Bruxelles. Finalement à quoi sert l’Otan ? Si la réponse était évidente il y’a dix mois, il est probable que beaucoup de membres de l’Alliance militaire euro-américaine sont maintenant dubitatifs sur le futur des relations transatlantiques en matière de défense et de sécurité après que le président américain Donald Trump a transformé le sommet de l’Otan en un mauvais sitcom (1).
C’est évidemment un problème pour les Européens. Si sur les questions commerciales, Washington et le vieux continent sont sur un pied d’égalité en terme de rapport de force, la balance continue de peser en faveur des américains en matière de défense. Ainsi, quand Trump veut quelque chose, difficile de ne pas l’écouter ou de contourner l’obstacle. C’est concrètement ce qui s’est passé vendredi 12 juillet à Bruxelles. Alors que les leaders de l’Otan parlent de la situation en Ukraine ou de la mission militaire de l’alliance en Afghanistan, Trump exige que ses alliés renforcent leurs budgets militaires pour les faire passer au-dessus des 2 % de leurs PIB, dès maintenant et non en 2025 comme l’indiquait le communiqué du sommet, adopté seize heures plus tôt (3). Pire encore, il propose un objectif à 4 % du PIB alloué aux dépenses militaires, un niveau proche du niveau américain.
Mais les Européens ont résisté. Si Trump a affirmé dans une conférence de presse un peu folle que les Européens augmenteront leurs budgets nationaux “plus rapidement” (donc avant 2025), aucun leader européen n’a confirmé ses dires, répétant à l’unisson que non, la trajectoire restera la même. Même son de cloche pour l’idée farfelue des 4 %. Une posture qui peine à convaincre (2). Trump l’a abordée mais, selon le président français Emmanuel Macron, “on peut passer de 2 à 4 % comme ça. D’autant plus que je ne suis pas sûr que ce soit une bonne mesure”. Pour le président français, ce passage de 2 à 4 % est aussi une mesure américaine pour pousser les Européens… à acheter américain.
L’imprévisibilité et les sautes d’humeur de Trump désemparent les Européens. Dans une note vue par La Lettre, le président américain avant de venir en Europe avait confié à ses équipes qu’il mettait sur le même plan la question des migrations en Europe, le commerce… et la défense. Il est alors assez cohérent de voir les Allemands — traditionnellement le pilier des relations transatlantiques — prêts à montrer les dents contre l’administration américaine (5). Et si selon un sondage récent, la majorité des Allemands souhaite augmenter leur budget lié à la défense, ce n’est pas pour faire plaisir à Trump, mais plus pour renforcer leur autonomie stratégique. Reste à savoir maintenant si les Européens sont capables de s’entendre seuls sans le grand-frère américain, car la dernière déclaration UE-OTAN lie au contraire les destins des deux organisations (4).
Perspectives :
- 25 juillet 2018 : Rencontre entre Jean-Claude Juncker et Donald Trump à Washington D.C. pour parler des relations commerciales.
Sources :
- BIRNBAUM Michael, RUCKER Philip, At NATO, Trump claims allies make new defense spending commitments after he upends summit, The Washington Post, 12 juillet 2018.
- Conseil Européen, Joint Declaration on EU-NATO cooperation by the President of the European Council, the President of the European Commission and the Secretary-General of the North Atlantic Treaty organisation, 10 juillet 2018.
- MEDICK Veit, Interview mit Ex-Außenminister Gabriel, »Trump will in Deutschland einen Regimechange », Der Spiegel, 12 juillet 2018.
- Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, Déclaration du Sommet de Bruxelles, 11 juillet 2018.
- SHAPIRO Jeremy, Trump’s meaningless NATO spending debate, European Council on Foreign Relations, 9 juillet 2018.