Dans le rapport annuel publié mardi 25 mars — le premier produit par la nouvelle administration Trump — portant sur l’évaluation des menaces auxquelles font face les États-Unis, élaboré par les services de renseignement américains, les auteurs reconnaissent que la Russie et l’Ukraine « considèrent probablement que les risques d’une guerre plus longue sont moindres que ceux d’un règlement insatisfaisant » 1.
Cette évaluation est centrale, alors que Washington a organisé en Arabie saoudite deux cycles de négociations avec des équipes ukrainienne et russe au cours des dernières semaines.
- Au cours de la campagne, et depuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier, Trump a répété à de nombreuses reprises qu’il était le seul capable d’amener Zelensky et Poutine à la table des négociations afin de parvenir à un règlement rapide de la guerre en cours depuis 2022.
- Pour ce faire, Trump a opéré un rapprochement significatif avec la Russie et a évoqué avec le président russe de nombreuses opportunités économiques allant de l’exploitation de terres rares en Russie à l’organisation de matchs de hockey impliquant des jours de la NHL (la ligue nord-américaine, regroupant le Canada et les États-Unis) et de la KHL (la ligue eurasiatique).
Trump estime que son talent en affaires et la puissance économique des États-Unis suffiront à mettre fin aux combats, les présidents russe et ukrainien préférant conclure des deals avec des entreprises américaines plutôt que de continuer la guerre. Or, cela est contredit par les propres services de renseignements qui écrivent dans le rapport :
« Pour la Russie, l’évolution positive du champ de bataille autorise une certaine patience stratégique, et pour l’Ukraine, le fait de concéder des territoires ou la neutralité à la Russie sans garanties de sécurité substantielles de la part de l’Occident pourrait provoquer des réactions internes et une insécurité future ».
En février, un rapport publié par un think-tank russe proche du FSB affirmait qu’une résolution pacifique du conflit ne pourrait pas se produire « avant 2026 ».
- Les négociateurs choisis par Trump pour régler le conflit en Ukraine traduisent la vision du président américain ainsi que son manque de considération et de compréhension de l’agenda global du Kremlin ayant motivé l’invasion russe de 2022.
- En éloignant Keith Kellogg, initialement nommé « envoyé spécial pour l’Ukraine et la Russie » des négociations avec Moscou au profit de Steve Witkoff, promoteur immobilier et ami de longue date de Donald Trump, ce dernier a signalé qu’il n’était pas intéressé par une résolution durable du conflit mais par la conclusion d’un deal personnel avec Poutine.
- Le rapport publié par les services de renseignement note que la Russie est l’un des acteurs étatiques (avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord) menaçant les capacités et les intérêts des États-Unis, notamment en matière de sécurité et d’économie : « La Russie a l’intention de dissuader les États-Unis en mettant en danger le territoire américain et en ayant les moyens de menacer d’une guerre nucléaire en cas de conflit […] Parmi les développements les plus inquiétants de la Russie figure un nouveau satellite destiné à transporter une arme nucléaire en tant qu’arme antisatellite, violant ainsi le droit international qui interdit depuis longtemps ce type d’activité et mettant en péril l’économie des États-Unis et du monde ».
Le rapport note également que si les États-Unis ont tiré des leçons importantes de la guerre en Ukraine, Moscou a aussi tiré « de nombreux enseignements concernant la lutte contre les armes et les renseignements occidentaux dans le cadre d’une guerre à grande échelle. Cette expérience mettra probablement à l’épreuve les futurs plans de défense des États-Unis, y compris contre d’autres adversaires avec lesquels Moscou partage ces leçons ».