Bujumbura. Ce sont 96 % des inscrits qui se sont déplacés le 17 Mai pour voter la réforme constitutionnelle du Burundi. Les militants du CNDD FDD, le parti du président Hutu Pierre Nkurunziza, et les membres de l’Imbonerakure, le mouvement des jeunes affiliés à ce même parti, ont fait du porte à porte toute la journée pour s’assurer que chacun aille aux urnes (4).

La réforme, validée avec 73 % de “oui”, est d’abord un renforcement de l’assise et des pouvoirs du président. Désormais “Guide Suprême Éternel”, Pierre Nkurunziza est libre de briguer deux mandats supplémentaires, dont la durée a par ailleurs été portée de 5 à 7 ans. Mais cette loi ne lui permet pas seulement de rester en poste : elle lui transfère certains pouvoirs du gouvernement et supprime l’un des deux vice-présidents. Enfin, elle réduit la majorité nécessaire pour adopter des lois de deux tiers à la majorité absolue, et pose les bases pour supprimer le système de quotas qui garantit le partage du pouvoir entre les ethnies Hutu et Tutsi. Actuellement, les deux ethnies disposent respectivement de 60 et 40 % des sièges du Parlement, et de la moitié chacune des sièges du Sénat. L’équilibre ethnique dans les postes administratifs et de gouvernement, ainsi que la limite de deux mandats imposée au président, font partie des dispositions prises dans les accords d’Arusha (3). Ces accords, signés en 2000 grâce à la médiation de la Tanzanie, ont joué un rôle déterminant dans le processus qui a mis fin à la guerre civile (1993 – 2006), et sont largement considérés comme garants de la paix au Burundi (1).

Si le scrutin du 17 Mai s’est déroulé dans un calme relatif, c’est surtout le résultat de l’intimidation de la population et du musellement des médias. La plupart des représentants de l’opposition et des journalistes ont en effet fui le pays et le gouvernement a suspendu début mai la diffusion de la BBC et d’autres chaînes, les accusant de discréditer le président. Par son attitude, le pays s’isole de plus en plus de la communauté internationale. Ainsi, en Mars 2016, l’Union Européenne a suspendu son aide financière, qui s’élevait à 62 millions d’euros en 2014 (8). En Octobre 2017, la Cours Pénale Internationale a ouvert une enquête pour crime contre l’humanité, mais le Burundi a réagi en claquant la porte de La Haye, devenant le premier pays au monde à quitter l’organisation (7).

Sur le plan régional cependant, l’autoritarisme du Burundi est loin d’être un cas isolé. Au Rwanda, Paul Kagame a été réélu président l’an dernier, après avoir modifié la constitution qui lui interdisait de se représenter. L’Ouganda et la Tanzanie ont pris des virages similaires, et le Congo pourrait bien suivre : Joseph Kabila, dont le mandat est théoriquement arrivé à son terme le 20 décembre 2016, n’a eu de cesse de repousser l’élection de son successeur. Dans ce contexte, rien de surprenant à ce que l’Ouganda et la Tanzanie, membres de la Communauté Est Africaine (EAC) au même titre que le Burundi, aient condamné les sanctions Européennes sur celui-ci (5). Sans relais locaux, l’Union peine à jouer un rôle politique et à défendre les accords d’Arusha. Le manque d’alignement au sein de l’Union Africaine, notamment, et la faiblesse de ses relations avec l’Union, est un frein majeur à la coopération dans cette zone. En l’absence de meilleures solutions, l’Union doit se contenter de soutenir la population via les ONG. Le Burundi, 184ème pays en terme d’IDH, a vu son PIB par habitant chuter depuis le début de la crise en 2015. Les trois cinquièmes des Burundais souffriraient de malnutrition (3).

Perspectives :

  • 31 Octobre 2018 : expiration des sanctions de l’Union contre le Burundi.
  • 23 Décembre 2018 : élections présidentielles en RDC.

Sources :

  1. COLSON Aurélien, PEKAR-LEMPEREUR Alain, Un pont vers une paix durable, Négociations, 2008.
  2. Time to Reset African Union-European Union Relations, International Crisis Group, 17 octobre 2017.
  3. Arusha Peace and Reconciliation Agreement for Burundi, ONU Peacemaker, 18 août 2000.
  4. Référendum au Burundi : forte affluence dans les bureaux de vote, RFI, 15 mai 2018.
  5. East African leaders press EU to lift Burundi sanctions, The Daily Mail, 20 mai 2017.
  6. Burundi’s president is now supreme eternal guide, The Economist, 19 mai 2018.
  7. Burundi becomes first nation to leave international criminal court, The Guardian, 28 octobre 2017.
  8. European Union Suspends Aid to Burundi Over Political Crisis, The NY Times, 14 mars 2018.