En l’absence d’une majorité absolue et dans une Assemblée nationale tripartite, le président de la République a considéré que la gestion des affaires courantes — qui impliquent notamment, on le rappelle, l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris à partir du 26 juillet — ne pouvait être assurée que par le Premier ministre actuel et son gouvernement. Ainsi, lundi 8 juillet vers midi, Emmanuel Macron a refusé la démission de Gabriel Attal présentée suite à l’annonce des résultats.

Le gouvernement va continuer à opérer de plein droit. Pour rappel, de jure :

  • Le Premier ministre n’est pas tenu de démissionner suite à la dissolution ;
  • Le président de la République n’est pas tenu d’accepter la démission du Premier ministre ;
  • La notion « d’affaires courantes » n’existe pas dans la Constitution de la Cinquième République.

La censure

Face à un gouvernement non-démissionnaire qui ne dispose plus d’aucune forme de majorité — que celle-ci soit relative ou absolue — à l’Assemblée, une majorité de députés pourrait voter en faveur d’une motion de censure conduisant à la démission du Premier ministre en exercice, comme prévu par l’article 50 de la Constitution : « Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement »1.

Un tel scénario n’offre ainsi aucune solution permanente à l’exécutif, et aurait simplement pour effet de retarder la démission du gouvernement actuel. Elle pourrait néanmoins permettre à l’Assemblée nationale de se donner le temps de trouver un équilibre politique.

Pour mémoire :

  • L’ouverture de la XVIIe législature aura lieu le 18 juillet prochain, date à laquelle sera élu le prochain président ou présidente de l’Assemblée nationale. 
  • La publication au Journal Officiel de la composition des groupes parlementaires et de leurs déclarations politiques aura quant à elle lieu le lendemain, vendredi 19 juillet.

Cette solution d’un gouvernement Attal provisoire permet de temporiser. Mais plus la situation se prolonge, plus celle-ci risque de mettre le gouvernement actuel dans une position délicate — s’il doit prendre une décision urgente ou importante par exemple — en raison d’un manque de légitimité, en particulier s’agissant des ministres battus.

Depuis l’arrivée à Matignon de François Fillon en 2007 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la « règle » de la démission forcée — qui ne repose sur aucun fondement constitutionnel — veut que les membres du gouvernement démissionnent si ces derniers ne parviennent pas à se faire élire député. 

  • Sur les 24 ministres du gouvernement Attal qui se sont présentés aux élections législatives, cinq se sont d’ores et déjà désistés en amont du second tour et devraient ainsi démissionner à l’issue des résultats du second tour2.
  • Il est toutefois incertain que cette règle s’applique pour un gouvernement de transition

Jusqu’à quand une gestion dite « en affaires courantes » serait-elle possible ?

Aucune définition d’un régime d’affaires courantes ne figure dans la Constitution de la Cinquième République, contrairement à la Constitution de la Quatrième dans son article 52 : « En cas de dissolution, le Cabinet, à l’exception du président du Conseil et du ministre de l’Intérieur, reste en fonction pour expédier les affaires courantes. Le président de la République désigne le président de l’Assemblée nationale comme président du Conseil. Celui-ci désigne le nouveau ministre de l’Intérieur en accord avec le bureau de l’Assemblée nationale. Il désigne comme ministres d’État des membres des groupes non représentés au gouvernement ».

  • Sous la Quatrième République, le gouvernement Faure — alors démissionnaire — avait ainsi pu soumettre à l’approbation du Parlement une convention négociée avec la Banque de France. Celle-ci est par la suite devenue la loi n°52-207 du 29 février 1952 relative aux fonds de stabilisation des changes.

Un tel scénario pourrait se produire à la suite de la démission du Premier ministre et de son gouvernement et en l’absence de nomination d’un nouveau Premier ministre pour former un nouveau gouvernement.

Le Premier ministre démissionnaire et son gouvernement sont alors dits « en affaires courantes ». Ce régime, bien que non-défini constitutionnellement, permet au gouvernement de continuer à s’occuper des charges de l’État considérées importantes sans pour autant être en mesure d’engager des dépenses importantes — les ministres n’étant plus considérés comme étant assez légitimes.

  • Dans un tel scénario — inédit si le président venait à accepter la démission du Premier ministre sans nommer immédiatement son successeur — on pourrait s’attendre à ce que le gouvernement limite autant que possible ses actes administratifs.
  • Ses marges de manœuvre seraient par définition très limitées et soumises à l’interprétation des institutions chargées de faire respecter la légalité des actes et procédures administratives (secrétariat général du Gouvernement, Conseil d’État, etc.).
Sources
  1. Article 50, Constitution du 4 octobre 1958.
  2. Ces ministres sont : Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées, Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la Ville et de la Citoyenneté, Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité et Patricia Mirallès, secrétaire d’Etat chargée des Anciens combattants et de la Mémoire. Tous étaient arrivés en troisième place derrière des candidats du RN.