Aktau. Honorant l’invitation du Président kazakh Nursultan Nazarbayev, le président iranien Hassan Rohani a assisté, les 10 et 11 août 2018, au cinquième sommet des États côtiers de la mer Caspienne, en présence des dirigeants azéri, kazakh, russe, et turkmène. La signature d’un accord sur la définition du statut de la mer Caspienne est d’une importance capitale pour Téhéran à l’heure du retour des sanctions américaines.
La définition du statut de la mer Caspienne, en tant que “mer”, ou tant que “lac”, est un sujet de désaccord et de tensions (2) entre ces cinq pays frontaliers (Azerbaïdjan, Iran, Kazakhstan, Russie et Turkménistan) depuis la chute de l’URSS en 1991. Un accord sur son statut lèverait l’ambiguïté sur sa répartition territoriale et ouvrirait pleinement l’exploitation de ses quelques 48 milliards de barils de brut et ses 8 300 milliards de mètres cubes de réserves de gaz prouvées et probables (4).
Pour Téhéran, qui exploite déjà son littoral caspien pour en extraire des ressources énergétiques comme pour y pêcher l’esturgeon et y cultiver le caviar, cet accord pourrait constituer l’un des rouages de sa stratégie contre le retour des sanctions américaines sur ses exportations de pétrole et de gaz le 4 novembre 2018. À long terme et sous réserve de la construction des infrastructures nécessaires, une exploitation iranienne plus intense des ressources énergétiques de la mer Caspienne pourrait progressivement compenser une réduction de ses exportations de gaz et de brut du Golfe Persique. Ainsi, la menace d’une fermeture du détroit d’Ormuz déjà proférée par Hassan Rohani en juillet dernier paraîtrait plus crédible (3).
Mais les réverbérations d’un tel accord ne se limiteraient pas seulement à la zone centre-asiatique. En effet, l’accord actuel reprend une proposition faite en 2003 par le Kazakhstan qui définit juridiquement la surface de la mer Caspienne comme un “lac” et ses sous-sols comme une “mer”, permettant une libre circulation à sa surface, sans faire obstruction à la construction d’oléoducs sous-marins. Ainsi, la construction d’un tronçon de raccordement entre la mer Caspienne et l’oléoduc trans-adriatique a déjà été planifiée (1), qui permettrait à l’Union de diversifier son approvisionnement gazier et d’améliorer sa stratégie en matière de sécurité énergétique.
Perspectives :
- Fin août : rencontre prévue d’Hassan Rohani avec les dirigeants des 5 pays restants dans le JCPOA (Allemagne, Chine, France, Russie, Royaume-Uni) (4).
- 4 novembre : retour des sanctions américaines à l’encontre de la Banque Centrale Iranienne (BCI), des exportations de gaz et de brut iranien.
Sources :
- COHEN Ariel, Exxon And Chevron Hope To Cash In After New Caspian Summit, Forbes, 09.08.2018.
- CZARNES Renaud, Pétrole de la Caspienne : l’Iran et l’Azerbaïdjan tentent de désamorcer la crise, Les Echos, 24.08.2001.
- Talks concurrent with sanctions meaningless, Iranian Students’ News Agency, 07.08.2018.
- KAMALI DEHGHAN Saeed, Iran threatens to block Strait of Hormuz over US oil sanctions, The Guardian, 05.07.2018
- Southern gas corridor, Trans adriatic pipeline, 2018.
Pour approfondir :
- RADVANYI Jean, Caspienne, une mer fermée, un « grand jeu » ouvert, L’Atlas Un monde à l’envers, Le Monde Diplomatique, 2009, p. 106-107.
- EUDELINE Hugues, “Bloquer le détroit d’Ormuz : menace réelle ou rodomontades ?”, Outre-terre n° 25-26, p.393-401.
- Mer Caspienne : enjeux pétroliers, La documentation française, 03.08.2005.