Tachkent et Achgabat. Avant l’année dernière, effectuer un simple paiement en Ouzbékistan était une véritable corvée : pour un repas coûtant 72 000 sums ouzbèkes, il fallait sortir pas moins de 50 billets de banque. Il n’y a pas à s’étonner de ce que la plupart des Ouzbeks sachent compter la monnaie à un rythme scandaleusement rapide. Non seulement les billets de banque n’étaient absolument pas adaptés à leur usage (le billet le plus diffusé était celui de 1 000 sums qui s’échangeait officiellement contre 4.210 dollars) mais ils s’échangeaient presque uniquement sur le marché noir. Dans tous les souks du pays, on trouvait des changeurs avec des sacs de cash prêts à échanger des billets de 100 dollars neufs contre des sacs remplis de billets ouzbeks. Alors que la sum ouzbek s’échangeait à la banque à un taux d’environ 4 000 pour 1 dollar, les changeurs illicites des souks pouvaient vendre pour plus de 7 000 sums contre 1 dollar.

Cet écart, résultat du taux de change fixe imposé agressivement par l’ancien président, a causé de nombreux problèmes à l’Ouzbékistan et à sa population. L’Ouzbékistan s’est notamment trouvé exclu du secteur bancaire international et les officiels qui contrôlaient le flux de monnaie forte se sont enrichis alors que le peuple s’appauvrissait. Cependant, les choses s’améliorent. L’année dernière, le président réformateur Shavkat Mirziyoyev détruisit efficacement le marché noir en abaissant le taux de change sous celui du marché noir : les changeurs illégaux disparurent presque en une nuit et les produits importés sont devenus de nouveaux accessibles.

À Achgabat, cependant, le chemin suivi est tout à fait différent. La chute des prix du gaz en 2014 a secoué le pays mais, plutôt que de procéder à une dévaluation de leur monnaie, le manat, ils ont fixé le taux de change et lutté contre les importations illégales. Bien entendu, le marché noir est aujourd’hui florissant. Aujourd’hui, le dollar s’achète 3.5 manats officiellement mais 15 au marché noir. Comme en Ouzbékistan, les réseaux des officiels leur permettent de s’enrichir sur cette disparité de taux de change.

Le change ouzbèke, longtemps fixé à un taux artificiellement élevé, a appauvri le pays et l’a isolé sur la scène internationale, décourageant fortement les investissements étrangers. Le Turkménistan, qui souhaite augmenter ses investissements dans le secteur des hydrocarbures, ferait bien d’apprendre des erreurs de son voisin. Malheureusement, rien ne laisse présager qu’il le fera.

Perspectives :

  • Le gouvernement turkmène n’a jamais pratiqué les annonces prévues longtemps à l’avance. Le gouvernement pourra-t-il empêcher les difficultés économiques de se muer en agitation populaire ? À long terme, le problème de la devise exacerbera les problèmes sous-jacents du Turkménistan.
  • Les investissements étrangers en Ouzbékistan reprennent, particulièrement en provenance de la Chine. Le gouvernement encourage l’investissement étranger et espère qu’une grande multinationale américaine ou européenne y ouvre une boutique qui sera le signe que ce pays son marché s’ouvre enfin.

Sources :

  1. Uzbekistan’s Black-Market Traders Brace For The Worst As Currency Reforms Take Effect, RFE/RL, 4 septembre 2017.
  2. Нелегальный курс доллара в Туркменистане превысил 16 манатов, RFE/RL, 25 avril 2018.
  3. Turkmenistan tightens fx regulations as black market flourishes, Reuters, 14 décembre 2017.