À Los Angeles, après la Garde nationale Donald Trump menace d’envoyer l’armée contre les manifestants

Vendredi 6 juin dans l’après-midi, des agents fédéraux ont mené une opération visant à arrêter des travailleurs prétendument sans papiers dans le quartier de la mode, au nord de Los Angeles. Cette opération, qui a abouti à l’arrestation d’une centaine de personnes, a contribué à rassembler de nombreux activistes venus manifester leur opposition à la politique migratoire répressive de l’administration Trump.

• Au cours des heures ayant suivi l’opération, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se sont intensifiés dans le comté de Los Angeles, notamment dans les villes de Compton et Paramount.

• Les images relayées par les participants et les journalistes sur les réseaux sociaux ont contribué à augmenter le nombre de manifestants, et dès le lendemain, des milliers de personnes supplémentaires ont investi les rues de la ville.
• En réponse aux affrontements entre policiers et manifestants, Donald Trump a signé, dans la soirée du samedi, un acte exécutif très controversé autorisant le déploiement de 2 000 soldats de la garde nationale californienne.
• Il s’agit de la première fois depuis 1965 qu’un président américain autorise le déploiement de membres des forces armées sans la coopération du gouverneur de l’État, en l’occurrence ici le démocrate Gavin Newsom. Ce dernier a formellement demandé à Trump de retirer la Garde nationale hier, 8 juin et a annoncé aujourd’hui que la Californie allait poursuivre le président en justice. 

Au-delà d’un rejet de Trump de et de son agenda — les 2,5 millions d’habitants du comté de Los Angeles ont voté à 65 % pour Kamala Harris en 2024 —, les manifestants s’opposent surtout aux méthodes utilisées par l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), l’agence du département de la Sécurité intérieure dirigé par Kristi Noem, pour l’arrestation de personnes en situation irrégulière.

• Depuis le retour au pouvoir de Trump, les raids visant des lieux de travail (à Los Angeles, il s’agissait d’un grossiste en vêtements et d’un magasin de bricolage) se sont multipliés à travers le pays, notamment dans les grandes villes à majorité démocrate ¹.
• Lors de ces opérations, les travailleurs identifiés comme sans-papiers sont embarqués dans des voitures et des bus puis emmenés dans des centres de détention selon leur statut et leur casier judiciaire.
• En addition des arrestations sur des lieux de travail, ICE utilise également des pratiques d’autant plus controversées consistant à utiliser de faux prétextes (comme des « contrôles de routine ») pour attirer des personnes en situation irrégulière afin de procéder à leur arrestation ². 

Pour l’heure, Trump n’a pas invoqué l’Insurrection Act. S’il venait à le faire, il s’agirait de la première fois depuis 1992 — suite à l’acquittement des quatre policiers ayant battu l’activiste Rodney King un an auparavant — qu’un président américain utiliserait cette loi de 1807 pour réprimer des manifestations. 

• Trump avait déjà menacé lors de son premier mandat de faire appel à l’armée pour réprimer des manifestations suite au meurtre de George Floyd par la police de Minneapolis en mai 2020 ³.
• Il avait par ailleurs ordonné la préparation au début du mois de juin par son cabinet d’un acte exécutif invoquant l’Insurrection Act, se plaignant du fait que son administration « avait l’air faible », sans toutefois y donner suite.
• Cette décision aurait toutefois été largement perçue comme très controversée, la réponse face aux mouvements de protestation étant d’ordinaire laissée aux autorités locales qui disposent de suffisamment de moyens pour gérer les manifestations.
• L’État, les comtés et les villes de Californie emploient plus de 75 000 agents des forces de l’ordre ⁴. À lui seul, le département de police de Los Angeles compte près de 9 000 agents.

À la place de l’Insurrection Act, le président américain a utilisé un article du U.S. Code qui permet de « fédéraliser » les moyens des gardes nationales des États afin de « faire appliquer les lois » ⁵. La présence dans les rues de Los Angeles de plusieurs milliers de soldats pourrait toutefois accroître le risque d’escalade dans les affrontements ⁶.

Selon David Frum, l’une des signatures les plus respectées de The Atlantic, les mesures prises par Trump ne servent pas simplement à tester les limites du pouvoir présidentiel, en contraignant des États démocrates à se conformer aux décrets fédéraux, elles pourraient montrer une stratégie politique radicale en vue des élections de mi-mandat de 2026 ⁷.

• Se servir des pouvoirs fédéraux de manière à provoquer une perturbation spectaculaire ; invoquer cette perturbation pour déclarer l’état d’urgence et déployer les troupes fédérales ; prendre le contrôle des opérations locales du gouvernement — la police en juin 2025 ; les élections en novembre 2026.

Ce recentrement exécutif inédit intervient dans une semaine qui verra une concentration exceptionnelle de troupes américaines à Washington à l’occasion d’un défilé voulu par le président américain. 

• Samedi 14 juin, le président Donald Trump organisera en effet pour la première fois un défilé militaire à Washington pour marquer les 250 ans de la création de l’armée de terre américaine. C’est aussi le jour de son 79e anniversaire.
• Le dernier grand défilé de ce type à Washington avait eu lieu le 8 juin 1991 pour célébrer la fin de la première guerre du Golfe.