19 États membres comprenant notamment les trois principaux actionnaires de la Banque européenne d’investissement (BEI) — la France, l’Allemagne et l’Italie — ont exprimé leur soutien à l’élargissement du rôle joué par la BEI dans le domaine de la défense dans une lettre envoyée jeudi 30 janvier à Donald Tusk, António Costa et Nadia Calviño.
- La lettre, rédigée à l’initiative de la Finlande est signée par les dirigeants de la Belgique, de la Croatie, de Chypre, de la Tchéquie, du Danemark, de l’Estonie, de la Grèce, de l’Italie, de la France, de l’Allemagne, de la Lettonie, de la Lituanie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Roumanie, de la Slovaquie, de l’Espagne et de la Suède.
- Les 19 pays demandent notamment à la BEI de « continuer à explorer de nouvelles voies pour jouer un rôle encore plus important dans l’octroi de financements d’investissement et dans la mobilisation de fonds privés pour le secteur de la sécurité et de la défense ».
- Le plan proposé s’articule autour de trois piliers : la réévaluation de la liste des activités exclues afin d’arriver à un document « plus précis et dont le champ d’application est aussi limité que possible », l’ajustement de la politique de prêt afin d’augmenter le volume de financement et l’émission d’emprunts spécifiques pour financer de nouveaux projets de défense. La lettre n’appelle toutefois pas directement à un changement du mandat de la BEI, qui nécessiterait un vote à majorité simple des ministres des Finances des États membres.
- Selon son mandat actuel, la BEI ne peut pas investir dans « les munitions et les armes, y compris les explosifs, ainsi que dans les équipements ou les infrastructures à usage militaire » 1. Depuis 2024, elle peut cependant investir dans les projets à double usage, civil et militaire, un levier qui a notamment été utilisé par le passé par les Européens pour des projets comme Ariane ou, entre autres, l’avion ravitailleur MRTT.
L’envoi de la lettre intervient quelques jours avant une réunion informelle des dirigeants européens prévue lundi 3 février au palais d’Egmont, à Bruxelles, pour discuter de la défense et de la sécurité. Un haut fonctionnaire européen a déclaré au Grand Continent que cette réunion fixera les grandes lignes de la position européenne lors du sommet de l’OTAN de juillet.
- En mars, la Commission devrait également publier un livre blanc sur l’avenir de la défense européenne. Selon plusieurs sources, ce document chiffrerait le retard européen en matière de défense à 400-500 milliards d’euros.
Dans ce contexte, le rôle que pourrait jouer la BEI, qui bénéficie d’une notation triple A, pourrait être déterminant. Toutefois, la banque a, par le passé, fait part de ses inquiétudes quant à l’impact qu’un rôle plus actif dans le financement du secteur de la défense pourrait avoir sur sa notation financière.
- L’année dernière, la BEI a investi un montant record de 89 milliards d’euros dont 60 % dans des projets liés au climat.
- Les financements à double usage se sont situés en 2024 à 1 milliards d’euros, malgré le fait que la BEI avait mis à disposition un total 8 milliards.
- La BEI devrait doubler ce type de financement, qui devrait passer à 2 milliards cette année.
- Une porte-parole de la BEI a déclaré que la banque prenait note de la lettre envoyée par les 19 dirigeants et qu’elle examinerait 14 projets liés à la défense dans les mois à venir : « Nous continuerons à renforcer notre soutien, tout en préservant la capacité de financement de la BEI ».
Le président américain Trump a déclaré qu’il demanderait aux membres de l’OTAN une hausse de 2 à 5 % du PIB consacré à la défense. Pour les pays européens de l’Alliance, celle-ci se traduirait par une augmentation de 543 milliards d’euros par an.
- La Lituanie et l’Estonie ont fait savoir cette semaine qu’ils s’engageaient à atteindre la cible de 5 % de dépenses de défense par an. La Pologne est quant à elle le membre de l’OTAN qui alloue la part la plus importante de son PIB à la défense : 4,1 % l’an dernier, contre 3,4 % pour les États-Unis.
Sources
- EIB eligibility, excluded activities and excluded sectors list, Banque européenne d’investissement, 2022.