L’essentiel de l’événement politique le plus important de la rentrée
Du 18 au 24 Octobre dernier s’est tenu le XIXe Congrès du Parti Communiste Chinois (中国共产党), comme le savent ceux qui ont suivi notre direct sur twitter de l’événement. Les dirigeants du plus grand parti politique de la planète se sont rassemblés afin de donner une représentation publique aux remaniements des instances centrales appelées à contrôler la Chine dans les prochaines années.
Le président Xi Jinping (prononcer : she, comme pour le pronom féminin anglais) a vu son pouvoir lourdement confirmé. Au premier mandat marqué par une lutte anti-corruption menée avec succès et par le lancement de grandes initiatives géopolitiques suivra donc, au moins, un deuxième mandat.
Alors que les Etats-Unis de Donald Trump semblent s’éclipser de la scène politique internationale, la Chine souhaite devenir une puissance continentale absolue. S’intéresser à la place et au fonctionnement du Parti Communiste Chinois (PCC) en République Populaire de Chine (RPC) devient alors nécessaire pour comprendre ses ambitions internationales à partir du constat de fondements et de valeurs concurrentes des partis et systèmes politiques européens.
1. Qu’est-ce que le Congrès du Parti Communiste Chinois ?
Tous les cinq ans pour une durée d’environ une semaine, le Congrès du Parti communiste chinois (中国共产党全国代表大会) appelle plus de 2000 délégués parmi ses 85 millions de membres, pour procéder à l’élection des membres de deux hautes instances dirigeantes du Parti : le Comité Central (中国共产党中央委员会) et le Comité central pour l’Inspection disciplinaire du Parti communiste chinois (中国共产党中央纪律检查委员会).
Cette année 2287 délégués, issus de 40 circonscriptions correspondant à différents corps de la société chinoise (collectivités territoriales de l’échelon provincial, différents services du Parti, de l’Etat et de l’Armée, entreprises publiques) se sont réunis dans le Palais de l’Assemblée du Peuple de la fameuse place Tiananmen.
La sélection des candidats aux instances dirigeantes du Parti peut parfois paraître peu lisible, elle est motivée par une série de processus compliqués de sélections guidés et contrôlés par le Parti. Sur plus de 40.000 nominés dans toute la République Populaire de Chine, seuls 224 prétendaient en 2012 aux sièges de membres pleins du Comité Central et 190 à ceux de suppléants. Le nombre de sièges à pourvoir étant de 205 et 171, la marge d’erreur de sélection n’était que de 9,3 et 11,1 %.
Le congrès est, en effet, un événement représentatif, hautement chorégraphié. S’il sanctionne les transformations politiques et idéologiques du parti, dans une logique perpétuellement évolutive de l’organisation du système politique chinois, l’écrasante majorité des décisions qui sont prises ont été longuement préparées en amont, pendant la rencontre d’été à Beidaihe ou dans des réunions encore plus informelles.
2. Quelles sont les différences entre le Parti et l’Etat ?
Le Parti Communiste Chinois est le pilier du système politique chinois, grâce à ses 86 millions de membres qui le rendent le premier parti au monde. On retrouve des membres du Parti de la plus haute instance dirigeante nationale à la petite entreprise locale.
L’appareil d’État chinois compte de nombreux membres du Parti dans ses rangs, avec une densité particulière lorsque l’on arrive aux sommets de l’État. On parle alors de fusion Parti-Etat. Les 25 plus hauts dirigeants du Parti, issus du Bureau Politique et du Comité du Bureau Politique du Comité Central, officient aussi au sein du Gouvernement Central de l’Etat.
La nécessité d’une stricte imbrication Parti-Etat au niveau central s’explique par le rôle d’appareil exécutif du Parti que joue le Gouvernement Central ; ainsi les dirigeants du Comité Central décident des politiques à appliquer durant leurs réunions, puis les mettent en œuvre par le biais des ministères.
3. Pourquoi le XIXe Congrès est révélateur de l’ascendance du PCC sur l’Etat ?
Selon les statuts du Parti, l’Etat ne saurait être conçu dans une subordination par rapport au Parti. Le XIXe Congrès démontre pourtant la continuation de la nette ascendance du Parti sur l’Etat.
La temporalité de l’événement, d’abord, situe le congrès avant la cérémonie d’investiture du gouvernement, en impliquant clairement que l’investiture des appareils d’Etat ne saurait précéder celle de la structure du parti.
Par ailleurs, l’Etat chinois est dépourvu d’un rituel aussi théâtralement puissant que le Congrès. En plus de réunir tous les sommets du Parti, le Congrès est aujourd’hui largement médiatisé au niveau national et international, de nombreuses délégations internationales sont également invitées à y assister. La grandeur et le rayonnement de la nation chinoise de fait passe à travers le Parti.
4. Qu’est ce que le « rêve chinois » de Xi Jinping ?
Au delà du rôle joué par les luttes contre la corruption qui ont permis à Xi d’asseoir son pouvoir sur le parti, son hégémonie politique provient d’une subtile articulation entre plusieurs instances et demandes de la société chinoise qui sont bien résumées dans l’expression « rêve chinois ».
Après avoir été investi de son premier mandat de Secrétaire Général du Parti en 2012, puis de Président de la République en 2013, Xi Jinping annonçait qu’il poursuivrait jusqu’à la fin de sa vie politique la réalisation du « rêve chinois ».
Inspiré de l’expression american dream, le rêve chinois, probablement formulé pour la première fois par un journaliste du New York Times, verrait son aboutissement dans l’accès de la Chine au statut de première puissance mondiale, ce qui permettrait de créer une société capable de garantir la prospérité à chacun de ses citoyens.
Xi précisait que la réalisation du rêve chinois passait par des objectifs de moyen et long-terme, représentés par les « deux centenaires ».
Le premier, prévu pour 2020, correspond au centième anniversaire de la fondation du Parti Communiste Chinois. D’ici là Xi Jinping souhaite avoir achevé « la construction d’une société modérément prospère à tous les égards », impliquant alors l’éradication de la pauvreté. Des inégalités de richesses persistent toujours sur le territoire chinois, notamment entre les « trois Chine », s’étendant d’Ouest en Est. À l’Ouest se trouve celle la moins peuplée, mais également la plus pauvre, tandis qu’à l’Est sont regroupées les grandes villes (Pékin, Shanghai, Canton, Hong Kong), ainsi que la majeure partie de l’activité économique et de la population. Entre les deux se situent des provinces intermédiaires au niveau économique, moins concernées par les problèmes de pauvreté que la partie occidentale du pays.
Éradiquer la pauvreté signifie pour les dirigeants du Parti doubler le PIB par habitant de 2010, de 5000 à 10000 dollars, mais surtout d’élever celui des régions de l’Ouest à l’époque inférieur ou égal à 5000 dollars, comme le montre la carte suivante de 2009.
Pour les 70 millions de citoyens chinois essentiellement ruraux, qui en 2014 vivait encore sous le seuil de pauvreté – fixé à l’époque à 376 dollars par an – l’objectif est de prendre des mesures concrètes pour augmenter leur chances de trouver un emploi stable : amorcer un développement industriel exploitant correctement les ressources de ces régions, améliorer l’accès à l’eau, à la nourriture, aux vêtements et à internet, mais aussi l’accès aux routes.
5. Les « nouvelles routes de la soie » au centre de la prise de leadership de la gouvernance mondiale et du « deuxième centenaire » ?
Dans son discours d’ouverture du XIXe Congrès, Xi Jinping a rappelé que l’implication de la Chine dans la mondialisation est nécessaire à l’accomplissement des objectifs nationaux. En parallèle des objectifs liés au centenaire du Parti, lui et sa nouvelle équipe vont désormais intensifier leur travail sur les objectifs du deuxième centenaire.
Le deuxième centenaire, prévu pour 2049, correspondra au centième anniversaire de la République populaire chinoise, fondée en 1949 par Mao Zedong. Cet objectif de long terme, qui fait pâlir dans sa projection temporelle les projets européens les plus ambitieux, présuppose la résolution de la « nouvelle contradiction » du socialisme à la chinoise qui, selon le congrès, est créée par « un développement non adéquat et déséquilibré et les demandes toujours croissantes du peuple pour une meilleure vie ». Ce qui se résume dans la formule : « un pays socialiste moderne qui soit prospère, puissant, démocratique, culturellement avancé et harmonieux d’ici le milieu du 21e siècle ».
Pour accomplir le « rêve chinois », la Chine devra d’ici là être devenue la première puissance mondiale dans tous les domaines.
Le projet des « nouvelles routes de la soie » aussi appelé (en anglais, plus fidèle avec l’expression chinoise) « one belt, one road » est un symbole de ces ambitions hégémoniques internationales. Il prévoit le développement de deux axes de commerce majeurs, l’un terrestre et ferroviaire traversant l’Asie et l’Europe, l’autre maritime passant par les ports d’Asie du Sud, du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Europe. Les deux routes formeront une boucle reliant les trois continents.
En 2014 le Gouvernement Central créait la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII), afin de financer le développement des infrastructures liées à ce projet. 57 Etats – dont la France – l’ont intégrée depuis, et elle a été mise en service en 2016. À ce jour il est prévu que la Chine dépense à elle seule 800 milliards d’euros de dépenses dans ces infrastructures au cours des prochaines années.
Ces dernières devraient lui permettre d’exporter son surplus de ressources (acier et charbon principalement), d’améliorer son accès aux ressources en énergies en provenance d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie de l’Ouest, mais surtout d’étendre sa présence à l’international de par ses divers investissements.
Au niveau politique les « nouvelles routes de la soie » constituent pour Xi Jinping un moyen de faire de la Chine l’acteur majeur de la gouvernance mondiale, tout en modifiant profondément la géopolitique continentale. En témoigne son initiative de « Forum des nouvelles routes de la soie » déjà organisé deux fois en 2017. Trente Etats y étaient représentés, bien que la seule grande puissance à y assister fut la Russie.
6. Pourquoi les investissements militaires deviennent une priorité pour les dirigeants du PCC ?
L’extension de son influence dans la gouvernance mondiale implique la nécessité pour la Chine de développer sa puissance militaire. Elle s’installe aujourd’hui à la 3ème place mondiale en terme de force militaire, derrière les Etats-Unis et la Russie, et à la seconde position en terme de budget. L’écart avec les Etats-Unis reste cependant très important : selon le classement de l’institut Global Firepower, elle y allouait un budget de 126 milliards en 2014 contre 612 milliards pour les Etats-Unis.
Il n’est donc pas étonnant que la modernisation et le développement de l’armée aient constitué un des principaux axes d’orientation du discours de Xi Jinping lors du XIXe. Congrès. Il s’agit pour lui de bâtir une armée de rang mondiale de nature défensive, dans le but de sécuriser ses intérêts économiques et politiques.
Deux échéances ont été fixées :
- La mécanisation des différents corps d’armée – de terre, de l’air et marine – d’ici 2020.
- La modernisation des systèmes de défense nationale et d’armée d’ici 2035.
Ces deux mesures justifient l’augmentation du Budget militaire à 233 milliards pour les années à venir ce qui avait était établi précédemment lors d’une réunion du Comité Central.
Par ailleurs les équipements militaires commandés ces dernières années par les dirigeants chinois sont conséquents, notamment ceux qui visent à sécuriser leurs intérêts économiques : la première base militaire chinoise à l’étranger a été érigée à Djibouti (dont nous avions parlé avec Sonia Le Gouriellec). Situé à la corne de l’Afrique, ce pays d’à peine 630 km2 représente un point de passage stratégique des « nouvelles routes de la soie », en donnant sur le Canal de Suez et l’Europe.
La mer de Chine méridionale est elle une zone prioritaire en terme d’investissement militaire pour la République Populaire, où elle doit faire face à diverses menaces : à la piraterie dans le détroit de Malacca – situé également sur le trajet des « nouvelles routes de la soie », aux disputes territoriales avec les pays voisins concernant l’appartenance des îles Spratly et Paracels, ainsi qu’à ce que les dirigeants chinois se représentent comme une stratégie d’endiguement de la Chine par les Etats-Unis, pour empêcher son expansion régionale en Asie du Sud-Est.
7. Pourquoi le retour aux valeurs confucianistes est important pour la réalisation du « rêve chinois » ?
Le rêve chinois constitue un modèle alternatif au rêve américain des Trente Glorieuses, dans le sens où il repose sur un système de valeurs différentes de celles composant le système « occidental ». Par ce terme on entend les valeurs démocratiques et libérales, qui ont contribué à la prospérité des Etats-Unis et des pays d’Europe de l’Ouest après la seconde moitié du XXème siècle.
À ces valeurs Xi Jinping oppose des valeurs autoritaires, aux influences confucianistes, induisant un contrôle étroit et profond de la société, très conscient des possibilités fournies par les nouvelles technologies.
Le courant confucéen entretien un rôle ambigu avec la construction de la pensée politique chinoise contemporaine. Avec la maoïsme, une des doctrines officielles du parti communiste chinois, il présente la similitude de légitimer l’instauration de l’autoritarisme, tout en différant largement quant à la conception de l’administration d’Etat. Mao préconisait un idéal révolutionnaire, selon lequel le pouvoir doit s’appuyer sur les « masses », un concept complexe du peuple, pour contrer toute dérive bureaucratique en la remplaçant grâce à l’introduction d’une révolution permanente. Le confucianisme à l’inverse, prône l’introduction d’une élite éclairée au sein de l’administration, selon un système de sélection méritocratique, afin qu’elle puisse œuvrer pour l’intérêt supérieur de la société.
En somme ces deux doctrines se rejoignent sur l’opposition au libéralisme et à la démocratie, en privilégiant l’intérêt collectif à l’intérêt individuel. Or à partir des années 1980 des valeurs libérales occidentales se sont propagées en Chine, suite en particulier à la politique d’ouverture sur le monde et de libéralisation de l’économie entreprise par Deng Xiaoping, dont la pensée constitue avec celle de Mao l’un des pilliers du PCC.
Le retour aux valeurs confucianistes est donc un moyen pour Xi de « désoccidentaliser » la société chinoise, et de placer l’intérêt collectif national au cœur du « rêve chinois ».
8. Pourquoi l’inscription de la « Pensée de Xi Jinping » dans la charte du PCC renforce son pouvoir ?
L’idéologie du PCC, inscrite dans ses statuts, constitue un véritable « guide de travail » pour le Parti et la société chinoise. Sa fonction est « organisationnelle et légitimante » selon Jean-Pierre Cabestan. Le fait que la « Pensée de Xi Jinping » y ai été introduite lors du XIXe aura des effets profonds.
En étant inscrites dans l’idéologie officielle, les orientations politiques internes et externes de l’actuel leader gagnent en légitimité. Au-delà de légitimer l’autorité de Xi Jinping elles guideront aussi ses successeurs, dans la réalisation du « rêve chinois » qui s’inscrit dans le long terme (2049).
Par ailleurs l’inscription de sa théorie dans l’idéologie du Parti lui octroie autant d’importance que celles des deux grands leaders historiques de RPC, Mao Zedong et Deng Xiaoping, les seuls à avoir eu le statut de « coeur du Parti » et leur nom inscrit dans la charte du Parti jusqu’à lors. Cela pourrait permettre à Xi Jinping de dépasser la limite conventionnelle de deux mandats aux postes de Secrétaire Général du Parti et de Président de la République. En effet ces deux figures historiques sont restées plus de dix ans au pouvoir – même si à l’époque le manque d’institutionnalisation antérieur à 1992 n’imposait pas une limite de deux mandats, car au sein du Parti la logique d’aptitude à diriger prévaut sur la logique institutionnelle.
Ainsi l’aptitude à diriger de Xi Jinping aurait été reconnue par ses pairs du Comité Central, suite à son premier mandat marqué par le succès de sa lutte contre la corruption dans les rangs du Parti, de l’Etat et de l’Armée, et par le renforcement de son autorité sur le Parti et la société ; des politiques par lesquelles il serait parvenu à rendre au premier sa force de cohésion au sein de la seconde. Il a par exemple réactivé plus de 77 000 branches du Parti à l’échelle locale, étendant de ce fait son influence sur les petites organisations concernées (associations, entreprises privées, écoles etc).
Dans une optique de continuité, il a annoncé lors du XIXe Congrès que le travail de contrôle de ces organisations « de terrain » du Parti et d’échanges avec les instances supérieures serait accentué.
9. Comment Xi a réussi à imposer sa stratégie à l’intérieur des factions qui traversent le PCC ?
Le Parti Communiste Chinois, le plus grand parti politique de la planète du fait de ses plus de 85 millions de membres, n’est en réalité pas un parti homogène. Plusieurs groupes (qu’on appelle factions) défendant différentes déclinaisons de l’idéologie officielle sont en concurrence pour sa domination.
L’importance d’une faction au sein des instances suprêmes du Parti est plus influente que le Secrétaire Général : la faction majoritaire est celle qui occupe le pouvoir. Dans les années 2000, deux principales factions ont été au pouvoir. D’un côté la « faction de Shanghai », conservatrice et élitiste, représentée par Jiang Zemin. De l’autre la « faction de la Ligue de Jeunesse », plus tournée vers les réformes et le progrès social, représentée par Hu Jintao.
Lors des réunions des instances suprêmes du Comité Central les deux ont souvent été en désaccord, au niveau de la politique de développement économique par exemple. Lorsque Hu Jintao, Secrétaire Général de 2002 à 2012, préconisait de se concentrer sur une consommation intérieure bénéfique aux plus pauvres de l’Ouest, les partisans de Jiang Zemin au Bureau Politique préféraient développer les exportations, profitant elles au développement des riches régions de l’Est et à leurs élites. Du fait du nombre important de membres de la faction de Jiang Zemin au sein du Bureau politique, la marge de manœuvre de Hu Jintao fut réduite durant ses deux mandats. Elle fut telle qu’il ne réussit pas à imposer son favori à la succession, Li Keqiang, lors du XVIIIe.Congrès en 2012.
À la place ce fut Xi Jinping qui, originaire d’une famille de « l’aristocratie communiste » de Pékin, était proche de la « faction de Shanghai » et de Jiang Zemin. Cependant, peu favorable aux luttes intestinales des deux factions, la politique anti-corruption qu’il a rigoureusement menée durant son premier mandat lui a fourni un prétexte pour purger le Parti, l’Armée et l’Etat, de nombre de partisans des deux camps. Le but de cette manœuvre était de les remplacer par des personnes indépendantes des deux factions et en qui il a confiance, afin de renforcer son contrôle sur le système politique.
Ainsi la première réunion du nouveau Comité Central tenu le lendemain de la clôture du XIXe. Congrès a dévoilé la nouvelle composition du Comité Permanent du Bureau Politique. Un remaniement considérable a été opéré, puisque 5 des 7 plus hauts dirigeants ont été remplacés. Bien que la nouvelle composition de l’équipe de Xi Jinping révèle son désir d’asseoir son autorité en plaçant des hommes de confiance à des postes clefs, elle ne rompt toutefois pas radicalement l’équilibre de ces deux factions. Il a par exemple convoqué deux de ses plus proches alliés, Li Zhanshu et Zhao Leji, sans pour autant congédier le numéro deux du parti et membre de la « faction des Ligues de jeunesse » Hu Jintao, ni s’empêcher de nommer Han Zheng de la « faction de Shanghai ».
10. Que peuvent tirer du XIXe Congrès les observateurs européens ?
Le XIXe Congrès du PCC est, pour tout observateur européen de la politique internationale, révélateur des stratégies de la Chine menée par Xi Jinping pour redéfinir les équilibres de pouvoirs actuels. Pour la première fois dans son histoire contemporaine, les documents officiels du Parti assument le statut de grande puissance internationale de la Chine. Xi Jinping achevant l’extension de son contrôle interne, sur le Parti et la société chinoise, devrait désormais se montrer plus entreprenant à l’extérieur des frontières.
L’aménagement des infrastructures des « nouvelles routes de la soie » (aménagement des ports, des routes ferroviaires etc.), auxquelles des capitaux colossaux sont réservés à la Banque Asiatique d’Investissement pour les infrastructures, devraient s’accélérer dans les prochaines années. Pour preuve, au lendemain de la clôture de la cérémonie, le consortium de grands groupes chinois CITIC vient d’acquérir la majorité des parts du port birman de la province de l’Arakan.
Le repli protectionniste de Donald Trump semble opportun pour Xi Jinping, qui à l’aube de son second mandat se lance dans la quête du leadership de la gouvernance mondiale, en lançant un projet qui par envergure et impact géopolitique peut seulement être comparé au plan Marshall. Alors que les Etats-Unis se retirent d’accords comme ceux du Partenariat Transpacifique, la Chine réitère son désir de développer l’intégration économique mondiale.
Au niveau de l’environnement et du climat, le retrait de la puissance américaine des traités de Paris de 2015 semble également profiter à la Chine qui s’efforce de respecter ses engagements depuis lors. Xi Jinping a établi lors du Congrès le développement d’une « belle Chine » comme une des priorités nationales. Au-delà de la modernisation technologique et urbaine du pays, cet objectif comporte des enjeux environnementaux de taille : le développement des énergies renouvelables et la préservations des espaces naturels selon le slogan eau pure et montagnes incontaminées ont une valeur inestimable.
En ce qui concerne les énergies renouvelables la Chine a déjà fait de grands progrès ces dernières années, au point d’avoir dépassé les Etats-Unis dans leur production (20 % de sa production d’électricité totale contre 13 % pour les Etats-Unis, en 2017).
Sur le plan de la culture et des valeurs chinoises, Xi Jinping a notifié son intention de les exporter à l’étranger. Dans un entretien donné aux média durant le Congrès, la directrice du Service des Chinois de l’étranger Qiu Yuangping a encouragé la diaspora à agir pour le renouveau de la nation, à travers le partage de la culture et de la langue chinoise dans leur pays d’expatriation, via des « programmes d’échanges multiculturels ».
Quelques jours avant le début de la cérémonie, le 15 Octobre, était officialisé le lancement de la version anglaise de l’app du « Quotidien du peuple », un des principaux organes de presse (plus de 3 millions de copies quotidiennes) rattaché au Parti. Selon le ministre assistant du Département International du Parti, cette initiative vise à transmettre au monde les valeurs et la philosophie du PCC, ainsi qu’à exposer une représentation de la Chine différente de celle qui prévaut en Occident.
Ces différentes initiatives internationales traduisent la volonté de la Chine menée par Xi Jinping de devenir la première puissance mondiale dans tous les domaines, via un modèle de développement alternatif à celui suivi par les puissances « occidentales » depuis le XXe. siècle.
Singulier, car protecteur des intérêts économiques et stratégiques nationaux, mais aussi de l’exceptionnalisme culturel chinois, le plus grand parti politique de la planète se sera donc réuni à l’ombre d’une faucille et d’un marteau en octobre 2017 afin d’exprimer sa volonté de l’influencer profondément — faudra-t-il ouvrir à nouveau l’archive du XXe siècle ? C’est une question que nous ne pouvons pas trancher 1.
Sources
- Pour aller plus loin, nous avons sélectionné quelques lectures pour permettre de suivre plus en détail un aspect essentiel du congrès qui dans l’économie de ce texte nous n’avons pas pu développer ou que nous avons cité trop rapidement : Accord de Paris : en se retirant, Trump ferait un beau cadeau à la Chine, Courrier International, 01/06/2017. Angela Stanzel,Nadège Rolland, Jabin Jacob et Melanie Hart, « De grands desseins : la Chine a-t-elle une ‘grande stratégie’ ? », European Council on Foreign Relations, 18/10/2017. « Nouvelles routes de la soie » : les ambitions planétaires de Xi Jinping », Le Monde, 04/08/2017. Chow Chung-yan, China’s new leadership team unveiled : Zhao Leji named as anti-graft chief while Xi elevates trusted deputy to top military role, SCMP, 25/10/2017. Christelle Guibert, « Les grands enjeux du 19e congrès du Parti communiste chinois », Ouest France, 14/10/2017. Cyrille Pluyette, Chine : le Quotidien du peuple lance une appli en anglais, Le Figaro, 15/10/2017 François Bougon, « Chine, le retour de la grande puissance », Le Monde, 16/10/2017Jean-Pierre Cabestan, « Le système politique chinois : Un nouvel équilibre autoritaire », Paris, Presses de Sciences Po, 2014, 708 p. Laurent Hou, Maoïsme et confucianisme en Chine contemporaine : une introduction, China Institute, Janvier 2013. Podcast du Black Coffee Morning « Le XIXe. Congrès et la Chine de Xi Jinping » animé par François Godement et François Bougon, 13/10/2015. Thomas Baïetto, « Chine. Le Parti communiste, un parti pas si unique », Franceifno, 15/11/2012. Zi Yang, ‘Unity and victory’ : 19th congress to see Xi-ism consolidated’, Asia Times, 17/09/2017