Londres. L’horloge tourne et toujours aucun accord à l’horizon cette semaine, entre Londres et Bruxelles. Et des deux côtés de la Manche, c’est l’alerte face à l’hypothèse la plus redoutée, celle d’une sortie brutale du Royaume-Uni. Selon The Economist, le 30 mars 2019, la Grande Bretagne pourrait voir sa coopération en matière de sécurité avec l’Union brusquement interrompue et ses avions rester à terre (9). Le choc pour le Royaume-Uni serait tel que le nouveau ministre du Brexit, Dominic Raab, a déclaré la semaine dernière que le gouvernement s’organisait déjà pour stocker des médicaments, de la nourriture, du carburant (6). De l’autre côté du Channel, la Commission européenne a invité les États membres et les entreprises à se préparer à l’éventualité d’une sortie sans parachute. La chancelière allemande Angela Merkel a manifesté des inquiétudes sur la situation britannique, et le sommet européen informel prévu le 20 septembre, à Salzbourg, pourrait se transformer en un sommet sur le Brexit (10).

Une solution temporaire pourrait être de suspendre le compte à rebours, en arrêtant le mécanisme juridique enclenché par l’article 50 qui régit le calendrier de sortie (3). La clause de retrait prévoit, en effet, la possibilité de différer la date fatidique du 29 mars 2019, mais à condition d’une décision unanime des 27 et du Royaume-Uni. Repousser l’échéance impliquerait en outre des difficultés d’ordre institutionnel, puisque les élections européennes sont d’ores-et-déjà programmées pour le mois de mai 2019, avec la désignation d’une nouvelle Commission dans la foulée. Ce qui constituerait une période de non disponibilité de Bruxelles à la négociation.

Nathalie Loiseau, ministre française des Affaires européennes, a rappelé jeudi 26 juillet un principe déjà exprimé précédemment par Paris, à savoir qu’une marche-arrière de la Grande-Bretagne sur le Brexit serait la bienvenue (4). Deux dirigeants européens, Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, s’étaient déjà exprimés positivement sur la question de la ‘réversibilité’ du Brexit (8). La publication du Livre blanc de Theresa May n’ayant pas apporté l’éclaircie escomptée, le débat public britannique se tourne à présent vers la possibilité d’un deuxième référendum qui permettrait de trancher le noeud indémêlable qui divise les conservateurs, dont l’objet reste toutefois mystérieux.

Re-convoquer le peuple ? Les spéculations sur la mise en place d’un second référendum sur les termes du Brexit se multiplient, au point que The Independent vient de lancer une pétition intitulée “Final Say”, dans l’espoir que les Britanniques obtiennent, de droit, le dernier mot sur l’accord de retrait. Un sondage ‘YouGov’, publié par The Times vendredi dernier, montre que, pour la première fois, une majorité est en faveur d’un deuxième vote (2). Il y a deux semaines, la députée conservatrice Justine Greening a elle aussi soutenu cette hypothèse, prouvant ainsi que l’idée, mise en avant depuis des mois par la base militante du Parti travailliste, a fini par dépasser le clivage gauche-droite. L’ancien Premier ministre Tony Blair l’avait déjà considérée comme une solution viable au mois de février, prévenant qu’au moment où la négociation aurait pris forme, le dernier mot devrait revenir aux citoyens britanniques (1). Des voix critiques se lèvent cependant, comme celle de Anand Menon, directeur du Think Tank britannique “UK in a Changing Europe” et professeur au King’s College de Londres, dans un article publié dans le journal The Guardian la semaine dernière. Selon M. Menon, un second référendum ne serait possible qu’à travers un acte du Parlement, une opération longue qui pourrait de toute manière conduire à dépasser la date du 29 mars. De plus, même si l’UE acceptait de repousser cette échéance, un vote sur l’accord de retrait ne porterait pas sur la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union. Avec une opinion publique qui n’a pas basculé de manière suffisamment sensible sur la question de l’appartenance à l’Union depuis le 23 juin 2016, un second référendum – avertit Menon – pourrait avoir l’effet de transférer l’impasse qui hante Westminster au peuple, sans pour autant la résoudre (5).

Le point crucial de l’union douanière. La solution préférable, côté britannique comme côté européen, semble pour l’instant la recherche d’un accord d’ici la fin du mois d’octobre, de manière à laisser le temps de la ratification, à Londres comme au Parlement européen, avant le 29 mars 2019. Pour cela, Theresa May devrait faire marche-arrière sur l’une de ses promesses, l’épineuse question de l’Union douanière et de la frontière nord-irlandaise (7). Une décision difficile pour Theresa May, qui plairait au milieu des affaires, mais qui laisserait mécontents les partisans du Brexit, en finissant par déclencher une énième crise gouvernementale.

Perspectives :

  • Le sommet informel du 20 septembre, prévu à Salzbourg par la présidence autrichienne de l’Union européenne, pourrait se transformer en un sommet sur le Brexit, déterminant pour les plans de Theresa May
  • Octobre 2018 : date prévue pour une version définitive de l’accord de retrait
  • 29 mars 2019 : date limite dans le processus de négociation
  • Mai 2019 : date des élections européennes

Sources :

  1. Tony Blair makes the case for another EU referendum, BBC News, 23 février 2018.
  2. COATES, Sam, Majority now back a second referendum on Brexit terms, The Times, 27 juillet 2018.
  3. Clause de retrait, Eur-Lex.
  4. GALINDO, Gabriela, French EU minister : ‘no difference’ between Barnier and EU27 on Brexit, Politico, 26 juillet 2018.
  5. MENON, Anand, A second Brexit referendum would be a painful, toxic waste of time, The Guardian, 25 juillet 2018.
  6. Brexit Secretary Raab says government will ensure food supplies if no EU exit deal, Reuters, 24 juillet 2018.
  7. ROSS, Tim, ROSS-THOMAS, Emma, SHANKLEMAN, JESS, U.K.’s Brexit Options Narrow as Perilous Choices Loom for May, Bloomberg, 27 juillet 2018.
  8. STONE, Jon, UK could cancel Brexit and stay in EU on same terms, says French government, The Independent, 26 juillet 2018.
  9. The case for a second Brexit referendum, The Economist, 19 juillet 2018.
  10. WATERFIELD, Bruno, COATES, Sam, WRIGHT, Oliver, Theresa May, given ‘last chance’ to convince EU leaders of Brexit blueprint, The Times, 26 juillet 2018.