Ghazni. La récente attaque menée par les talibans contre la ville de Ghazni, lieu stratégique située entre Kandahar et la capitale afghane, rappelle une nouvelle fois que ces derniers n’ont rien perdu de leur capacité militaire à être une opposition armée d’envergure, malgré le renforcement de la présence militaire américaine (2). Un renforcement décidé sans enthousiasme l’année dernière par le président Trump, qui escomptait imposer un rapport de force favorable dans la perspective d’une sortie de crise négociée, avec l’objectif à terme d’un retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Les talibans démontrent que la trêve observée à l’occasion Aïd-el-Fitr n’engage en rien leur détermination à poursuivre le combat.
Les vaincus de 2001 effectuent également un retour diplomatique avec les pourparlers préliminaires qui viennent de se tenir en juillet à Doha (Qatar) entre délégations talibane et américaine, sans que le gouvernement de Kaboul puisse s’en offusquer. Une délégation talibane s’est aussi déplacée récemment à Tachkent pour y rencontrer le ministre des Affaires étrangères ouzbek qui, peu avant, avait rencontré le président afghan Ashraf Ghani à Kaboul. L’Ouzbékistan souhaite s’assurer que les talibans ne vont pas entraver ses projets de développement avec Kaboul. Mais surtout, pour Tachkent, comme pour beaucoup d’acteurs régionaux, les talibans sont un moindre mal par rapport à la menace que représente l’État islamique au Khorassan, ce qui fait donc d’eux des interlocuteurs incontournables.
Quant au Pakistan, il demeure une pièce importante dans la résolution du conflit : les circuits d’approvisionnement des troupes étrangères en Afghanistan passent par son territoire, et le pays abrite toujours la direction talibane. Mais pour qu’un désengagement militaire américain prenne forme, ce à quoi la plupart des acteurs régionaux, comme la Chine, la Russie, ou l’Iran, agréeraient volontiers, encore faut-il que les talibans soient convaincus qu’une victoire militaire contre le gouvernement de Kaboul n’est pas au bout du fusil (1). Une participation populaire significative aux élections législatives prévues à l’automne serait le signe que l’élan démocratique, même imparfait, n’a pas disparu.
Perspectives :
- 20 octobre 2018 : Élections législatives afghanes
Sources :
- BOQUERAT Gilles (sous la direction de), L’Afghanistan dans son environnement régional : Acteurs et stratégies nationales, Paris, L’Harmattan, 2016.
- KAURA Vinay, Afghan Taliban’s Ghazni attack turns Pakistan into useful US ally once more ; India caught in uncomfortable situation, Firstpost, 16 août 2018.
Gilles Boquérat