Skopje. Le 30 septembre aura lieu un référendum historique, visant à établir la volonté de la Macédoine d’adhérer ou non à l’Union et à l’Otan. La question du référendum déclare sournoisement aux citoyens : « Êtes-vous favorable à l’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan en acceptant l’accord entre la Macédoine et la Grèce ? » L’accord entre la Macédoine et la Grèce porte sur la correction du nom de la Macédoine, qualifiée d’Arym (ex-République yougoslave de Macédoine) par la communauté internationale et qui devient en vertu de l’accord la République de Macédoine du Nord. Un peu comme l’Irlande du Nord en 1921, après une décennie de plusieurs tentatives avec différentes propositions de noms, les interlocuteurs ont fait référence à ce qui, dans le domaine géopolitique, décrirait le mieux cette région des Balkans occidentaux comme une zone territoriale unique comprenant la Macédoine grecque et la région macédonienne de Skopje .
Le contexte est cependant difficile : ces derniers jours (1), le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, a accusé Moscou de manipuler l’opinion afin d’influencer l’issue du référendum, en subventionnant des groupes ultra-nationalistes grecs et macédoniens. En juillet, Athènes a expulsé deux diplomates russes qui auraient tenté de soudoyer des officiers dans l’intention d’invalider l’accord sur le nom. D’autre part, la Macédoine a été la base opérationnelle d’au moins une société de technologie de l’information liée aux robots russes (2) ayant influencé les élections présidentielles américaines.
L’adhésion de la Macédoine à l’Union et à l’Otan est cruciale. Avec le Kosovo et l’Albanie, la Macédoine contribuerait à compenser la perte de revenus due au Brexit, en restaurant la confiance dans le projet européen, qui pourrait également être fortement affecté par les prochaines élections en mai. Le continuum de la transition européenne dans les Balkans se poursuivrait donc avec succès en plaçant la carte macédonienne supplémentaire, déjà acceptée par la Bulgarie et la Grèce, dans le puzzle incomplet de Bruxelles. Pour l’Otan, l’adhésion de la Macédoine serait, entre autres, un pas stratégique vers la Serbie voisine, alliée traditionnelle de la Russie.
Pour revenir aux prémisses de la querelle sur le nom de la Macédoine, il faut contextualiser le nationalisme brutal qui a surgi après la guerre avec la fin du démantèlement, en 2003, de la République socialiste de Yougoslavie. Le nationalisme a conduit les anciens confédérés yougoslaves à un remodelage identitaire, essentiellement religieux et linguistique, qui avait pour but de confirmer l’indépendance des États nouveaux-nés, de se débarrasser du socialisme uniforme de Tito, et plus généralement de refonder des États affaiblis par une aristocratie des Balkans trop timide face à l’occupation ottomane laïque et au socialisme yougoslave.
Pour ne citer que quelques-unes des tendances nationalistes encore existantes, la Slovénie a renforcé son identité teutonique, la Croatie a choisi le catholicisme, tandis que la Bosnie s’est tournée vers l’Islam. La Macédoine, pour sa part, s’est à son tour aventurée dans une réinterprétation néoclassique, choisissant comme symbole de la nation d’Alexandre le Grand, engageant des architectes pour la reconstruction de sa capitale, Skopje, et choisissant de s’appeler la République de Macédoine, ce qui fut interprété comme un affront par la Grèce, où se trouve une région homonyme.
Ainsi, Athènes n’a jamais cessé, jusqu’au début de 2018, de rejeter le nom de Macédoine, craignant d’éventuelles représailles sur le territoire macédonien et interprétant ce choix comme un vol culturel. Un accord n’a pu être trouvé que grâce aux forces diplomatiques de l’Union et à la médiation de la Haute Représentante Federica Mogherini qui, ouvrant les préparatifs de l’adhésion de la Macédoine à l’Union, a imposé comme condition sine qua non le règlement du litige sur le nom. Cette condition coïncide avec les besoins de l’élargissement de l’Otan, qui prévoit l’absence de friction territoriale. Message reçu avec succès par les deux premiers ministres de la Grèce et de la Macédoine, malgré le rejet du président de la République macédonienne, Gjorge Ivanov, qui n’a pas encore signé la ratification de l’accord (3).
Perspectives :
- 30 septembre 2018 : date prévue pour le référendum sur la ratification des accords de dénomination entre la Grèce et la Macédoine.
- Bien que l’accord gréco-macédonien ait déjà été voté par le parlement, le président Gjorge Ivanov Ivanov s’est toujours opposé au changement de nom. La victoire du référendum signifierait une défaite difficile à concilier avec le mandat présidentiel et une démission ultérieure représenterait un geste au moins souhaité par les forces politiques sur le terrain.
Sources :
- IDREES Ali, U.S. Defense Secretary warns of Russian meddling in Macedonia referendum, Reuters, 17 septembre 2018.
- SUBRAMANIAN Samantha, Inside the Macedonian Fake-news complex, Wired, 15 février 2017.
- VESNIK Nezavisen, FYROM : President Ivanov out of the country on the name referendum day, Ibna, 30 août 2018.