Ankara. Alors que la critique formulée par les pays européens à l’encontre de la répression sanglante à Gaza se fait molle, Recep Tayyip Erdoğan s’est érigé porte-parole de la défense de la cause palestinienne en incarnant la protestation à l’égard d’Israël, à l’image de sa déclaration : « nous maudissons le terrorisme d’État d’Israël » (2). De plus, la Turquie, qui assure la présidence tournante de l’Organisation de Coopération Islamique, a convoqué le 18 Mai un sommet extraordinaire à Istanbul dont la déclaration finale souhaite le jugement d’Israël devant la Cour Pénale Internationale ; la prise en considération par l’ONU de la dimension illégale du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem ; et l’instauration d’une force de protection internationale en Palestine (4). Ces réclamations et accusations permettent au président turc de renforcer son statut de leader de la défense de la cause palestinienne et d’afficher son autonomie vis à vis des choix politiques américains. Car, le 14 Mai est aussi la date choisie par l’administration Trump pour transférer son ambassade à Jérusalem malgré la résolution 478 du Conseil de Sécurité et le consensus international sur la question du statut de Jérusalem (5).

Au delà de la sincère sympathie pour la cause palestinienne, cette attitude turque revêt une forte dimension politique et stratégique. La Turquie est avant tout en quête de statut sur la scène internationale et la cause palestinienne représente un levier d’influence puissant dans un Moyen Orient où aucune puissance régionale ne parvient à s’imposer. Pour afficher son implication et son souci du peuple palestinien le gouvernement turc reprend la rhétorique corrosive à l’égard d’Israël (1).

Serait-ce le début d’une nouvelle rupture diplomatique ? Suite à l’incident du Mavi Marmara en mai 2010, Turcs et Israéliens avaient rompus leurs relations diplomatiques. Mais, en parallèle de l’embrasement du conflit syrien qui a fait de la Russie et de l’Iran des puissances incontournables au Moyen Orient, un rapprochement a été opéré pour des raisons commerciales, énergétiques et stratégiques (3).

Durant l’été 2016, un accord de réconciliation avait été ratifié, il est aujourd’hui mis à mal. Les accusations formulées par le président turc à l’égard d’Israël sont le symbole que le niveau des  relations d’antan entre les deux alliés stratégiques ne pourront être retrouvés que si la Turquie est en difficulté dans la région et que les deux parties ne se décident à faire des concessions sur les deux principaux sujets de discorde : le soutien du gouvernement turc au Hamas et le blocus israélien de Gaza.

Perspectives :

  • Ankara n’a toujours pas autorisé le retour de l’ambassadeur d’Israël en Turquie.
  • Débat envisagé à la Knesset concernant la reconnaissance du génocide arménien.
  • 4 juin : Rencontre entre Mevlüt Çavuşoğlu et Mike Pompeo à Washington.
  • Maintien des accords de coopération militaire turco-israélien (depuis 1996).

Sources :

  1. Yildirim : Israël imite Hitler et Mussolini, Agence Anadolu, 18/05/2018.
  2. Erdogan : Nous maudissons le terrorisme d’état, la cruauté et les massacres d’Israël, Agence Anadolu, 19/05/2018.
  3. BALCI Bayram, Réconciliation turco-israélienne : isolée, la Turquie aspire à réparer ses relations avec Israël mais le chemin est semé d’embûches, Huffington Post, 05/01/2016.
  4. Communiqué final de la 7e session extraordinaire de la conférence islamique au sommet sur les développements graves de la situation dans l’Etat de Palestine.
  5. Résolution 478 (1980) du Conseil de Sécurité demandant aux “Etats qui ont établi des missions diplomatiques à Jérusalem de retirer ces missions de la ville sainte”. (art 5, b). Adoptée par 14 voix contre 0, 1 abstention : Etats-Unis.