Rome. La suggestion est apparue cette semaine dans le Corriere della Sera, le principal quotidien de l’establishment italien : le ministre de l’économie Giovanni Tria pourrait chercher des acheteurs d’obligations du gouvernement italien (BTP) en Chine (1).

L’intérêt pour Pékin n’est pas seulement dû à l’exotisme, ou aux liens de Tria lui-même avec la Chine (le ministre de l’économie a vécu pendant des années à Shanghai, où il a été professeur d’économie). La proposition est liée à une nécessité urgente : à partir de l’automne prochain, la BCE a décidé d’interrompre progressivement l’assouplissement quantitatif (QE), qui a permis à la BCE d’acheter pour 120 milliards de titres du Trésor italien par an sur un total de 400 milliards (1). Ainsi, la BCE n’a pas seulement contribué à soulager l’Italie d’une partie de sa dette et à injecter des liquidités, mais a même remplacé d’autres investisseurs : l’exposition d’Eurotower à la dette italienne a augmenté de 7,7 %, tandis que les banques et les compagnies d’assurance et les fonds d’investissement ont réduit leur exposition à la dette de l’Italie de respectivement 3,6 % et 2,6 % (2).

Cette manne cessera avec la fin de l’assouplissement quantitatif, ce qui oblige le gouvernement italien à trouver des acheteurs pour refinancer sa dette et maintenir la stabilité de ses comptes. De cette façon, la Chine pourrait venir à la rescousse, au moins en remplaçant en partie la Banque centrale européenne. Pour convaincre les investisseurs locaux, on s’attend à ce que Tria se rende prochainement à Pékin, bien que la date n’ait pas encore été confirmée.

Toutefois, certaines difficultés sont évidentes dans la mise en œuvre du plan Tria. Tout d’abord, le ministre de l’économie se trouve dans l’obligation d’assurer la stabilité à long terme des comptes publics italiens face aux investisseurs étrangers : ce n’est pas une tâche facile, surtout compte tenu des propositions de dépenses publiques élevées contenues dans le programme du gouvernement de coalition. Les investisseurs scrutent les signaux émanant de Rome pour déterminer leurs attentes. Pour cette raison, il est plausible que Giovanni Tria agira dans les mois à venir en tant que gardien des comptes, demandant à son gouvernement de modérer la présentation de la prochaine loi budgétaire.

Une autre difficulté réside dans la faisabilité de l’effort demandé à Pékin : comme l’affirme le professeur Francesco Sisci, « si la Chine achetait 400 milliards de dette italienne, l’Italie devrait alors avoir un déficit commercial avec la Chine d’environ 5-10 % du Pib italien. Un changement qui fait date !” (3). Mais le problème de fond est stratégique. Actuellement, l’Italie n’a pas de relation privilégiée avec la Chine, contrairement à l’Allemagne, véritable partenaire privilégié de Pékin en Europe (4). Comme l’affirme Francesco Sisci, « l’Italie joue un jeu dangereux avec cette idée. Il est juste de penser le problème de l’économie italienne en termes globaux, mais nous devons aussi avoir une idée claire de la situation et de l’orientation de la politique internationale. Sinon, vous risquez de faire plus de mal que de bien ».

Perspectives :

  • Bien qu’aucune date n’ait encore été fixée, il est probable que le ministre Tria se rende en personne en Chine dans les mois à venir afin de persuader les investisseurs d’acheter des obligations du gouvernement italien.
  • D’ici la fin de l’année, le Parlement italien devra approuver la prochaine loi budgétaire, un événement important parce qu’il donnera une idée des intentions de dépenses du gouvernement.

Sources :

  1. FUBINI Federico, Debito pubblico, obiettivo Cina. La strategia di Tria per i Btp e contro il pressing di Lega e M5S, Corriere della Sera, 16 juillet 2018.
  2. Germany’s dangerous Chinese addiction, Handelsblatt, 1 mai 2018.
  3. SISCI Francesco, Vendere BTP ai cinesi ? La Germania ci ha già tagliato fuori anche a Pechino, Il Sussidiario, 18 juillet 2018.
  4. ZAPPONINI Gianluca, Il debito italiano alla Cina ? Il prof. Paganetto spiega perché fidarci di Tria, Formiche, 18 juillet 2018.