Bamako. Cinq ans après l’élection d’Ibrahim Boubacar Keita, de nouvelles élections présidentielles se tiennent au Mali le 29 juillet (1). Les lignes de fracture à l’origine de la crise qui, entre 2012 et 2013, a frappé le pays, ne semblent pas avoir été recomposées pendant le mandat de « Ibk », et en effet l’instabilité de la sécurité semble s’être aggravée. Si, d’une part, il y a eu une régionalisation progressive de la menace du jihad en Afrique du Nord-Ouest, d’autre part, les causes de l’insécurité qui avait conduit à la perte de souveraineté dans le Nord se sont progressivement étendues vers les territoires du centre, où les activités terroristes des groupes armés affiliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique (4) et les réseaux de trafics criminels s’associent à des conflits agro-pastoraux pour l’accès aux ressources naturelles entre groupes à majorité ethnique peule ou dogonne (3).
Selon divers observateurs, l’instabilité généralisée à grande échelle dans le pays ne semble pas garantir les conditions nécessaires à la tenue d’élections transparentes, libres et participatives, comme le confirme Adama Drame, journaliste du Sphinx. Dans une interview exclusive à la Lettre, Drame souligne comment les attaques de Soumaila Cissé, candidat principal de l’opposition au Président dans la circonscription de Gourma Rharous, contre un comité électoral, ou celles adressées à la délégation électorale d’Aliou Diallo à Guiré, ainsi que les attaques qui visent régulièrement la mission de stabilisation de l’Onu, témoignent d’une situation de grave insécurité, qui pourrait compromettre la participation au vote et la crédibilité des résultats électoraux. Selon Drame, une légitimation électorale trop faible risquerait de reproduire la même dynamique de crise que celle de 2012, qui pourrait de nouveau nécessiter une nouvelle intervention extérieure (2).
Paris et ses partenaires européens suivent de près les développements post-électoraux dans le pays, ce qui pourrait avoir des répercussions sur leur présence au Sahel : la France est toujours engagée militairement dans la région à travers les contingents de la force Barkhane, qui a pris le relais en juillet 2014 du dispositif Serval ; l’Allemagne, pour sa part, a obtenu la reconnaissance d’un rôle central dans la région, ce qui en fait une priorité stratégique en matière de politique étrangère. Enfin, l’Union a récemment ordonné le renouvellement des missions de formation des forces armées maliennes (Eutm) et de la police civile (Eucap Sahel), en étendant leur champ d’application à la zone sahélienne.
Perspectives :
- 29 juillet : Élections présidentielles au Mali.
- 12 août : deuxième tour, si aucun n’atteint 50 % des voix.
Sources :
- DUBOIS Olivier, Mali : ce monumental chantier, Le Point Afrique, 27 juillet 2018.
- Intervista, 26 juillet 2018.
- NARANJO José, La violencia étnica campa por el centro de Malí, El Pais, 27 juillet 2018.
- SANGARE Boukary, Le Centre du Mali : épicentre du djihadisme ?, Note d’analyse du GRIP, 20 mai 2016.