Les marchés de Noël sont aujourd’hui présents dans la majeure partie de l’Europe. Ces événements saisonniers, dont la première apparition remonte à la fin du XIIIe siècle à Vienne, en Autriche, sont devenus des destinations touristiques dont les retombées économiques se chiffrent en plusieurs centaines de millions d’euros.
- À eux seuls, les marchés de Noël allemands attirent 85 millions de visiteurs chaque année — soit plus que la population du pays 1.
- Si l’histoire des marchés de Noël est étroitement liée à la tradition chrétienne, le potentiel économique et la la déchristianisation de l’Europe ont conduit à l’émergence d’événements dont la nature est désormais principalement commerciale.
- Aux XVII-XVIIIe siècles, les marchés de Noël se tenaient toujours majoritairement à proximité des lieux de culte.
- La forte concentration de croyants se rendant à l’Église pour les offices de Noël faisait de cet emplacement un lieu stratégique pour écouler les produits alimentaires, ornements ou jouets dont la vente ralentissait à l’approche de l’hiver.
- Les marchés étaient autant un hub économique qu’un espace de partage pour la communauté chrétienne, dont la temporalité épousait le calendrier liturgique : du début de l’Avent, quatre semaines avant Noël, jusqu’à l’Épiphanie, début janvier.
La popularité grandissante des marchés de Noël couplée à la réduction des temps de transport au cours du XXe siècle ont contribué à vider ces événements de leur nature religieuse.
- Dès le début des années 1930, les autorités municipales de plusieurs villes allemandes, sous l’impulsion du parti nazi, ont imposé des séries de réglementations visant à limiter les produits vendus sur les marchés afin de revenir à un esprit plus « traditionnel », marqué par des cérémonies et des chants de Noël.
- Dans le même temps, la multiplication des stands, l’introduction de lumières, de guirlandes et d’attractions ont contribué à la dilution de l’esprit originel des marchés de Noël.
- L’évolution de ces marchés reflète la tendance lourde de déchristianisation de ces dernières décennies : entre 2010 et 2020, la part des chrétiens dans la population en Europe a chuté à 67 % (soit une baisse de 8 points), tandis que la part des personnes sans affiliation religieuse a augmenté à 25 % (soit une hausse de 7 points) 2.
- Si la population chrétienne diminue en Europe, un réel intérêt existe toutefois pour des marchés de Noël « authentiques » en opposition à des événements avant tout tournés vers le consumérisme et peinant à refléter la culture et les traditions locales.
- Une étude publiée cet été par des chercheurs de l’Université roumaine de Babeș-Bolyai sur le marché de Noël de Cluj-Napoca, en Transylvanie, montre ainsi que les résidents de la ville valorisent l’artisanat local et aimeraient voir davantage d’activités liées à Noël 3.
Ces conclusions rejoignent celles de la littérature scientifique sur le rapport des Européens à « l’authenticité ».
- Plusieurs études soulignent ainsi un intérêt prononcé pour les événements jugés plus « authentiques ».
- En Allemagne, à Offenbach-sur-le-Main, les touristes locaux regrettent la disparition des odeurs traditionnelles et l’absence de musique de Noël, qui contribuent selon eux à faire des marchés de Noël une simple « source de profits » (nur Geldmacherei) 4.
Sources
- Elizabeth Schumacher, « Christmas market in Germany begs visitors to stop coming », Deutsche Welle, 7 décembre 2017.
- Religion in Europe, Pew Research Center, Religion in Europe, 9 juin 2025.
- POP-RĂCĂŞAN, Bianca-Sorina, EGRESI, István Oliver, ALEXANDRU, Diana-Elena, et al, « Residents’ Perception on the Authenticity of Christmas Markets in Transylvania : The Case of Cluj-Napoca » Journal of Urban and Regional Analysis, 2025, vol. 17, no 1, p. 117-155.
- PARKER, Murray, SPENNEMANN, Dirk HR, et BOND, Jennifer, « ”Probably Much More Boring” : Future Projections of Christmas Market Heritage Landscapes », Land, 2025, vol. 14, n°11, p. 2161.