Dans son discours prononcé hier, mardi 30 septembre, devant les plus de 800 généraux et amiraux de l’armée américaine réunis à Quantico, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth s’est attaqué à l’idéologie « woke » qui se serait développée au sein de l’armée sous les précédentes administrations.
En mettant de côté l’aspect politique de ses prises de position, les propos de Hegseth contre les personnes en surpoids, les femmes, les barbus ou les militaires portant des « cheveux longs » risquent avant tout de détourner de l’armée un grand nombre de recrues potentielles.
- Or, l’armée américaine a beaucoup de mal à atteindre ses objectifs de recrutement chaque année.
- Au cours de l’année fiscale 2022, 44 900 nouveaux soldats ont ainsi rejoint les rangs de l’armée, soit 75 % de l’objectif fixé.
- Ce chiffre a légèrement augmenté au cours de l’année fiscale 2023 pour atteindre 77 % de la cible (soit environ 50 000 soldats), avant d’atteindre de peu son objectif l’année suivante.
L’armée américaine offre des bonus à l’engagement très élevés pour attirer des jeunes. Elle avait également mis en place des programmes de remise à niveau pour ceux qui ne remplissaient pas les critères d’aptitude physique (notamment concernant le poids), comme le Future Soldier Preparatory Course en 2022. Depuis 2023, le Congrès a approuvé des hausses de salaires supérieures à 4,5 % chaque année, avec une hausse supplémentaire de 10,5 % pour les jeunes recrues à compter d’avril 2025.
Le secrétaire du département de la Défense — renommé par Donald Trump début septembre en « département de la Guerre » — se trompe de cible en visant l’idéologie woke dans les armées. Les mesures qu’il dénonce n’ont pas été prises par idéologie, mais par utilitarisme pour attirer plus de jeunes et s’assurer que ces derniers restent dans les armées.
- La lutte contre le bizutage, notamment, constitue surtout une réaction à la moindre tolérance à ce type de comportement dans les jeunes générations, qui ont quitté en masse les armées lorsqu’ils elles y étaient confrontées.
- D’une certaine manière, les Américains montreront leur approbation ou leur rejet de cette nouvelle vision en choisissant de s’engager ou non.
- Hegseth surestime d’ailleurs le nombre de « warriors » (guerriers) qui auraient quitté l’armée car celle-ci serait devenue une institution « trop woke », et qui seraient ainsi susceptibles d’y revenir pour remplacer les recrues qui vont manquer en raison de ces réformes.
L’armée américaine a atteint sa cible de recrutement pour l’année 2025 dès le mois de juin, soit quatre mois avant la fin de l’année fiscale, qui s’est achevée hier, mardi 30 septembre. La hausse observée précède toutefois le retour au pouvoir de Trump et la lutte engagée par Hegseth contre le « wokisme », l’administration Biden ayant noté une tendance positive dès octobre 2024 1.
Sources
- Matthew Olay, Recruitment Rises 12.5 % Despite Ongoing Challenges, Département de la Défense, 31 octobre 2024.