Le mercredi 17 avril, la Croatie renouvelait son parlement unicaméral, le Sabor. Une élection législative hors-normes dans laquelle le Premier ministre de centre-droit sortant, Andrej Plenković, faisait face à un parti social-démocrate mené ― dans un premier temps ― par le président en exercice Zoran Milanović, dont la candidature a finalement été jugée illégale par la Cour constitutionnelle. Si l’Union démocratique croate (HDZ) d’Andrej Plenković a remporté à nouveau ces élections, le processus de formation du prochain cabinet promet d’être difficile. Tenant de longue date d’une ligne centriste, libérale et pro-européenne, Plenković devra probablement composer avec la force politique la plus radicale du parlement croate, le Mouvement patriotique, proche des identitaires du groupe ID.
Pour comprendre ces élections au scénario inédit depuis la chute du communisme yougoslave, nous nous sommes entretenus avec Marijana Grbeša, professeure de sciences politiques à l’Université de Zagreb.
Bienvenue dans le cinquième épisode de notre podcast électoral « Décoder 2024 », en partenariat avec le Bulletin des élections de l’Union européenne.
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Par rapport aux élections de 2020, la coalition gouvernementale autour de l’Union démocratique croate (HDZ) a perdu 6 sièges lors du scrutin de ce mercredi. Le gouvernement d’Andrej Plenković, composé du HDZ, deux petits partis de centre-droit et les huit représentants des minorités nationales, détenait une majorité d’un seul siège au Sabor. Ainsi bien qu’il soit resté le premier parti du pays, le HDZ se trouve aujourd’hui dans une position politique délicate. Quels sont les facteurs qui ont contribué au recul du HDZ ?
Les résultats des élections législatives doivent, comme toujours, être analysés dans leur contexte. Même si le HDZ a effectivement perdu des sièges, le résultat du vote peut être analysé comme une victoire pour le parti, qui dirige le pays depuis huit années consécutives sous la houlette du Premier ministre Andrej Plenković. Si Plenković parvient à former un gouvernement dans les prochaines semaines, il sera le premier chef de gouvernement de l’histoire croate moderne à exercer trois mandats consécutifs.
Il s’agit également d’un succès pour le gouvernement HDZ en place, qui a été accablé par un certain nombre de scandales au cours de son mandat. Des accusations de corruption ont été formulées à l’encontre de plusieurs ministres, et des fuites assez gênantes de conversations téléphoniques et de messages entre des personnalités importantes du gouvernement ont été réveĺées. Ces affaires ont généré une mauvaise publicité et ont gravement entamé l’image du parti dans les médias. Le fait que, malgré cette situation très défavorable, le HDZ soit resté le premier parti dans les urnes peut être considéré comme une victoire.
La coalition autour du principal parti d’opposition, le Parti social-démocrate (SDP), a remporté 42 sièges (+2). Le président de la Croatie, Zoran Milanović, ancien membre du SDP et ancien premier ministre, avait créé le scandale durant la campagne en tentant de se présenter comme candidat de sa coalition au poste de premier ministre. Sa démarche a été jugée illégale par la Cour constitutionnelle le 18 mars du fait de l’interdiction faite par la Constitution au président croate d’être membre d’un parti politique. Comment la démarche de Milanović a-t-elle influencé les résultats du SDP ?
Le comportement de Milanović a fait de cette élection un événement sans précédent dans l’histoire croate récente. Pour la première fois, une branche du gouvernement tentait d’interférer avec une autre, avec à la clef une violation potentielle de la Constitution.
Zoran Milanović a d’abord annoncé qu’il allait se présenter aux élections législatives, ce qui a été très sévèrement condamné par la Cour constitutionnelle, les commentateurs politiques et les politologues. Son parti a ensuite tenté de tirer parti de cette initiative, mais ne s’attendait probablement pas à ce que la réaction des experts et des médias soit aussi unanimement négative.
Le style politique de Milanović rappelle, à bien des égards, celui de Trump. Il aime recourir à ce que Diana Mutz a appelé « la politique dans ta face » (“in-your-face” politics), utilisant un langage vulgaire et ridiculisant volontiers ses opposants. Tout comme Trump, il affuble ses adversaires politiques de surnoms et s’attaque directement à tous ceux qui le critiquent. En tant que communicateur politique, Milanović est très talentueux et spontané dans ce rôle. Mais d’autres membres du SDP ont essayé de copier son style avec un succès plus limité.
Paradoxalement, si l’attitude de Milanović a suscité de l’agitation et de l’anxiété, elle a également dynamisé et revigoré le parti social-démocrate, dont la communication politique avait été perçue comme plutôt terne au cours de la dernière législature, et à redonné de l’élan à la campagne électorale. Mais le style du président en exercice, plus que ses actes, s’est rapidement retourné contre lui. Je pense ― et c’est probablement une bonne nouvelle pour une démocratie jeune comme la Croatie ― que de nombreux citoyens croates ont décidé qu’ils ne voulaient pas d’une force politique qui, d’une certaine manière, mettait en danger les institutions et recourait à un style de communication assez vulgaire. Et ce, malgré les scandales qui ont éclaté autour du gouvernement en place.
La position de Milanović est-elle désormais compromise ?
Probablement. Cette candidature constituait un pari risqué, qui n’a pas vraiment porté ses fruits puisque le SDP n’a pas remporté les élections. Si Milanović avait démissionné pour se présenter aux élections législatives, son geste aurait été beaucoup plus crédible et la base de son parti aurait été plus encline à se rallier à lui. Mais il ne l’a pas fait, se refusant manifestement de mettre dans la balance sa situation personnelle. Il reste aujourd’hui dans son fauteuil présidentiel, mais ce coup politique raté l’a décrédibilisé aux yeux d’une majorité d’électeurs.
Le SDP a traversé une crise de leadership au cours des dernières années. Comme ses chances de pouvoir former un gouvernement dans les prochains mois sont faibles, il en sortira très probablement perdant, avec une image dégradée du fait du pari risqué et du style de communication adopté par Milanović.
Les grands gagnants de cette élection sont deux tiers partis : le parti d’extrême droite Mouvement patriotique (DP) avec 14 sièges (+2) et le parti de gauche Možemo, qui a doublé son nombre de sièges, passant de 5 à 10 élus. Comment expliquer ces tendances parallèles qui ont vu à la fois le programme le plus progressiste et le programme le plus nativiste gagner du terrain ?
Tout d’abord, cette élection a été marquée par un taux de participation en nette hausse, ce qui est une bonne nouvelle pour la démocratie croate. Cela peut être en partie le résultat de la stratégie de Milanović. Une partie de la tactique du président sortant consistait à faire se tenir le scrutin un mercredi, à contre-courant de la règle non écrite selon laquelle les élections croates se déroulent toujours le dimanche. Au-delà de l’objectif d’augmenter le taux de participation, il s’agissait peut-être d’une tentative de diminuer l’influence de l’Église sur le résultat du vote ― d’ordinaire, de nombreux électeurs se rendent dans leurs bureaux de vote après la messe dominicale.
Cet aspect de sa stratégie a été plutôt couronné de succès et constitue, d’une certaine manière, sa contribution au processus démocratique. Le taux de participation a été d’environ 60 %, alors qu’il était inférieur à 50 % lors de l’élection précédente. On s’attendait à ce que cette participation plus élevée profite à l’opposition, mais le résultat a finalement été très équilibré, avec peu de changements fondamentaux par rapport à l’élection précédente.
Les tiers partis semblent avoir bénéficié du conflit entre le HDZ et le SDP. Non seulement DP et Možemo, mais aussi le parti populiste Most (« Pont »), qui a obtenu de meilleurs résultats que lors des dernières élections.
Ce changement est dû à la combinaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la poussée populiste. Depuis 2015, la Croatie n’est plus gouvernée par le duopole composé du HDZ et du SDP. De nouveaux partis populistes de gauche et de droite ont émergé, qui se sont attaqués aux deux grands partis traditionnels. Le Mouvement patriotique (DP), créé par des dissidents du HDZ qui s’opposaient au style très modéré, centriste et pro-européen d’Andrej Plenković, est l’un d’entre eux.
De l’autre côté du spectre politique, on trouve Možemo, le « Podemos croate » 1, qui a réussi à faire une percée il y a quelques années lors des élections locales, en remportant entre autres la mairie de Zagreb. Le parti a un programme vert, très progressiste, et a attiré une partie du centre-gauche et de la gauche déçus par les sociaux-démocrates. Možemo a mené une campagne très axée sur les principes, promettant de ne pas former de coalitions avec la droite et refusant d’approuver les coups d’éclat et le style de communication de Milanović. Možemo a certes fait l’objet de critiques pour ne pas avoir participé à une coalition de gauche ― mais il n’est pas vraiment certain qu’une telle stratégie aurait permis à la gauche de l’emporter.
Les résultats de cette élection montrent un électorat croate assez stable, avec des résultats très similaires à ceux de l’élection de 2020. On observe des gains et des pertes limités, mais pas de revirement fondamental. Dans l’ensemble, l’électorat croate penche légèrement, mais non fortement, à droite.
Dans l’attente de données plus précises, on peut faire l’hypothèse que le nombre de jeunes électeurs ayant participé au scrutin a augmenté depuis 2020. Ces électeurs plus jeunes sont susceptibles d’avoir voté en plus grand nombre pour les trois principaux partis anti-establishment : DP, Možemo et Most.
De quelles options dispose le HDZ pour former un gouvernement ? Un cabinet minoritaire, qui semble être l’option préférée du HDZ depuis la nuit des élections, est-il vraisemblable ? Le HDZ pourrait-il collaborer à l’avenir avec le SDP ou Možemo, ou encore avec des partis de droite radicale ?
Il existe un clivage important en Croatie entre les personnes qui ont une opinion positive ou plutôt positive du HDZ comme garant de la stabilité du pays et celles qui rejettent le parti. Le HDZ a plutôt bien géré la pandémie de COVID et la guerre en Ukraine, notamment en mettant à profit les fonds européens. Cela lui confère une certaine attractivité, en particulier dans les milieux d’affaires, qui considèrent ― sur un plan technocratique plus qu’idéologique ― qu’il apporte une certaine stabilité au pays. De nombreux électeurs ont sans doute opté pour le HDZ pour des raisons très pragmatiques, parce qu’ils ne pouvaient pas se représenter comment un gouvernement formé par l’actuelle opposition pourrait fonctionner.
De l’autre côté de ce clivage, on trouve une fraction de l’électorat qui rejette de manière très franche le HDZ. Le coup politique de Zoran Milanović visait à mobiliser cette partie de l’électorat et à l’unir contre le HDZ, en tirant parti des récents scandales de corruption. Cependant, le problème était que le message de l’opposition était plutôt dissonant, rendant la candidature du principal bloc anti-HDZ peu lisible.
Le HDZ a remporté le plus grand nombre de sièges dans ces élections, et il est probable qu’il puisse constituer une majorité avec le Mouvement patriotique. Le principal obstacle à la construction d’une telle majorité est le premier ministre lui-même, qui apparaît par bien des aspects comme trop progressiste, trop libéral, trop européen pour collaborer avec le DP, et qui a lui-même décrit le DP en des termes peu amènes dans un passé récent.
Il est probable que des raisons d’opportunisme politique l’emporteront et que les partis parviendront à un accord. L’un des points litigieux concerne l’exigence du DP que le parti de la minorité serbe [SDSS, n.d.l.r.] ne fasse pas partie de la nouvelle majorité. Dans le passé, ce parti a été un partenaire fiable et loyal de l’actuel premier ministre, Andrej Plenković.
Une autre option, qu’il aurait sans doute préférée mais qu’il ne pourra peut-être pas réaliser, consisterait pour Plenković à gouverner avec quelques partis mineurs, parmi lesquels des partis régionaux tels que l’Assemblée démocratique d’Istrie et le petit parti libéral Focus, auxquels se joindraient quelques transfuges d’autres partis. À ce stade, toutefois, les autres forces politiques disposent probablement d’un pouvoir de négociation suffisant au sein du nouveau Sabor pour éviter une telle issue.
Dans le même temps, le SDP tentera probablement de constituer un gouvernement minoritaire en négociant avec Most, Možemo et d’autres petits partis. Mais cette hypothétique coalition « anti-HDZ » serait condamnée à une forte hétérogénéité, devant inclure à la fois des partis de gauche progressistes et les populistes de droite de Most, qui ont été très virulents dans leurs attaques contre la « culture woke ». Les chances de succès d’une telle entreprise sont donc minces.
Le 9 juin, les électeurs croates éliront un total de 12 députés européens. La participation a été très faible en 2019 (29,85 %), et encore plus faible en 2014 (25,24 %) et en 2013 (20,83 %). Comment expliquez-vous cette tendance et y a-t-il un risque que le scrutin du 9 juin, se tenant deux mois après une élection nationale majeure, connaisse des chiffres de participation encore plus bas ?
Les élections européennes se dérouleront sans aucun doute dans l’ombre des élections législatives et du processus de formation gouvernementale, qui devrait durer plusieurs mois. En fait, alors que la période officielle de dépôt des listes de partis pour les élections européennes a déjà commencé, aucun des principaux partis n’a encore déclaré sa liste, leur attention ayant jusque-là été accaparée par les élections nationales. Par conséquent, le taux de participation risque d’être faible et la capacité de mobilisation des partis limitée.
Les incitations à la mobilisation seront sans doute plus fortes parmi les partis qui n’ont pas remporté les élections législatives, et qui pourraient saisir l’occasion d’obtenir un meilleur résultat aux élections européennes. Il faudra également suivre le résultat du Mouvement patriotique, dont le programme est nettement eurosceptique anti-migrants. Au cours de la campagne, un eurodéputé sortant, Mislav Kolakušić (Non-Inscrits), a rejoint la campagne du DP. Kolakušić défend des positions de droite dure, eurosceptiques, populistes et anti-système.
Contrairement à de nombreux pays européens où l’on voit plutôt des partis appartenant à l’aile droite du PPE collaborer avec des partis d’extrême droite, en Croatie l’un des représentants les plus centristes du PPE s’apprête à former une coalition avec la droite radicale. Comment cela s’explique-t-il ?
Lorsqu’il s’agit de se maintenir au pouvoir, les raisons pragmatiques l’emportent souvent. Mais il existe aussi des convergences plus profondes. La fraction du Mouvement patriotique qui défend un programme pro-business assumé jouera ainsi sans doute un rôle crucial dans la négociation de l’accord avec le HDZ. Le HDZ gouverne la Croatie depuis de nombreuses années, avec seulement deux interruptions depuis la création de l’État croate moderne. Ses membres ont construit un réseau solide au sein de l’administration publique, tant au niveau croate qu’européen. Le DP considérera sans doute cette opportunité de gouverner comme une manière de s’insérer dans l’infrastructure politique et administrative de l’État, ce qui contribuera probablement à apaiser les conflits idéologiques.
Le plus grand défi pour la formation du prochain gouvernement concerne, comme je l’évoquais, la personne du premier ministre, qui a à titre personnel une très mauvaise opinion de la droite radicale. Cependant, certains au sein de son parti sont plus conservateurs et radicaux dans leur idéologie, et pourraient être beaucoup plus proches des positions de DP que ne l’est Plenković.
Enfin, d’autres difficultés pourraient se faire jour en lien avec certaines exigences programmatiques spécifiques du DP. Le Mouvement patriotique a notamment fait campagne sur l’annulation de la ratification par la Croatie de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, qu’il a critiquée comme étant le résultat d’une « l’idéologie du genre » ― or cette ratification a été menée sous la direction d’Andrej Plenković, qui s’est battu pour la mener à bien. Il s’agira donc probablement d’une ligne rouge pour le Premier ministre sortant.
Quels seront les principaux thèmes et personnalités à suivre pendant la campagne ?
Du côté de l’opposition, la corruption sera probablement le principal sujet mis en avant, tandis que les partis gouvernementaux mettront en avant la nécessité d’approfondir l’intégration de la Croatie à l’Union européenne comme moyen de parvenir à davantage de stabilité, de sûreté et de sécurité. Ces trois termes ont été les principaux mots d’ordre de la campagne du HDZ, qui a utilisé le slogan « prêts à relever tous les défis ».
Au Parlement européen, contrairement à situation qui prévaut sur la scène nationale, les sociaux-démocrates disposent de représentants très bien identifiés. Les députés sortants vont probablement mener des campagnes très personnalisées, ce qui devrait jouer en leur faveur.
On verra également apparaître quelques nouveaux visages. Un cas particulier est la liste « Gen Z » de l’influenceuse Nina Skočak, une tiktokeuse croate basée à Bruxelles qui partage notamment du contenu lié à la politique européenne, et dont la liste est principalement composée de jeunes de 19 à 30 ans.
Autre fait intéressant, lors des dernières élections européennes, l’Assemblée démocratique d’Istrie, un parti régionaliste membre de l’ADLE et qui défendait un programme progressiste et libéral, avait réussi à obtenir un député, bien qu’il ne se présente habituellement que dans une seule région du pays. Il faudra voir si le parti réussira à défendre son siège lors des élections de cette année.
Comme l’ont montré les analyses du matériel de campagne lors des élections de 2019, les questions nationales, davantage que les questions européennes à proprement parler, dominent la campagne européenne en Croatie.
Prenons l’exemple de Mislav Kolakušić, dont la campagne a remporté un succès important lors des dernières élections. Kolakušić était un nouveau venu sur la scène politique croate, avec un programme très populiste. L’analyse que nous avons menée sur ses posts Facebook a montré qu’il n’avait mentionné l’Europe qu’une seule fois pendant toute la durée de la campagne. Malgré cela, il a réussi à obtenir un siège au Parlement européen.
Un certain nombre de sujets européens sont cependant susceptibles de figurer en tête de l’ordre du jour. C’est le cas, notamment, de la gestion des fonds européens et de la guerre en Ukraine. En général, la question ukrainienne n’est pas considérée comme prioritaire dans la politique nationale. Toutefois, interrogés sur les principaux enjeux de la politique européenne, les électeurs croates citent l’Ukraine comme leur principale préoccupation. L’immigration, en revanche, n’a pas joué un rôle aussi important dans les élections nationales que l’on pouvait s’y attendre, bien qu’elle ait été mise en avant par des partis de droite tels que le DP, qui ont repris les récits conspirationnistes autour du « Great Reset » et du « grand remplacement ». Je pense que ce type de rhétorique est susceptible de jouer beaucoup plus important lors des élections européennes, alors que se multiplient les tentatives de désinformation autour d’allégations d’incidents violents et de cas de fraude sociale impliquant des migrants.
L’épreuve de force entre Plenković et Milanović pourrait-elle avoir un impact sur la campagne européenne ?
Très favorable à l’intégration européenne, Andrej Plenković est un partenaire très fiable et apprécié à Bruxelles. Il sera intéressant de voir si le président Zoran Milanović tentera d’interférer dans le scrutin européen à venir. Milanović a récemment adopté une rhétorique de plus en plus populiste, remettant en cause les institutions européennes et critiquant les fonctionnaires européens qu’il a décrit comme distants et déconnectés. Ce faisant, il s’est rapproché des discours des partis de droite radicale. Cependant, ses eurodéputés, qui ont participé activement aux travaux du Parlement européen et sont des figures reconnues dans la sphère publique croate, resteront probablement alignés sur un agenda plus nettement pro-européen.
La question de l’élargissement de l’Union reviendra probablement sur le devant de la scène au cours de la prochaine législature. Comment les partis croates se positionnent-ils sur cette question, notamment en ce qui concerne les candidatures serbe et bosniaque ?
Le parti le plus susceptible de remettre en question l’élargissement sera le Mouvement patristique, notamment en ce qui concerne la demande d’adhésion de la Serbie, qu’il ne manquera pas de contester. Une grande partie de son électorat est composée de personnes qui ont été directement impliquées dans les guerres de Yougoslavie et qui nourrissent un ressentiment important vis-à-vis de l’État serbe.
Le cas de la Bosnie-Herzégovine est plus consensuel. Andrej Plenković s’est fait le champion de l’élargissement de l’UE dans la région, en particulier vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine. Son attitude dans ce dossier a été très bien accueillie en Bosnie par la classe politique tant croate que bosniaque, au sein de laquelle il est assez populaire. Pour sa part, Zoran Milanović affiche de manière démonstrative son amitié avec le dirigeant controversé de la République serbe de Bosnie, Milorad Dodik. La plupart des partis seront probablement très favorables à l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l’UE, notamment du fait de l’importante communauté croate qui y vit.
L’ancienne maire de Dubrovnik et ex-eurodéputée Dubravka Šuica est l’une des 8 vice-présidents de la Commission depuis 2019, détenant le portefeuille de la Démocratie et de la Démographie. Peut-on s’attendre à ce qu’elle soit à nouveau nommée commissaire lors du prochain mandat ?
Sans aucun doute. Mme Šuica est une alliée très proche de la direction du HDZ et du Premier ministre. Il devrait être facile pour elle d’être reconduite à son poste lors de la prochaine législature, et il est probable qu’elle continuera à remplir cette fonction dans les années à venir.