Tallinn. L’Estonie a rejoint lundi dernier huit autres pays européens en signant une lettre d’intention de l’Initiative européenne d’intervention (IEI). Ce projet de coopération militaire européenne, proposé par le président français Emmanuel Macron lors de son discours à la Sorbonne septembre dernier, comprend désormais 9 pays : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark, l’Espagne, la Belgique, les Pays Bas, le Luxembourg et l’Estonie.

La participation de ce petit pays balte à l’initiative avant-gardiste française pourrait étonner, mais un regard plus approfondi révèle que l’Estonie, membre de l’UE et de l’Otan depuis 2004, prend sa sécurité au sérieux. C’est l’un des rares pays membres de l’Alliance qui dépense, selon l’accord entre les pays alliés, 2 % de PIB pour la défense (le chiffre a diminué entre 2010 et 2013 à cause de la crise économique et a repris depuis 2014) (4). Après les affrontements en Ukraine, l’Estonie a commencé à faire des investissements plus poussés dans l’armement et a mené une réflexion sur la doctrine, notamment, liée à la résilience de la société face aux nouvelles menaces du type hybride.

Mais, surtout, pour l’Estonie, la sécurité passe par la coopération internationale. L’Alliance Atlantique est de première importance pour tous les pays baltes : l’Estonie la Lettonie et la Lituanie. Tous les trois ont fait des démarches pour obtenir la présence des forces de l’Otan en exercices sur leur sol après l’intervention russe en Ukraine en 2014.

Mais l’Estonie comprend aussi l’importance de la coopération européenne et soutient la France, la promotrice la plus active du volet sécuritaire de l’UE. Le renforcement de la défense européenne faisait partie des objectifs de la présidence de l’Estonie de l’Union en 2017 (1). Le pays envisage aussi sa participation aux projets de la Coopération structurée permanente (CSP), qui se met en place au sein de l’Union depuis fin 2017.

Il faudrait remarquer que l’Initiative européenne d’intervention sort du strict cadre de l’Union. Il s’agit d’une technique d’intégration déjà expérimentée : une initiative est lancée entre les pays européens qui « veulent aller en avant », en espérant que les autres vont les rejoindre plus tard. Le soutien de l’Estonie à une initiative française s’explique aussi par d’autres pistes. La coopération entre les deux pays est déjà en marche. Les forces armées françaises ont été parmi les premières déployées en Estonie en 2017 dans le cadre de la force de réassurance de l’Otan (2). L’Estonie a fait un pas inédit en décidant récemment d’envoyer un contingent de 50 soldats dans l’opération française Barkhane au Mali (3).

L’Estonie semble faire un choix stratégique : avec les positions de plus en plus sceptiques du président des États-Unis sur la sécurité européenne et le retrait du Royaume Uni de l’Union, la France sera le seul allié crédible avec une force militaire importante au sein de l’Europe. La coopération européenne sera indispensable pour la défense du continent.

Perspectives :

  • Les modalités plus concrètes de la coopération au sein de l’Initiative européenne d’intervention vont se définir entre les pays participants dans le futur proche.
  • Entre temps, les pays membres de l’UE continuent à préparer les projets dans le cadre de la Coopération structurée permanente (CSP) de l’UE. Le deuxième volet des projets devrait être entériné en novembre 2018.
  • Les discussions importantes sur la sécurité et défense entre les pays européens et leurs alliés nord-américains vont se poursuivre lors du sommet de l’OTAN à Bruxelles 11 et 12 juillet 2018.

Sources :

  1. Ministry of Defence, Republic of Estonia, Luik : Estonia wants to move forward with EU defence cooperation, 30 juin 2017.
  2. Représentation Permanente de la France auprès de l’OTAN, Estonie – Déploiement français dans le cadre de la présence avancée renforcée (eFP), 26 juillet 2017.
  3. Des soldats estoniens bientôt en renfort pour Barkhane au Mali, RFI Afrique, 11 mai 2018.
  4. World Bank, Country data.