Berlin/Bruxelles. Un nouveau chapitre de la guerre commerciale entre l’Union européenne et les États-Unis s’est ouvert le vendredi 22 juin, avec l’entrée en vigueur des droits européens sur les importations américaines. La mesure, prise en représailles contre les droits imposés par l’administration Trump sur l’acier et l’aluminium, a une valeur politique, étant donné que les produits touchés sont le whisky, produit au Kentucky, l’état du leader de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, et les motos Harley Davidson, produites dans le Wisconsin, d’où vient Paul Ryan, Président de la Chambre. La réaction immédiate de Trump, qui menaçait d’imposer un tarif de 20 % sur les importations de voitures en provenance de l’Union européenne, n’est pas surprenante (4).
La proposition, qui vise à s’attaquer au grave déséquilibre de la balance des paiements des États-Unis par rapport à l’Allemagne, ne devrait pas avoir beaucoup d’effet. Selon le Handelsblatt, sur les 1,3 million de machines allemandes vendues aux États-Unis en 2017, 800 000 ont été produites localement (1). Volkswagen, BMW et Daimler ont toutes des usines en Amérique pour servir le marché local. Paradoxalement, la plus grande menace pour l’industrie allemande est indirecte. Si la Chine, comme cela semble plausible, met en œuvre la menace de droits de douane sur les importations de voitures en provenance des États-Unis, ce seront BMW et Daimler, qui desservent la Chine à partir de leurs usines aux États-Unis, qui seront les principales victimes. C’est pourquoi Daimler, dans une communication aux investisseurs, a réduit ses prévisions de croissance (2). Alors que, ironiquement, ce sont précisément les producteurs américains qui en sortiraient pratiquement indemnes, étant donné qu’ils produisent principalement en Chine.
Cette histoire, en plus de démontrer une fois de plus la complexité et l’interconnexion de l’économie mondiale, qui rend difficile de prédire les véritables effets d’une guerre commerciale, offre également un point de départ pour une réflexion à moyen terme : l’escalade commerciale actuelle pourrait indirectement avoir pour effet de rapprocher l’Europe et la Chine, toutes deux opposées au virage protectionniste de Trump. Un rapprochement possible qui était quelque peu anticipé par la visite d’Angela Merkel à Pékin en mai et par l’importance croissante du commerce entre les deux pays : en 2016, la Chine est devenue le principal partenaire commercial de l’Allemagne, tandis que Berlin est le principal bénéficiaire des investissements chinois dans le monde (3). Bien que les avantages à long terme du remplacement des États-Unis par la Chine en tant que partenaire commercial privilégié soient encore à démontrer, à court terme, il pourrait s’avérer nécessaire, d’un point de vue tactique, de renforcer les liens. Avec pour conséquence prévisible que toute l’Europe suive l’exemple de Berlin.
Sources :
- BAY Lucas, German carmakers to Trump : Bring on the import duties, Handelsblatt, 6 mars 2018.
- Daimler, Communiqué aux investisseurs, Daimler adapts earnings expectations, 20 juin 2018.
- The Future of German-Chinese Trade : Prospects and Pitfalls, Geopolitical Futures, 21 juin 2018.
- SHEPARDSON David, Trump threatens 20 percent U.S. tariff on EU car imports, Reuters, 22 juin 2018.