En Russie, Poutine lance la plus grande campagne de conscription depuis plus d’une décennie

Hier, lundi 31 mars, Vladimir Poutine a signé un décret lançant la nouvelle campagne de conscription de printemps, un exercice routinier qui intervient deux fois dans l’année depuis les années 1960. Le Kremlin prévoit d’appeler entre le 1er avril et le 15 juillet 160 000 citoyens russes à effectuer leur service militaire, soit le chiffre le plus élevé depuis la campagne du printemps 2011 (219 000 hommes) ¹.

Bien que les lois russes interdisent d’envoyer des conscrits sur des théâtres d’opération, le ministère de la Défense avait reconnu en mars 2022 que certains d’entre eux avaient été envoyés en Ukraine — alors que Poutine l’avait nié à plusieurs reprises.

• Le service militaire russe, d’une durée d’un an, est obligatoire pour tous les hommes âgés de 18 à 30 ans — hors exceptions pour raisons médicales — depuis le 1er janvier 2024 (la limite d’âge de 27 ans ayant été relevée suite à une loi votée en juillet 2023).
• Dans un communiqué publié sur Telegram, le ministère de la Défense russe a insisté sur le fait que « la prochaine campagne de conscription n’est en aucun cas liée à l’opération militaire spéciale en Ukraine » ².
• Cette hausse du quota intervient cependant quelques mois après la publication en septembre dernier d’un décret portant sur l’augmentation de la taille de l’armée russe de 180 000 hommes, pour atteindre un total de 2,38 millions dont 1,5 millions de militaires d’active d’ici 2026 ³.

Afin d’atteindre les objectifs de recrutement fixés par le Kremlin, les autorités russes étudient la mise en place de nouvelles pratiques : remplacement des figures indépendantes à la tête des commissions de conscriptions des districts fédéraux par des vice-gouverneurs loyaux envers le Kremlin, retrait de certaines maladies (hypertension, syphilis…) des listes permettant d’obtenir une dispense de service militaire, élaboration d’un registre unifié afin de mieux gérer l’envoi des convocations ⁴… 

Si les conscrits ne sont généralement pas envoyés sur le front, ils sont toutefois soumis à des pressions ou trompés pour signer des contrats d’engagement « volontaires » dans l’armée.

• Ces contrats permettent au ministère de la Défense russe de compenser les pertes massives subies par son armée en Ukraine. Au 1er avril, l’état-major ukrainien — dont les chiffres correspondent aux estimations réalisées par des organismes indépendants — recensait près de 917 000 tués et blessés russes en Ukraine depuis février 2022.
• D’une durée de trois ans pour la plupart, ces contrats font miroiter aux jeunes hommes russes des payes généreuses dont le montant est cinq fois supérieur au salaire russe médian. Au front, l’espérance de vie de ces engagés volontaires est toutefois très réduite en raison du faible entraînement dont ils bénéficient.
• Le régime russe en appelle également à la « virilité », aux devoirs sociaux, moraux et civiques qui incomberaient à la jeunesse russe et exalte à travers des publicités largement diffusées les « valeurs traditionnelles » russes.

En augmentant davantage le quota de conscription pour la campagne de printemps 2025, Poutine envoie également un signal à Donald Trump suggérant qu’il n’a pour l’heure aucune intention de conclure un accord avec Kiev. Suite au dernier cycle de négociations en Arabie saoudite, la partie russe a refusé de respecter un accord de cessez-le-feu en mer Noire qui avait supposément fait l’objet d’un accord préalable avec la partie américaine. Poutine exige une levée des sanctions pesant sur les banques russes, sur lesquelles l’Union européenne a la main.