Vienne. Il ne fait aucun doute qu’une éventuelle résolution, même temporaire, de la crise actuelle entre la chancelière allemande Angela Merkel et son ministre de l’Intérieur Horst Seehofer aurait un impact direct sur les choix du gouvernement autrichien. En effet, l’Autriche est explicitement mentionnée comme la base du compromis laborieusement négocié dans la soirée du lundi 2 juillet (4) : un accord avec Vienne y est indiqué comme l’un des instruments envisagés pour fixer une limite à l’migration secondaire entre les États européens, ce qui supposerait également la création de centres spéciaux à la frontière austro-allemande. La menace de la démission de Seehofer a ainsi été désamorcée, repoussant pour l’instant l’hypothèse extrême de fermeture des frontières de l’Allemagne avancée par le ministre.

Vienne a pris la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne au début de ce mois et sait pertinemment que le succès de son mandat dépendra du traitement ou non du dossier de l’immigration. Le chancelier Sebastian Kurz, qui a derrière lui une majorité de gouvernements composés du Parti populaire autrichien et de l’extrême droite, a parlé à plusieurs reprises de la nécessité de protéger les citoyens de l’UE des conséquences de flux migratoires incontrôlés. Toutefois, en réponse au compromis, M. Kurz a réitéré mardi qu’il était prêt à assurer une protection adéquate de la frontière sud autrichienne (2).

Seehofer s’est immédiatement rendu à Vienne pour une réunion de clarification avec Kurz (3) : alors qu’Angela Merkel a poursuivi la voie des accords bilatéraux avec des pays méditerranéens comme la Grèce et l’Espagne, le ministre de l’Intérieur a insisté sur la construction d’un axe avec l’Autriche et l’Italie, comme Kurz l’a évoqué à plusieurs reprises, dans le but de fermer définitivement la route méditerranéenne (1). Ce thème fera l’objet d’un sommet entre les gouvernements allemand, italien et autrichien à la veille de la réunion des ministres de l’Intérieur de l’UE la semaine prochaine à Innsbruck.

Perspectives :

  • La visite de Seehofer à Vienne semble avoir rassuré le gouvernement autrichien, même s’il n’est pas certain qu’une nouvelle menace de renvoyer les migrants à la frontière ne conduira pas à la fermeture du col du Brenner. Les tensions entre Merkel et Seehofer pourraient exploser à nouveau, en attendant le vote en Bavière après l’été.
  • La présidence autrichienne a pris une valeur symbolique au niveau européen, en particulier en ce qui concerne le débat sur la question des migrations. Reste à voir si Kurz favorisera un rôle de médiateur ou s’il en profitera pour influencer l’ordre du jour et promouvoir des positions extrémistes.
  • Contrairement à l’Allemagne, il n’y a actuellement aucune tension entre le Parti populaire autrichien de Kurz, l’extrême droite de son vice-chancelier, M. Strache, et le ministre de l’Intérieur, M. Kickl. La vision des deux partenaires du gouvernement en matière d’immigration est similaire.

Sources :

  1. Deutschland und Österreich wollen « Südroute » für Flüchtlinge schließen, Der Spiegel, 5 juillet 2018.
  2. Regierung bereitet Maßnahmen zum « Schutz unserer Südgrenzen » vor, Die Presse, 3 juillet 2018.
  3. Flüchtlinge : Kurz und Seehofer bilden Allianz, Die Presse, 5 juillet 2018.
  4. GATHMANN Florian, Auf den ersten Blick ist alles gut, Der Spiegel, 3 juillet 2018.