Points clefs
  • La principale surprise du premier tour de la présidentielle en Roumanie est la percée d’un candidat d’extrême droite, Călin Georgescu. 
  • Ignoré par la plupart des enquêtes d’opinion et jamais donné au-delà de 8 % des voix, sa campagne électorale a été menée principalement sur les réseaux sociaux, particulièrement TikTok. 
  • Spécialiste de développement durable, ancien Secrétaire général de l’Association roumaine du Club de Rome et Rapporteur des Nations Unies, Georgescu se situe clairement à l’extrême droite du spectre politique. 
  • Opposé à l’Union européenne et à l’OTAN — qu’il considère comme des ennemis de l’esprit roumain — il a défendu des thèses révisionnistes sur le fascisme roumain, en allant jusqu’à définir « héros de la nation roumaine » Codreanu et Antonescu, le principal architecte de la Shoah roumaine.
  • Il a déclaré que ce vote était pour « pour ceux qui sont lésés, pour ceux qui sont humiliés, pour ceux qui ont l’impression de ne pas compter, et ce sont eux qui comptent vraiment ! […] aujourd’hui, le vote est une prière pour notre peuple ».

Éléments biographiques

Călin Georgescu est né le 26 mars 1962 à Bucarest.

  • Diplômé en 1986 de l’Institut Agronomique « Nicolae Bălcescu », après la révolution roumaine de 1989, il rejoint l’Institut national de recherche-développement pour les améliorations foncières, où il travaille dans le département de l’érosion des sols en continuant sa formation lors de plusieurs séjours au Royaume-Uni et aux États-Unis. Il obtient son doctorat en Sciences de l’agriculture en 1999. 
  • Spécialiste en environnement et développement durable, il a coordonné des projets portés par le gouvernement Roumain, notamment la Stratégie Nationale de Développement Durable. 
  • Sa carrière internationale inclut des postes de premier plan : aux Nations Unies, il a été Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux (2010-2012) 1, président du Centre européen de soutien au Club de Rome (2013-2015) et directeur exécutif de l’Institut de l’indice mondial de durabilité des Nations Unies (2015-2016).

L’entrée en politique avec l’extrême droite anti-vax

Sa carrière politique a été lancée par la galaxie de la nouvelle extrême droite roumaine, AUR.

  • Bien qu’il n’ait pas été officiellement nommé, son nom a été évoqué à plusieurs reprises comme potentiel Premier ministre à plusieurs reprises, mais, notamment en 2020 lorsqu’il était proposé par le parti d’extrême droite, AUR (Alliance pour l’Union des Roumains), qui venait d’être fondé.
  • Comme d’autres figures polémiques — dont l’eurodéputée Diana Iovanovici Șoșoacă — Georgescu est exclu de AUR par son président pour ses prises de positions extrêmes, notamment à propos de l’histoire du fascisme roumain.

Révisionnisme et accusations d’antisémitisme

  • Lors d’un entretien à la télévision roumaine en 2022, Călin Georgescu avait qualifié les principales figures du fascisme roumain, Ion Antonescu, le principal architecte de la Shoah roumaine, et Corneliu Zelea Codreanu, de « héros de la nation roumaine ».
  • Ces déclarations avaient provoqué l’indignation de la communauté juive et des historiens, conduisant le Parquet général à ouvrir une enquête pénale pour promotion du culte de personnes coupables de génocide et de crimes de guerre.
  • Après avoir quitté AUR, Georgescu a maintenu ses positions radicales, critiquant ce qu’il considère comme une « manipulation mondiale orchestrée par des lobbies internationaux ».

Positionnement géopolitique

Son positionnement géopolitique rompt avec 2O ans de consensus des forces politiques autour de l’intégration européenne et atlantique.

  • Georgescu critique l’impact de l’appartenance du pays à l’OTAN et à l’Union européenne, affirmant qu’elles ne servaient pas adéquatement les intérêts de la Roumanie. « La Roumanie n’a rien négocié et elle a tout perdu ». Il a ajouté que « tout ce qu’ils ont fait, c’est de nous neutraliser économiquement, d’effacer notre identité nationale, l’ADN qui assure l’immunité de la nation et de l’esprit roumains » et que l’OTAN ne défendrait aucun pays allié en cas de conflit avec la Russie.
  • Il a critiqué ouvertement le rôle des États-Unis en Europe de l’Est, les accusant de manipuler des conflits comme celui en Ukraine pour favoriser leur complexe militaro-industriel. 
  • Plusieurs observateurs le qualifient de « pro-russe ». Dans sa campagne, il a critiqué la « rhétorique occidentale sur la menace russe » et prône un positionnement plus indépendant pour la Roumanie. 
  • Comme l’indique Florin Zeru : « Une simple recherche sur Sputnik, le journal de propagande de Moscou, révèle de nombreux articles faisant l’éloge de Călin Georgescu. Si Sputnik fait votre éloge, ce n’est pas bon signe. »
  • Sa campagne et rhétorique emploie d’ailleurs plusieurs éléments de ce que les candidats pro-russes ont utilisé pendant la campagne présidentielle moldave, notamment une dévalorisation de l’appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN. 

« Hrană, Apă, Energie », le projet de Georgescu pour une Roumanie autarcique

  • Son programme politique comprend, entre autres, la réduction de la dépendance à l’égard des importations, le soutien aux agriculteurs, l’augmentation de la production nationale de denrées alimentaires et d’énergie et des allègements fiscaux pour les producteurs roumains.
  • Georgescu estime que le concept de « développement durable » a été détourné par les intérêts des grandes puissances. Il propose de rétablir l’indépendance économique de la Roumanie à travers des initiatives locales : développement de petites exploitations agricoles, artisanat et coopérations ancrées dans des valeurs nationales. 
  • Son projet « Hrană, Apă, Energie » (Nourriture, Eau, Énergie) vise à renforcer la résilience nationale par la création de réseaux autarciques. 

Une campagne digitale inédite sur Tik Tok et le succès du hashtag #CălinGeorgescu

Călin Georgescu a fait moins d’apparitions à la télévision et sa présence a été plus forte sur les médias sociaux. Il a été ignoré par la plupart des enquêtes d’opinion et jamais donné au-delà de 8 % des voix. 

  • Le succès de sa candidature pourrait en grande partie être dû à une campagne inédite sur TikTok, où le candidat dispose d’une communauté de 197.000 abonnés.
  • Tout au long de la campagne, Călin Georgescu a vu le nombre de ses abonnés et le nombre de vues de ses vidéos augmenter de manière exponentielle. Selon Cristian Andrei Leonte, journaliste à Info Sud-Est et G4Media, il a accumulé 30.000 nouveaux followers par semaine. La vidéo dans laquelle il a annoncé sa candidature est passée de 500.000 à plus de 800.000 vues, après qu’un grand nombre de tags liés à sa candidature a inondé le réseau TikTok 2.
  • « En bombardant certaines pages avec le hashtag #CălinGeorgescu, TikTok a commencé à suggérer son nom dans la barre de recherche et ses vidéos sont devenues de plus en plus virales. De très nombreux comptes ont utilisé le hashtag #CălinGeorgescu sur des vidéos de la candidate Elena Lasconi ou de Mircea Geoană, afin d’accroître sa visibilité ». 
  • Selon Leonte il s’agit « d’une campagne concertée dans laquelle des centaines de milliers de comptes TikTok ont systématiquement utilisé le hashtag en réponse à des articles et vidéos » 3