Jérusalem. La grande communauté russophone présente en Israël, son lien étroit avec l’ancienne patrie et son influence sur la politique de l’Etat hébreu sont peut-être l’une des raisons expliquant l’attitude de Poutine qui, en accueillant le président israélien Rivlin à Moscou il y a deux ans, parlait d’une « relation spéciale » qui lie le deux pays (4), renforcée par des liens commerciaux et militaires importants (3) et un tourisme religieux à la hausse (la communauté orthodoxe russe en Israël a plus de quarante mille personnes).

Une relation privilégiée qui n’a certainement pas les mêmes caractéristiques que celle de l’Iran, toujours en cours de définition, à mi-chemin entre un mariage de complaisance (notamment pour ce qui concerne la Syrie et l’accord sur le nucléaire) et une compréhension stratégique (forte aussi de son aversion de racine conservatrice et religieuse (5), envers l’occident) (6). Cette relation spéciale avec Israël, donc, combinée à l’engagement du gouvernement russe pour protéger à tout prix les communautés russophones où qu’elles soient (1) et le fait que Poutine soutient clairement le gouvernement israélien (la dernière visite, très amicale, de Netanyahou à Moscou a eu lieu précisément le 9 mai, le jour de la fête de la Victoire soviétique Seconde Guerre mondiale, victoire également célébré en Israël (1), le seul pays en dehors des pays ex-Union soviétique à avoir aligné sa célébration sur le calendrier russe) a clairement mis en lumière les différents événements des dernières semaines au Moyen-Orient, les Russes laissant carte blanche aux Israéliens dans leurs représailles contre la présence iranienne au sud de la Syrie (2). On peut donc douter qu’en cas de conflit armé entre Israël et l’Iran, les Russes prendront le parti des alliés persans : les rapports avec les deux puissances régionales ont mis Poutine dans la position privilégiée de servir de médiateur.

Perspectives :

  • 22-23 mai : des représentants du gouvernement iranien et de l’Union, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne se réuniront à Vienne, après les fac-à- face de la semaine dernière avec le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Zarif, dans le but de sauver l’accord sur le nucléaire après le retrait, pour l’instant seulement annoncé, du gouvernement américain. Un affaiblissement du gouvernement Rohani, commanditaire principal de l’accord, conduirait à renforcer le plan politique le plus radical et plusieurs observateur considèrent comme une conséquence probable des événements de ces dernières semaines une possible escalade de la confrontation entre Israël et l’Iran. Cela se produirait surtout si le gouvernement israélien passait de frappes ciblées à des raids punitifs à grande échelle et à des transferts d’armes à feu vers la Syrie, ce qui mettrait également en danger le personnel russe dans la région.

Sources  :

  1. BARANOVSKY, Vladimir, MATEIKO, Anatoly, Responsibility to Protect : Russia’s Approaches, The International Spectator, 51:2, 2016, 49-69.
  2. KNESSET, Communiqué de presse du 27 juin 2017.
  3. NIKOLSKY Alexei, L’armée russe continuera à acheter des drones israeliens, Vedomosti, 3 septembre 2015.
  4. Putin says he plans to meet Israeli prime minister soon, TASS, 16 mars 2016.
  5. Le patriarche Cyrille a mis en œuvre un dialogue avec les communautés musulmanes, principalement chiites, basée précisément sur les valeurs critiques et la laïcité occidentale, vu aussi par les élites politiques de Moscou et Téhéran comme instruments uniquement destinés àprotéger les intérêts géopolitiques. Voir THERME Clément, Les frontières de la Russie. Amitié prudente de l’Iran avec Moscou, la conversation, 18 Novembre 2014 ; Rencontre avec l’Ambassadeur du Patriarche Eglise orthodoxe russe, Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou.
  6. THERME Clement, The Iran-Russia entente after the Vienna Agreement : marriage of convenience or strategic partnership ?, in MAGRI Paolo, PERTEGHELLA,Annalisa (ed), Iran After the Deal, the Road Ahead, 2015, Edizioni Epoké.
  7. WILLIAMS Dan, Russia unlikely to limit Israeli actions in Syria : Netanyahu, Reuters, 17 mai 2018 ; PFEFFER Anshel, Putin Is Giving Israel a Free Hand Against Iran in Syria. But He May Soon Have to Pick a Side, Haaretz, 11 mai 2018.