Mardi 8 avril, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé que deux soldats de nationalité chinoise combattant au sein de l’armée russe avaient été arrêtés en Ukraine. Hier, le 10 avril, Zelensky a déclaré qu’il ne s’agissait pas de cas isolés « mais plutôt d’un effort systématique de la Russie pour recruter des citoyens pour la guerre, en particulier sur le territoire et dans la juridiction de la Chine ». Les services ukrainiens disent avoir identifié plus de 150 combattants chinois ayant rejoint les rangs de l’armée russe 1.

La présence en Ukraine de mercenaires étrangers, au sein des deux armées, est un phénomène bien connu. Depuis 2022, des combattants et ex-militaires du monde entier se sont engagés pour prendre les armes, principalement pour des raisons idéologiques ou financières.

  • Sur les réseaux sociaux chinois, notamment sur Douyin, l’équivalent de TikTok, des centaines de vidéos de ces mercenaires chinois apparaissent depuis trois ans dans les fils des utilisateurs.
  • Face à la caméra, le visage généralement au moins partiellement masqué par une cagoule ou des lunettes, ces derniers parlent ouvertement des raisons les ayant conduites à s’engager, évoquant la plupart du temps une motivation financière.
  • Pour certains, s’engager constitue également un moyen de vivre une « aventure ». D’autres évoquent leur désir d’obtenir un visa, ou bien d’avoir l’opportunité de combattre contre des Japonais qui se seraient engagés dans l’armée adverse 2.
  • Dans d’autres vidéos, filmées et montées selon les codes de TikTok visant à créer de la viralité, des mercenaires chinois romantisent leur vie sur le front en montrant des moments de camaraderie et des chevauchées sur des blindés dans des mares de boue sur de la musique pop chinoise.
  • Ici, une vidéo montre la perspective d’un jeune combattant chinois au sein d’une unité ukrainienne.

Dans un entretien avec la journaliste et animatrice chinoise Chai Jing en mars, un mercenaire qui combat au sein d’une unité commando de l’armée ukrainienne autour de Bakhmout tient quant à lui à dissuader d’autres ressortissants chinois de s’engager en Ukraine. Selon son témoignage, de nombreux jeunes hommes seraient incités par des films chinois comme la série à succès Wolf Warrior (战狼) ou Drawing Sword (亮剑), qui s’inscrivent dans un style épique, à accomplir eux aussi des exploits virils en prenant les armes 3.

  • Une fois arrivés en Ukraine, après un rapide passage en Russie qui dure la plupart du temps un jour ou deux avant de signer leur contrat avec l’armée, ces combattants sont exposés aux horreurs du front ainsi qu’au manque de considération apporté par leur commandement 4.
  • Selon Li Jianwei, qui s’est engagé au sein de l’armée russe en décembre 2023, la durée de vie de ces soldats sur le front dure « en moyenne 8 à 10 heures » 5. Si certains sont relégués à des tâches subalternes comme couper du bois, la plupart sont envoyés en première ligne avec un soutien minime.

Contrairement aux soldats chinois qui s’engagent au sein de l’armée russe, les mercenaires internationaux combattant pour l’Ukraine dans la Légion internationale intègrent généralement des unités dirigées par des sous-officiers étrangers, et non Ukrainiens. Dans les forces russes, les combattants étrangers sont quant à eux intégrés dans des unités composées principalement de Russes.

  • Nombre de ces mercenaires évoquent une absence totale de soins médicaux apportés par des infirmiers russes. Un homme nommé Pan Lin, qui a accompli un acte « héroïque » en sauvant deux soldats russes suite à l’explosion d’un IED, raconte dans une vidéo qui circule sur les réseaux Telegram russe comment il a dû se rendre par ses propres moyens à un hôpital après avoir été lui-même blessé, aucun des hommes qu’il a rencontrés sur son chemin ne parlant chinois ou ne lui ayant proposé son aide 6. Il est par la suite retourné sur le front.
  • Craignant vraisemblablement que ce genre de récits ne dissuade des mercenaires chinois à signer un contrat avec l’armée, un compte Telegram russe a publié une vidéo montrant un soldat russe échanger avec un mercenaire chinois à l’aide d’un traducteur vocal accompagnée du message : « 👍🏻 Pas de barrière linguistique ! » (Языковой барьер отсутствует !)

La plupart des témoignages mentionnent la rémunération comme constituant l’une des principales motivations les ayant conduits à signer un contrat avec l’armée russe. Un des combattants arrêtés par les forces ukrainiennes a déclaré qu’il avait « répondu à une annonce sur Internet » promettant le paiement d’une somme de 2 millions de roubles, soit environ 21 000 € 7 — alors que le taux de chômage des jeunes est de 17 % en Chine. Ces contrats durent généralement un an, mais le commandement russe s’arroge parfois le droit de prolonger unilatéralement la durée d’engagement des mercenaires placés sous leurs ordres.