Bruxelles. Oubliez l’union douanière ou le programme Galileo. Dans les capitales et les institutions européennes, le Brexit fascine surtout dans la mesure où il va bouleverser les rapports de forces. En effet, sur la politique commerciale, la fiscalité, la défense ou les questions sociales, le retrait britannique change de facto les majorités politiques au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen (6).

Et c’est là que les Pays-Bas entrent en jeu. Premier Ministre depuis octobre 2010, Mark Rutte, 50 ans, s’est lancé ces derniers mois dans une opération diplomatique. Il souhaite convaincre que son pays pourrait remplacer les Britanniques comme porte-parole de “l’Europe pragmatique” sur le volet commercial ou sur le respect des souverainetés nationales (1), oeuvrant pour une “Europe du business” et du libre-échange.

Selon The Economist, les Pays-Bas doivent changer leur mantra diplomatique pour prouver qu’ils ne sont plus un Etat tampon coincé entre les géants Britanniques, Français et Allemands et ils doivent maintenant s’ancrer de plein-pieds dans la construction européenne (5). D’où les nombreuses déclarations néerlandaises pour ne pas augmenter le budget européen (4), chercher de nouveaux alliés à l’Est (3), et former des alliances pour limiter au maximum les réformes de la zone euro à l’Union bancaire (2).

Le tout est de savoir si cette stratégie va fonctionner. On peut en douter, car au Conseil, les Britanniques représentent 12,85 % des votes, et les Pays-Bas seulement 3,66 % ; ainsi, seulement des alliances très larges et composites pourront contourner Paris et Berlin. L’autre obstacle est interne. Réélu Premier-ministre en 2017, Rutte s’appuie sur une majorité qui ne tient qu’à un seul député au Parlement de la Haye. Sa coalition est d’ailleurs divisée sur l’Europe entre son propre parti, le VVD, centriste et conservateur, et le D66, parti très libéral, pro-européen et Macron-compatible.

Perspectives :

  • Les prochaines échéances européennes comme les négociations du budget européen permettront de voir comment les néerlandais pourraient changer la donne en Europe et si leur stratégie diplomatique se révèle gagnante.
  • Certains spéculent que cette stratégie de Rutte pourrait lui permettre — comme le disent les bruits de couloirs dans les institutions européennes — d’être le candidat pour remplacer Donald Tusk à la tête du Conseil européen le 1er décembre 2019.

Sources :

  1. KAHN Mehreen, Dutch premier prepares to become EU’s leading voice on free trade, The Financial Times 26 mars 2018.
  2. Ministère finlandais des finances, Finance ministers from Denmark, Estonia, Finland, Ireland, Latvia, Lithuania, the Netherlands and Sweden underline their shared views and values in the discussion on the architecture of the EMU, 28 février 2018.
  3. RUTTE Mark, Speech by Prime Minister Mark Rutte on the future of the European Union – European Parliament, Strasbourg, 13 juin 2018.
  4. STROOBANTS Jean-Pierre, Mark Rutte : « Je souhaite que les Britanniques restent dans le marché unique européen », Le Monde, 21 mars 2018.
  5. How the Dutch will take Britain’s place in Europe, The Economist, 31 mars 2018.
  6. Top 8 effects of Brexit on the future EU policies, Votewatch, 05 avril 2017.