En République serbe de Bosnie, un scrutin présidentiel décevant pour l’ensemble des forces politiques  

Ces élections faisaient suite à la révocation par la Commission électorale centrale du mandat de Milorad Dodik, président sortant. 

• À la tête du Parti des sociaux-démocrates indépendants (SNSD) depuis 1996, Dodik avait été condamné en février 2025 à un an de prison et à la perte de son mandat par la Cour de Bosnie et Herzégovine, un jugement confirmé en appel le 1er août. 
• L’élu, tenant d’une ligne eurosceptique et pro-russe, avait refusé de se soumettre aux décisions du Haut Représentant Christian Schmidt (CSU, PPE), ouvrant une crise constitutionnelle entre la République serbe de Bosnie et l’État fédéral bosniaque.

• S’il a déclaré ne pas reconnaître la décision du tribunal, Milorad Dodik a finalement désigné un proche, Siniša Kiran, pour concourir à sa place lors du scrutin du 23 novembre. 
• Également membre du SNSD, Kiran a été ministre de l’Intérieur de 2022 à 2025. 
• Il faisait face dans ce scrutin à Branko Blanuša, membre du principal parti d’opposition, le Parti démocratique serbe (SDS, droite). Parti historique de Radovan Karadžić et Ratko Mladić, condamnés pour génocide à La Haye, le SDS tient aujourd’hui une ligne perçue comme plus pro-européenne que celle du SNSD.

Après dépouillement d’environ 93 % des bulletins, la Commission électorale centrale de Bosnie-Herzégovine a annoncé que Siniša Karan était en tête avec 50,89 % des voix, contre 47,8 % à Branko Blanuša. 

• La participation était particulièrement faible, à 35,78 %, une baisse de près de 18 points par rapport au scrutin de 2022. L’écart entre les candidats représente environ 12 000 voix. 
• Le parti de Milorad Dodik, qui tenait l’unique décompte relayé par les médias jusqu’à 23 heures, avait revendiqué la victoire au cours de la soirée. 
• Le candidat du SNSD a repris le discours polarisant habituel de son parti ¹ : « Le peuple serbe a donné aujourd’hui une réponse définitive à tous les étrangers et les usurpateurs qui souhaitent changer sa volonté : ils ont dit qu’ils voulaient décider eux-mêmes de leur destin ». 
• Le SDS avait dans un premier temps refusé de reconnaître le compte du SNSD, arguant d’un faible écart. Un peu avant 23 heures, le candidat Branko Blanuša a accusé le SNSD au pouvoir d’avoir mis en place un contexte médiatique et politique inéquitable, une « manipulation » sans laquelle il aurait « déjà pu annoncer sa victoire » ².

Dans l’ensemble, les résultats apparaissent décevants pour les forces politiques en présence. 

• Par rapport au précédent scrutin, le SNSD, malgré la tentative de Dodik de présenter ce scrutin comme un symbole de la résistance serbe aux diktats de Bruxelles, perdra probablement un peu moins d’un tiers de ses électeurs, et n’a pas su mobiliser largement. 
• Le SDS a pour sa part échoué à capitaliser sur l’opposition à Dodik et à son parti pour renverser la tendance.
•  Quant à Christian Schmidt et à la Fédération de Bosnie-Herzégovine, ils feront face dans les prochains mois à un SNSD qui pourra s’affirmer légitimé par les urnes, même si son résultat s’est dans les faits avéré décevant.

L’élection intervient après des mois de gouvernance dysfonctionnelle. 

• Cet été, la Bosnie-Herzégovine avait vu son allocation dans le cadre du Plan de croissance pour les Balkans occidentaux réduite de 10 % — soit 100 millions d’euros — par la Commission suite à l’incapacité des autorités bosniaques de finaliser dans les temps leur Agenda de réformes ³. 
• Ce retard avait été causé, pour une large part, par le veto du SNSD au sein du Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine. Le document attendu a finalement été transmis début octobre ⁴.

Le scrutin du 23 novembre a été émaillé d’irrégularités plus ou moins importantes et de difficultés logistiques alors que le pays faisait face à des chutes de neige. 

• L’ONG « pod lupom » qui avait déployé plus de 400 observateurs, a relevé une dizaine d’irrégularités graves ⁵ dont des entorses à la trêve électorale, des cas d’obstruction du travail des observateurs et un manque de matériel électoral dans certains bureaux.  
• Dans un bureau de la ville de Kneževo, qui n’a jamais ouvert, la Commission électorale centrale a pris la décision inhabituelle de renvoyer le scrutin au 30 novembre. 
• Les résultats définitifs seront connus dans les prochaines semaines. 
• À ce stade, les irrégularités observées ne semblent pas d’une ampleur suffisante pour remettre en question la validité du scrutin. 
• Toutefois, une contestation des résultats par le SDS ne peut pas être exclue, particulièrement si les résultats des derniers bureaux réduisent l’écart entre les deux principaux candidats.