Washington. La récente flambée des prix du pétrole est un facteur observé avec un intérêt particulier par l’industrie américaine du pétrole de schiste. À partir de fin 2014, la survie et le succès du secteur sont apparus menacés en raison d’un coût du baril réduit artificiellement, en moyenne autour de 50$ ou moins, par l’OPEP.

Or, on estime que la durabilité à moyen et long terme du pétrole de schiste dépendrait d’un prix du baril d’au moins 60 $. S’il est vrai que pendant les dernières années, plus de 120 compagnies pétrolières américaines ont dû déposer le bilan (5), néanmoins de nombreux producteurs ont survécu grâce au soutien du secteur du crédit et ont ramené la production américaine à ses sommets historiques.

Les statistiques de l’Energy Information Administration des États-Unis indiquent que la production américaine s’établit maintenant à plus de 10 millions de barils par jour, un chiffre qui a doublé par rapport aux années de la crise de 2008 et qui a égalé la production de 1970 (2).

Depuis fin 2015, le Congrès a supprimé l’interdiction pour les producteurs américains d’exporter du pétrole à l’étranger. Grâce à la hausse du prix du baril, les entreprises américaines auront plus de ressources à investir afin d’accroître l’extraction et de combler les lacunes à la fois techniques et infrastructurelles du processus de raffinage (4).

L’Europe, et en particulier les États membres de l’Union, accorde une attention particulière au développement du pétrole de schiste afin d’obtenir un accès privilégié à son marché. Ce n’est pas par hasard si la Commission européenne, pour atteindre ce but, a déjà essayé d’insérer, dans le cadre des négociations sur le TTIP, un chapitre sur l’échange énergétique (6).

Quoi qu’il en soit, en 2017 l’Europe a été la destinataire de 7 % des exportations américaines de pétrole. Selon Reuters, au premier semestre 2018, ce pourcentage aurait déjà augmenté d’environ cinq points (1). Une expansion progressive des exportations vers l’Europe aurait un triple impact. En premier lieu, elle permettrait de différencier les sources d’approvisionnement, en réduisant l’importance au niveau international de nombreuses zones à haut risque d’instabilité. Deuxièmement, un flux plus important de brut américain sur le marché mondial viserait à ramener le prix moyen par baril à un niveau plus soutenable, sur le long terme, pour les caisses européennes. Enfin, le pétrole de schiste américain pourrait compenser une pénurie d’énergie de plus en plus marquée pour l’Europe en raison de l’épuisement des ressources continentales.

Perspectives :

  • L’International Energy Agency estime qu’en 2019, les États-Unis dépasseront l’Arabie saoudite et la Russie en tant que principaux producteurs mondiaux de pétrole brut (3). S’il est vrai que le TTIP est désormais un traité délaissé, néanmoins les pays membres de l’Union européenne continueront à bénéficier de l’expansion du pétrole de schiste américain : on peut prévoir que le volume des importations du brut américain aura tendance à augmenter, accompagné de sources d’approvisionnement plus traditionnelles, comme dans le cas de la Russie.

Sources :

  1. End of the US Crude Oil export ban, Consequences for TTIP and the climate, Carnegie Endowment for International Peace, 15/01/2016.
  2. US Field Production of Crude Oil, Energy Information Administration.
  3. Oil Market Report , Energy Information Administration, 19/01/2018.
  4. US Oil producers’ battle to meet Iran shortfall, Financial Time, 09/05/2018.
  5. Oil Patch Bankruptcy Monitor, Haynes and Boone, 2017.
  6. YAGOVA Olga, GEORGE Libby, Trump’s revenge : US oil floods Europe, hurting OPEC and Russia, Reuters, 23/04/2018.