Londres. Theresa May est encore à Downing Street. Cependant, le Livre blanc publié par son gouvernement, destiné à calmer le jeu avant les vacances, a suscité les critiques de la frange “hard-Brexit” du Parti conservateur et fini par sérieusement inquiéter la Commission européenne. Avec son idée de maintenir des liens étroits avec l’Union, le nouveau plan a déplu à tout le monde, mais en particulier aux “brexiters” au point que, lors d’un vote à la Chambre des communes lundi dernier, la Première Ministre s’est vue contrainte de leur accorder des concessions sur la question de l’union douanière (5).

Il n’a pas plu davantage à Bruxelles, car sa proposition d’une solution à la question cruciale de la frontière nord-irlandaise – condition sine qua non d’un accord – demeure insatisfaisante. Le Royaume-Uni se retrouve ainsi pris dans une double impasse sur ce fameux “Brexit bill” qui doit être signé à l’automne. En regardant sa montre, Theresa May a annoncé, mercredi dernier, que le pays pourrait bien sortir sans accord (3). C’est l’hypothèse la plus redoutée par l’exécutif européen qui a publié jeudi 19 juillet un texte invitant les États membres et les acteurs privés à se préparer au pire (2), lorsque, le 30 mars, le droit européen cessera de s’appliquer au Royaume-Uni.

Les propositions de scénarios alternatifs se multiplient. Les deux grands partis se re-polarisent entre l’hypothèse d’un second référendum, que le nouveau ministre des Affaires étrangères, Jeremy Hunt estime envisageable (4), et le retour en force du parti UKIP. La base militante et jeune du parti travailliste exerce une pression grandissante sur son leader, Jeremy Corbyn, afin qu’il modifie sa position sur le Brexit et soutienne un second référendum, après la manifestation qui, au mois de juin, a rassemblé 100 000 personnes dans les rues de Londres. Selon de récents sondages, le Parti travailliste est remonté dans les intentions de vote, dépassant d’environ un point le Parti conservateur (1).

De l’autre côté de l’échiquier politique, le parti Ukip, qui avait presque disparu depuis janvier, revient sur le devant de la scène avec un nouveau leader, Gerard Batte, et remonte dans les sondages au même niveau que les Libéraux Démocrates. Le parti semble avoir changé de tactique et trouvé une nouvelle méthode pour rassembler des soutiens, notamment à travers des youtubers d’extrême droite actifs dans la défense du cas Robinson (8).

L’hypothèse d’un gouvernement d’unité nationale, invoquée mercredi par Anna Soubry (7), députée conservatrice pro-européenne, semble pour l’instant peu probable. Il pourrait toutefois aider à dépasser les profondes divisions autour du Brexit, si celles-ci devenaient irréconciliables. La dernière fois qu’un tel gouvernement a été mis sur pied en temps de paix remonte à 1931 (6), lorsqu’un cabinet d’union nationale fut composé pour sortir le pays de la Grande Dépression. Cette hypothèse est peu probable, selon Vernon Bogdanor, professeur au King’s College de Londres, interrogé par The Times. “Historiquement, ces gouvernements sont apparus dans des situations où il y avait un large consensus sur la ligne à suivre, comme en période de guerre ou de grave crise économique. Dans la situation actuelle, c’est l’inverse. Personne n’est d’accord”.

Perspectives :

  • Dans 13 semaines, le Conseil européen doit finaliser l’accord du Brexit.
  • Le 29 mars 2019 est la date limite du processus de négociation sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Sources :

  1. Who’s ahead in the polls ?, Britain Elects, 18 juillet 2018.
  2. Commission européenne, Brexit : la Commission européenne publie une communication relative à la préparation du retrait du Royaume-Uni de l’UE, communiqué de presse du 19 juillet 2018.
  3. DUCOURTIEUX Cécile, BERNARD Philippe, Mme May déclare préparer « les modalités d’une sortie » de l’UE « sans accord, Le Monde, 18 juillet 2018.
  4. GRICE Andrew, For the first time since the 2016 vote for Brexit, I think a second referendum could be possible, The Independent, juillet 2018.
  5. KETTLE Martin, Brexit : now it’s a battle over who governs Britain, The Guardian, 19 juillet 2018.
  6. LEE Dulcie, Why a national unity government could help parties bridge the Brexit divide, The Times, 18 juillet 2018.
  7. LEE Dulcie, Anna Soubry calls for Brexit national unity government, The Times, 19 juillet 2018.
  8. UKIP is bouncing back in an altogether nastier form, The Economist, 19 juillet 2018.