Face à une offensive qui peine à progresser aussi rapidement que souhaité par le commandement russe, le Kremlin continue d’investir massivement dans la production de drones longue-distance Shahed. Si ces derniers ne permettent pas directement de conquérir des villes, conformément aux objectifs de guerre de Poutine, ils exercent néanmoins une pression difficilement soutenable sur les défenses anti-aériennes ukrainiennes — ainsi que sur la population civile, visée par les frappes.

  • Dans la nuit du dimanche 20 au lundi 21 juillet, 426 drones Shahed ont été lancés sur des cibles et villes ukrainiennes. Au moins une personne a été tuée à Kiev, et l’entrée de la station de métro Loukianivska a été lourdement endommagée 1.
  • Ce chiffre, qui aurait été perçu il y a quelques mois comme considérable, est aujourd’hui devenu banal, alors que la Russie s’est fixé un objectif d’être en mesure de lancer 2 000 de ces drones chaque nuit.
  • Pour ce faire, Moscou a créé à Ielabouga, dans la république du Tatartsan, le plus grand centre de production de drones au monde — selon le directeur général de la zone économique spéciale de Ielabouga, Timur Shagivaleev.

Auparavant relativement dissimulée, l’usine fait désormais partie intégrante de la propagande russe. Dans un reportage vidéo publié par la chaîne de télévision d’État Zvezda (Звезда) hier, dimanche 20 juillet, le ministère de la Défense a mis en avant pour la première fois les lignes de fabrication des Shahed sur lesquelles travaillent des lycéens et des étudiants pour un salaire moyen allant de 30 à 40 000 roubles (entre 330 et 440 euros) — soit le tiers de la moyenne nationale 2. Au cours du reportage, on peut voir un Shahed être lancé depuis le territoire russe à partir d’un pick-up américain Dodge Ram 3.

  • Avec les Shahed, le Kremlin semble avoir trouvé une arme face à laquelle l’Ukraine peine à trouver de réponse. Si des solutions existent, comme les systèmes de défense antiaérienne occidentaux Patriot et IRIS-T, efficaces mais dont les munitions sont très onéreuses, de plus en plus de drones parviennent à passer.
  • Depuis juin, le projet « Dronefall », lancé par l’ONG ukrainienne Come Back Alive, dirigée par Taras Chmut, milite pour la création d’une stratégie de défense multicouche intégrant plusieurs matériels et technologies pour détruire les Shahed russes avant qu’ils n’atteignent leurs cibles 4.
  • Le principal objectif serait de réduire le coût de la défense de manière à ce qu’il soit inférieur à celui de l’attaque. 
  • Plutôt que des missiles à un million de dollars l’unité pour le système américain Patriot, Dronefall recommande des investissements massifs dans les drones intercepteurs, les outils de guerre électronique comme le système ukrainien Lima ainsi que des canons automatisés comme le Gepard allemand, un véhicule datant de la guerre froide mais qui s’est révélé être particulièrement efficace contre les drones russes 5.
  • En augmentant le volume de productions, la Russie a également divisé par 10 le prix unitaire des Shahed, qui serait passé de 200 000 dollars à 20 000, selon leur date d’acquisition.
  • Les technologies qui équipent les Shahed évoluent quant à elles à un rythme effréné : après les moteurs et la résistance accrue face aux outils de guerre électronique, les drones russes volent désormais plus haut pour éviter les défenses anti-aériennes. 
  • Certains seraient équipés de moteurs à réaction supplémentaires qui leur permettent d’accélérer avant l’impact pour maximiser les dégâts ou contourner les systèmes de défense anti-aérienne.
  • Le mois dernier, le média public japonais NHK avait averti, citant des sources diplomatiques occidentales et russes, que la Corée du Nord allait envoyer 25 000 travailleurs à l’usine de Ielabouga pour prendre part à l’assemblage de Shahed.

Autrefois utilisés comme un outil destiné à saper le moral de la population, les Shahed occupent désormais une place centrale dans le dispositif offensif russe. Si une majorité des Shahed sont interceptés — et qu’un nombre significatif « se perd » et s’écrase avant d’atteindre sa cible —, le coût de leur destruction limite les capacités de Kiev à allouer plus de moyens à des contre-attaques sur le terrain.

Sources
  1. Publication de Віталій Кличко sur Telegram, 21 juillet 2025.
  2. Ivan Khomenko, « Inside Russia’s Secret Shahed Drone Factory Fueling the War on Ukraine », United24 Media, 20 juillet 2025.
  3. Le reportage est disponible ici sur YouTube : Военная приёмка. Воентех., WOLF SVR, 20 juillet 2025.
  4. Дронопад, Come Back Alive Foundation.
  5. David Axe, « From a Ukrainian Expert : a Guide to Swatting Down Shahed Drones », Trench Art, 18 juillet 2025.