que cette loi aux relents racistes était discriminatoire envers certains groupes de la population, en particulier la minorité arabe.
  • Suite à cette annonce, le gouvernement israélien a dénoncé l’ingérence de l’Union dans ses affaires intérieures. L’ambassadeur Emanuele Giaufret a été convoqué pour être réprimandé.

Sources :

  1. ACHCAR Gilbert, La dualité du projet sioniste, Manière de Voir, n°157, février-mars 2018.
  2. BAROUD Ramzy, RUBEO Romana, An unlikely union : Israel and the European far right, Al Jazeera, 17 juillet 2018.
  3. نتانياهو يرى في قانون « القومية » تطبيقا لرؤية هيرتسل, Elnashra, 19 juillet 2018.
  4. L’ami Orban en visite en Israël, Euronews, 18 juillet 2018.
  5. Orban et Netanyahou : un socle patriotique commun, France 24, 19 juillet 2018.
  6. Viktor Orban veut construire ‘une démocratie chrétienne’ sans migrants, Ouest France, 4 mai 2018.