Malgré l’opposition de l’Allemagne, qui craint que ces tarifs douaniers ne conduisent à la perte du marché chinois pour ses constructeurs automobiles, Berlin n’a pas su rallier suffisamment d’États membres pour faire échouer le vote. De nouveaux tarifs douaniers allant jusqu’à 35,3 % vont ainsi être appliqués à certains industriels chinois — comme SAIC —, en addition des 10 % déjà en vigueur.
- Seulement cinq pays ont voté contre la mesure soumise au vote vendredi 4 octobre : l’Allemagne, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie et Malte.
- La position de Berlin était en suspens jusqu’à la dernière minute, notamment à la suite des tensions au sein de la coalition : Robert Habeck et la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock ont tous deux proposé que l’Allemagne s’abstienne lors du vote, alors que le chancelier Scholz et le ministre des Finances Lindner ont été en faveur du « non », arguant notamment qu’une guerre commerciale avec la Chine affecterait fortement l’industrie automobile allemande, l’un des secteurs économiques les plus importants du pays.
- Lors d’un vote indicatif, Chypre avait initialement voté contre la mesure. Nicosie s’est finalement abstenu vendredi, aux côtés de 11 autres pays.
- Un peu plus d’un tiers (10) des États membres soutiennent ainsi l’imposition de tarifs douaniers supplémentaires, parmi lesquels la France, l’Italie (malgré les pressions que le pays aurait subi de la part de Pékin), les Pays-Bas et la Pologne.
- Le nombre important d’abstentions témoigne toutefois de la prudence avec laquelle les États abordent la question de la concurrence chinoise sur le marché européen mais aussi de la pression exercée par Pékin ainsi que la crainte des mesures de rétorsions que le pays pourrait annoncer.
L’Espagne, initialement en faveur de l’enquête lancée en octobre 2023 par la Commission, a changé son positionnement pendant la visite de Pedro Sánchez en Chine au début du mois de septembre. Le Premier ministre espagnol avait à cette occasion appelé les États membres ainsi que la Commission à « revoir leur position » 1.
Le ministre des Finances allemand, Christian Lindner, a accusé à demi-mot Ursula von der Leyen à la suite du vote de vouloir « déclencher une guerre commerciale avec la Chine », appelant à une « solution négociée » — à laquelle Madrid est également favorable — plutôt qu’à l’imposition de tarifs douaniers supplémentaires.
La Commission a en effet annoncé continuer de négocier en parallèle un accord avec Pékin, qui concernerait le plus probablement une restriction volontaire des exportations chinoises.
- La Chine pourrait ainsi proposer la mise en place d’un prix plancher – et d’un volume prédéfini – pour ses exportations de véhicules électriques sur le marché européen. La Commission a déjà refusé une offre soumise par les constructeurs automobiles chinois en septembre.
- L’Union a déjà connu une expérience similaire avec la Chine en 2013 lorsque, à la suite d’une enquête antidumping, la Commission avait annoncé des droits de douane sur les panneaux solaires chinois.
- Sous la pression des États membres (Angela Merkel avait à l’époque violemment critiqué la mesure), les deux parties étaient finalement parvenues à une « solution amiable », Bruxelles acceptant un engagement de prix de la part des exportateurs chinois. Cet exemple est cité comme illustratif de l’échec de la politique européenne envers Pékin : en 2023, l’Union ne produisait plus que 3 % des panneaux solaires qu’elle installait.
Les tarifs provisoires sur les véhicules électriques chinois adoptés en juillet expirent à la fin du mois. Les tarifs définitifs devraient entrer en vigueur début novembre pour une durée de cinq ans. La Commission pourrait toujours trouver un accord avec Pékin avant cette date. Sa position de négociation, facilitée par les élections aux États-Unis avec Washington moins préoccupé par un alignement des politiques, pourrait d’ailleurs être renforcée par le vote d’aujourd’hui.
Sources
- Casey Hall, « Spanish PM urges EU to reconsider tariffs on Chinese EVs », Reuters, 11 septembre 2024