Freetown. Le général à la retraite Julius Maada Wonie Bio a gagné les élections présidentielles ils y a quelques semaines au Sierra Leone.
Candidat de l’opposition, il l’a emporté d’une courte tête avec 51.81 % des voix au terme d’un scrutin à deux tours. Au premier tour, seules 15 000 voix le séparaient de son concurrent, Samara Kamara, ancien ministre des affaires étrangères et candidat du All People’s Congress, au pouvoir ces dix dernières années. Malgré sa francophilie, Julius Maada Bio n’avait pas d’appui particulier de Paris.
Cette élection a été marquée par une controverse sur le prétendu usage de la blockchain pour comptabiliser les voix. En effet, la société suisse Agora s’est vantée dans la presse d’avoir remporté une victoire technologique en ayant, pour la première fois, rendu possible une élection sur les bases de la blockchain (1). Or, la commission nationale électorale (NEC) assure qu’elle a mené les opérations sans assistance technologique et manuellement. Son président Mohamed Conteh assure que “la NEC n’a pas utilisé la technologie blockchain, elle n’utilise à aucun stade du processus électoral” (2). Selon cette commission, Agora aurait simplement joué le rôle d’observateur externe, dans le but de comparer, à titre expérimental, les résultats officiels des élections avec ses propres données, enregistrées sur un système construit sur la blockchain.
On serait tenté de croire qu’il n’y a pas eu automatisation dans la mesure où les résultats ont été fournis en retard car il manquait des bulletins provenant de 11 000 bureaux de vote. L’utilisation des nouvelles technologies dans les procédures de vote est une question sensible : en effet, tout en apportant un gage de fiabilité et de sûreté en éliminant les interférences manuelles, elles imposent aussi une traçabilité et un suivi accru des électeurs, notamment via la collecte de données personnelles préalables au vote. Par ailleurs, leur démocratisation compromettrait les revenus confortables et les avantages de toutes sortes des commissions électorales et de leurs partenaires.
Sources :
- Agora, Bringing our voting systems into the 21st century, White Paper, 2018.
- Sierra Leone government denies the role of blockchain in its recent election, Techcrunch, 19 mars 2018.