Le moment où Lula est revenu au pouvoir correspond à l’après-Covid — une période qui a touché particulièrement durement l’Amérique latine et le Brésil. Comment décririez-vous le pays au moment où vous êtes revenu au pouvoir ?
Le Président Lula est aujourd’hui à son troisième mandat.
Nous avons également été gouvernés pendant un mandat et demi par la présidente Dilma Rousseff, également du Parti des Travailleurs. Elle a été écartée du pouvoir à la suite d’un coup d’État qui a interrompu son mandat en 2016.
J’emploie ce terme car aujourd’hui, le Tribunal suprême fédéral, la plus haute juridiction du pays, a officiellement reconnu qu’il s’agissait bien d’un coup d’État.
Quand Lula a pris ses fonctions pour la première fois en 2003, le Brésil comptait un très grand nombre de personnes souffrant de la faim et qui vivaient dans la misère et dans la pauvreté. Il a alors lancé son premier programme contre la faim — le « Plan Faim Zéro ».
À cette époque, j’étais gouverneur du Piauí, l’État le plus pauvre du pays, situé dans la région Nord-Est, à proximité de l’Amazonie.
Grâce aux politiques mises en place par Lula, en 2014, soit 11 ans après le début de son mandat, le Brésil est sorti de la carte de la faim avec un niveau inférieur à 2,5 % de la population en situation de sous-alimentation, selon les critères de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Et nous ne pensions pas que le pays reviendrait un jour sur la carte de la faim.
Outre la réduction de la faim, la misère, l’extrême pauvreté et la pauvreté avaient également diminué.
Le Brésil avait atteint un seuil de 5,2 % de la population vivant dans la misère et 30 % en situation de pauvreté, les niveaux les plus bas historiques jamais atteints à l’époque. La classe moyenne s’était élargie, atteignant 52 % des ménages. À ce moment-là, il y avait un fort espoir de ne jamais revenir en arrière.
Nous sommes une puissance économique — mais où les plus riches sont extrêmement riches et les plus pauvres, extrêmement pauvres.
Wellington Dias
Lorsque la présidente Dilma a été remplacée en 2016 par le président Michel Temer (2016-2018), puis avec l’arrivée de Jair Bolsonaro en 2019, la classe moyenne a diminué tandis que la pauvreté et la misère ont augmenté — entraînant une augmentation de la faim.
La responsabilité de cette situation ne peut donc pas être attribuée uniquement à la pandémie — qui n’a commencé qu’en 2020.
Lorsque Lula a repris ses fonctions pour son troisième mandat en janvier 2023, le Brésil comptait plus de 33 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire.
Le monde et le Brésil ont été profondément choqués par les images des Yanomamis en Amazonie, dénutris et mourant de faim.
Mais ils n’étaient pas les seuls : en réalité, 33 100 000 Brésiliens vivaient dans un pays qui était pourtant déjà le quatrième plus grand producteur alimentaire du monde.
L’économie avait reculé, mais le pays restait la douzième plus grande économie mondiale en 2022.
Qu’avez-vous fait pour combattre cette situation ?
Le Président Lula, qui a lui-même connu la faim et la pauvreté, embrasse ces causes presque comme une obsession.
Lorsqu’il m’a invité à prendre la tête du ministère du Développement social et de la Lutte contre la faim, il m’a donné trois missions.
D’une part, sortir le Brésil de la carte de la faim.
D’autre part, réduire la misère et la pauvreté.
Enfin, diminuer les inégalités.
Nous sommes un pays économiquement puissant, mais profondément inégalitaire. Nous sommes une puissance économique — mais où les plus riches sont extrêmement riches et les plus pauvres, extrêmement pauvres.
Nous avons travaillé sur un nouveau modèle d’allocation sociale — la Bolsa Família — que nous avons réformé et appelé la « nouvelle Bolsa Família ».
Toute notre action visait à répondre à cette question que le Président Lula nous posait avec obstination : comment faire pour que le pays ne retourne jamais sur la carte de la faim ?
La nouvelle Bolsa Família s’appuie sur un Registre social unique 1, comprenant 94 millions de personnes.
Pourtant, le nombre de personnes inscrites sur ce registre devrait diminuer moins rapidement qu’autrefois. Pourquoi ?
Parce que désormais, lorsqu’une personne entre dans le registre — même lorsqu’elle accède à la classe moyenne — elle y reste.
Une personne bénéficie du programme Bolsa Família si elle gagne moins de 40 dollars — un seuil aujourd’hui adopté par l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté. Or nous voulons lui assurer une protection sociale continue jusqu’à ce que son revenu dépasse 120 dollars.
Auparavant, lorsqu’une personne intégrait le registre et obtenait un emploi ou créait sa petite entreprise, elle perdait tout droit à l’allocation.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui : même si elle commence à cotiser à la sécurité sociale en tant que salariée ou entrepreneure, elle reste dans le système.
Nous suivons l’évolution de son revenu : même au moment où celui-ci dépasse le seuil de la misère, la personne continuera à recevoir l’allocation Bolsa Família. Lorsqu’elle atteint un revenu plus élevé, elle reçoit pendant 12 mois 50 % de l’allocation — et ce n’est que lorsqu’elle dépasse le seuil de pauvreté qu’elle perd l’allocation. Mais elle ne sort jamais du registre, même si elle passe dans les dernières catégories : nous maintenons cette personne dans le système.
Ainsi, si à un moment elle perd son emploi, elle ne replonge pas dans la misère ni dans la faim : elle bénéficie à nouveau de l’allocation Bolsa Família.
Toute notre action visait à répondre à cette question que le Président Lula nous posait avec obstination : comment faire pour que le pays ne retourne jamais sur la carte de la faim ?
Wellington Dias
En d’autres termes, une fois intégrée dans le Registre social unique, nous garantissons que les personnes ne sortent du système que pour progresser — et jamais pour revenir à la faim ni à la misère. C’est à cela que nous mesurons le succès de notre action.
En deux ans, nous avons sorti 30 millions de personnes de l’insécurité alimentaire. Comme l’a souligné le Président Lula, ces personnes ont pu recommencer à prendre un petit-déjeuner, un déjeuner et un dîner chaque jour. Et nous avons réussi à réduire la misère et la pauvreté.
La misère, qui était revenue à 9 % de la population, est tombée à 4 %.
La pauvreté, qui avait atteint 37 %, a reculé à 20 %.
Les inégalités, elles aussi, ont diminué. L’indice de Gini — plus il est proche de 1, plus les inégalités sont fortes, et plus il est proche de 0, plus elles sont faibles — s’élevait à 0,544.
En 2024, il est déjà descendu à 0,506.
Nous espérons ainsi terminer cette année, pour la première fois au Brésil, avec un indice de Gini inférieur à 0,5.
Je suis optimiste, car nos politiques parviennent à atteindre un nombre croissant de personnes. Le revenu des Brésiliens dans leur ensemble — ceux qui travaillent et produisent — a augmenté de 11,6 %, tandis que celui des plus pauvres a progressé de 38 %.
Cela contribue de manière significative à la réduction des inégalités.
Le 19 novembre 2024, lors du sommet du G20 à Rio, Lula a annoncé lancer l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté. Pourquoi avoir créé cette initiative ?
Lorsqu’un pays figure sur la carte de la faim, avec une grande misère et une profonde pauvreté, ce n’est pas un problème seulement pour ce pays.
C’est certes un défi pour lui, mais aussi et surtout pour toute l’humanité.
C’est ainsi que pense le Président Lula, parce que la pauvreté affecte l’ensemble du monde.
Regardez la désorganisation des flux migratoires dans le monde : il n’y aura pas de solution en érigeant des murs, en brandissant des armes ou en modifiant des lois. Si l’on souhaite un processus migratoire équilibré, les pays les plus développés doivent assumer leur responsabilité d’aider les pays en développement.
Le Brésil accueille de nombreux immigrés.
Mon ministère s’occupe, par exemple, des populations venant du Venezuela, de Cuba, d’Haïti et de plusieurs pays d’Afrique. Nous agissons avec humanité et solidarité, tout en veillant à ne pas déséquilibrer nos systèmes internes — éducation, santé, protection de l’emploi, et autres.
Pour marquer le centenaire du Procès de Kafka, nous offrons à nos abonnés soutiens une nouvelle édition hors commerce de son chapitre « Dans la cathédrale », numérotée à la main.
C’est pourquoi l’initiative de l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté, présentée par le Président Lula aux pays les plus riches du G20, revêt une importance capitale.
Historiquement centré sur les taux de change, les exportations et les importations, le G20 s’intéresse désormais à des problèmes humains cruciaux : la faim et la pauvreté.
Ce qui est remarquable, c’est que cette proposition a été adoptée à l’unanimité lors de la réunion de Rio de Janeiro l’an dernier.
Rappelons que, dès 2015, le monde avait adopté les Objectifs de développement durable 2030, porteurs d’un immense espoir à la fin du XXe siècle et au début du XXIe. Parmi ces objectifs, le premier visait l’éradication de la pauvreté, le second, à l’éradication.
Pourtant, le monde a échoué : depuis lors, la faim a augmenté. En 2022, selon la FAO, 750 millions de personnes vivaient en situation d’insécurité alimentaire — un chiffre qui n’a cessé de croître chaque année depuis 2015.
Grâce à l’Alliance, de nombreuses initiatives ont déjà commencé à porter leurs fruits.
En 2023, selon la FAO, 733 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire. Un an plus tard, en 2024, ce chiffre est tombé à 673 millions, soit 60 millions de personnes de moins dans le monde, qui ont désormais accès à une alimentation suffisante, échappant ainsi à la malnutrition et à la sous-alimentation.
Je reste optimiste sur la progression de l’Alliance car celle-ci compte déjà plus de 200 membres. Le Pakistan a rejoint l’initiative, et chaque jour, de plus en plus de pays, d’organisations internationales et de fonds s’y associent. Nous collaborons également avec le monde universitaire, des organisations sociales du monde entier, ainsi qu’avec des entrepreneurs internationaux.
Car ce défi ne concerne pas uniquement les gouvernements : il s’agit d’une responsabilité collective, partagée par tous.
Au Brésil, nous considérons le social comme un élément stratégique du développement économique.
Wellington Dias
Je suis convaincu qu’en 2030, nous enregistrerons une baisse significative de l’insécurité alimentaire, accompagnée d’une réduction de la misère et de la pauvreté, grâce aux plans de travail déjà présentés.
Nous venons de célébrer les 80 ans de la FAO, en présence du Président Lula, du directeur général de l’organisation, de dirigeants de plusieurs pays et du Forum mondial de l’alimentation.
À cette occasion, plusieurs pays, partenaires et sponsors ont pris des engagements visant à sortir 600 millions de personnes de la faim et de l’insécurité alimentaire. Ces engagements permettront également d’étendre la couverture des programmes d’alimentation scolaire à 150 millions d’enfants et d’adolescents, et d’assurer un meilleur accès à l’eau, aux soins de santé, aux vaccins et aux médicaments pour 200 à 250 millions de femmes et d’enfants, avec une attention particulière portée à la protection de la petite enfance.
De plus, au moins 100 millions devraient, au-delà de surmonter la faim et la misère, véritablement surmonter la pauvreté.
Je reste donc très enthousiaste, aux côtés du Brésil et de l’Espagne, qui assurent la coordination du Conseil des Champions et du Conseil de l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté.
Le Congrès est toutefois dominé par l’opposition, qui impose également au gouvernement une politique d’austérité budgétaire plus stricte que celle des précédents gouvernements du Parti des Travailleurs. Cette contrainte a-t-elle limité d’une manière ou d’une autre l’ambition de vos objectifs sociaux ?
C’est une bonne question.
Le gouvernement brésilien a pris deux décisions claires : sortir les gens de la faim et les sortir de la pauvreté.
Comme le répète sans cesse le Président Lula, ces décisions ne sont pas seulement économiques, ce sont de véritables choix politiques : il s’agit d’inclure les plus pauvres dans le budget et de faire contribuer davantage les plus riches à l’impôt.
Au Brésil, par exemple, nous avons exonéré de l’impôt sur le revenu ceux qui gagnent jusqu’à 5 000 reais (808 euros), et ceux dont le revenu atteint environ 7 000 reais (1131 euros) bénéficient d’une réduction. 50 millions de personnes ont bénéficié de ces mesures. Qui paie la note ? 123 000 personnes qui gagnent plus d’un million de reais (160 000 euros) par an et qui, auparavant, payaient moins d’impôts qu’un professeur ou qu’un employé dans le secteur commercial.
Aujourd’hui, elles paient 10 % d’impôt, alors qu’auparavant ce taux était inférieur.
Cette justice sociale contribue à réduire les inégalités.
Au Brésil, nous considérons le social comme un élément stratégique du développement économique.
Il ne s’agit pas seulement de transférer des revenus : il y a des contreparties. Par exemple, sur le plan de la santé, une femme qui reçoit une aide s’engage à être suivie pendant une éventuelle grossesse, puis à assurer le suivi de son bébé, puis de son enfant, et enfin de son adolescent.
Nous nous assurons également que les enfants soient inscrits à l’école, qu’ils la fréquentent et qu’ils réussissent.
Notre objectif est que les personnes soient en bonne santé, puissent s’éduquer et être capables d’exercer un métier.
Et les résultats sont là.
Depuis le lancement des programmes, 14 millions de personnes sont déjà sorties de la misère et de la pauvreté.
Mais ce n’est pas tout : nous encourageons également l’emploi, l’entrepreneuriat et les petites entreprises. Depuis 2023, 17,5 millions de bénéficiaires du programme Bolsa Família, inscrits dans le Registre social unique, ont signé un contrat de travail au Brésil. Certaines de ces personnes occupent encore un emploi saisonnier ou temporaire, mais beaucoup ont désormais un emploi stable.
En 2024, le Brésil a connu une croissance économique qui a généré 1,7 million de nouveaux emplois, dont 98 % ont été occupés par des bénéficiaires du programme Bolsa Família.
Nous avons également créé le programme Acredita, axé sur la qualification des personnes inscrites dans le Registre social unique pour l’entrepreneuriat, à travers un fonds de garantie sociale.
Ceux qui souhaitent créer une petite entreprise bénéficient d’un accompagnement complet : assistance technique, diagnostic, élaboration du projet et accès à un crédit à très faible coût.
Dans un contexte où les taux d’intérêt sont élevés, les crédits destinés aux personnes en zone rurale sont accordés à 0,5 % par an. Si l’entreprise prospère et que les remboursements sont effectués à temps, le bénéficiaire peut obtenir une remise allant jusqu’à 40 %. Les crédits pour des personnes en zone urbaine, quant à eux, sont à 8,75 % par an, dans un pays où le taux d’intérêt directeur est de 15 %.
Là encore, les résultats parlent d’eux-mêmes.
En deux ans, nous avons sorti 30 millions de personnes de l’insécurité alimentaire.
Wellington Dias
Depuis 2023 : 10 millions de petites entreprises, tels que des petits commerces, un atelier de mécanique, une entreprise dans le domaine de la technologie, ou encore un salon de beauté, ont été créées. Cela représente 4 300 000 nouveaux emplois.
Parmi ces entreprises, 6 millions appartiennent à des bénéficiaires du programme Bolsa Família — des personnes qui, auparavant, recevaient une aide financière et qui emploient aujourd’hui d’autres travailleurs. Les petites entreprises représentent 70 % des nouveaux emplois dans le pays.
Nous voyons cette politique sociale comme un moteur stratégique de l’économie et de la croissance du PIB : le Brésil a connu une croissance de 2,9 % en 2023 et de 3,4 % l’année précédente. Pour cette année, nous prévoyons une croissance comprise entre 2,5 % et 3 %. Et les plus pauvres participent à cette croissance — par la production de vêtements, de produits alimentaires, de lait et d’autres biens et services. Autrement dit, la roue de l’économie tourne positivement grâce à la participation des plus modestes.
Ces personnes, qui dépendaient autrefois entièrement des aides, ont désormais des revenus issus de l’emploi et de leurs petites entreprises. Cela se traduit par une plus grande consommation et par un effet bénéfique sur la production, le commerce, l’industrie et les services. C’est cette voie — combiner justice sociale et développement économique — qui fonctionne. Et c’est celle que nous souhaitons voir adoptée dans le monde entier.
La contrainte imposée par le cadre budgétaire — une loi approuvée en août 2023 par le Congrès qui limite la croissance réelle des dépenses du gouvernement à 2,5 % par an — n’a donc pas affecté vos politiques sociales ?
C’est avant tout une décision politique.
Le président du Brésil a choisi de maintenir les plus démunis dans le budget de l’État. Au moment de faire des coupes, il a été décidé de ne pas toucher aux programmes qui bénéficient aux plus pauvres.
C’est ce choix, précisément, qui permet au pays d’obtenir de meilleurs résultats budgétaires.
Il est important de rappeler que le Président Lula, lors de ses mandats précédents, a permis au Brésil d’atteindre un excédent budgétaire, de réduire au minimum la dette extérieure et intérieure, et d’assurer ainsi la responsabilité budgétaire. Il sait que, tout comme dans une famille où les revenus doivent dépasser les dépenses, il en va de même pour le pays. Cette décision n’est donc pas prise de manière irresponsable.
Nous souhaitons arriver en 2026 avec un budget équilibré. Nous avons rencontré un obstacle : l’une des lois visant à instaurer une justice fiscale, une mesure provisoire concernant la régulation de l’impôt sur les opérations financières, qui aurait permis d’augmenter les recettes publiques, a été rejetée par le Congrès. Il s’agissait davantage d’une décision politique que technique.
Quoi qu’il en soit, nous sommes en train de chercher une solution pour augmenter les recettes pour qu’en 2026, les comptes du budget soient équilibrés, avec des recettes correspondant aux dépenses. Rappelons que nous avons hérité d’une situation difficile marquée par un déficit de 4,5 %.
Une autre politique caractéristique des gouvernements du Parti des Travailleurs, comme vous l’avez mentionné, a été de faciliter l’accès au crédit pour la classe moyenne et les travailleurs, afin de stimuler la consommation et dynamiser l’économie. Mais comment s’assurer que ces politiques d’accès au crédit soient durables et ne provoquent pas un surendettement des ménages ? Selon la Confédération nationale du commerce, la proportion de familles déclarant des retards de paiement est passée de 29,6 % à 30,5 % entre juillet 2023 et septembre 2025, un niveau record depuis 2010. Pour tenter d’alléger la dette des ménages, le gouvernement a lancé, entre juillet 2023 et mai 2024, le programme « Desenrola » (« dénouer »), visant à renégocier les dettes des particuliers. Comment s’assurer que des politiques qui résolvent certains problèmes n’en créent pas de nouveaux ?
Prenons l’exemple du programme Acredita.
En seulement quelques mois, il a déjà débloqué 11 milliards de reais (1,78 milliard d’euros) pour des micro-entrepreneurs et entrepreneurs urbains dans tout le pays, et 14 milliards de reais (2,26 milliards d’euros) pour ceux des zones rurales.
Le taux de défaut de ce programme est de seulement 0,53 %.
Auparavant, lorsqu’un financement n’était pas remboursé dans les 90 jours, les banques devaient le comptabiliser comme une créance difficile à recouvrer. C’est pourquoi elles appliquaient des taux d’intérêt élevés pour ce type de prêt — reflétant le risque.
Aujourd’hui, grâce à un fonds de garantie alimenté conjointement par la Banque nationale de développement économique et social et le Service brésilien de soutien aux micro et petites entreprises, les banques peuvent se prémunir contre les impayés.
L’État et les banques travaillent donc ensemble pour sécuriser le crédit.
La mission de notre mandat a été de retirer le Brésil de la carte de la faim. Désormais, nous devons ôter la faim de la carte du Brésil.
Wellington Dias
Les effets sont là : lorsqu’un financement est bien structuré — un bon diagnostic, un bon projet, une véritable assistance technique, un taux d’intérêt adapté et un échéancier approprié — le taux de défaut diminue. Et les intérêts baissent également puisque le risque diminue.
Aujourd’hui, pratiquement toutes les banques publiques participent au programme, et nous avons entamé des discussions pour intégrer davantage les banques privées. Les agences de développement des États, ainsi que de nombreux programmes municipaux et étatiques, y participent également.
Les entreprises privées du secteur de l’énergie, du tourisme, de l’hôtellerie et de divers autres secteurs soutiennent aussi Acredita. L’entreprise française Carrefour, par exemple, fait un travail extraordinaire. C’est la première entreprise à avoir adhéré au programme Acredita. Elle a recruté plus de 100 000 personnes bénéficiant de Bolsa Família et faisant partie du Registre unique, tout en soutenant un ensemble de petites entreprises opérant dans son réseau.
Ce partenariat entre le secteur public et le secteur privé est notre grand moteur pour obtenir des résultats significatifs. Cette approche est solide et durable. Pourquoi ? Parce que l’État fédéral met en place un fonds de garantie. Avec 3 milliards de reais alloués, ce fonds permet de mobiliser des ressources huit à douze fois supérieures.
Les derniers sondages pour l’élection présidentielle de 2026 sont pour l’instant favorables à Lula. Mais imaginons qu’il ne gagne pas et que l’opposition l’emporte. Pensez-vous que les acquis de ce troisième mandat resteront protégés grâce à toutes les nouvelles mesures mises en place notamment dans les programmes sociaux ?
Au Brésil, nous avons transformé ces programmes sociaux en véritables politiques d’État.
Certes, comme ailleurs dans le Monde, au Brésil, les politiques sociales, de sécurité sociale, de santé et d’éducation peuvent évoluer. Mais le mode de fonctionnement que nous avons instauré permet de garantir leur continuité quelles que soient les alternances politiques.
Considérer le social comme partie intégrante du projet économique suscite une adhésion large. Peu importe qu’on soit libéral, travailliste, socialiste, communiste ou néolibéral : le bien du pays est notre intérêt commun.
La faim, la misère et la pauvreté touchent toute la société. Il existe une majorité dans la population qui aspire à de meilleures conditions de vie, au Brésil, en France ou ailleurs.
La popularité du Président Lula croît grâce à la cohérence et aux résultats de son plan de gouvernement.
Son projet pour la société est clair et ambitieux.
Qui d’autre a le courage de défendre la souveraineté nationale, même face aux États-Unis, de promouvoir la paix — qu’il s’agisse de l’Ukraine et de la Russie, ou d’Israël et de la Palestine — et de faire de la lutte contre les changements climatiques une priorité, en organisant la COP 30 au cœur de l’Amazonie ?
Qui d’autre a réussi en si peu de temps à faire passer le Brésil de la 12e à la 10e place des plus grandes économies mondiales ?
Notre développement économique s’accompagne d’une croissance durable. Cette durabilité repose aussi sur notre ouverture sur le monde, notre refus de nous aligner seulement avec les États-Unis ou avec la Chine. Le Brésil entretient des relations respectueuses et souveraines avec tous les pays, tout en défendant la démocratie et en promouvant l’humanisme.
Considérer le social comme partie intégrante du projet économique suscite une adhésion large. Peu importe qu’on soit libéral, travailliste, socialiste, communiste ou néolibéral : le bien du pays est notre intérêt commun.
Wellington Dias
Le Président Lula, fort de son expérience, s’appuie sur une équipe solide : Geraldo Alckmin, son vice-président est l’ancien gouverneur de São Paulo, et issu de la social-démocratie.
Cela nous permet d’envisager 2026 avec confiance. Je pense non seulement que le président sera réélu, mais aussi que nous parviendrons à renforcer le soutien de Chambre des députés et du Sénat ainsi que celui de la société envers notre projet d’État.
Je pense aussi que de plus en plus de personnes diront : « je veux vivre dans un pays développé, mais je comprends aussi que le Brésil ne sera un pays développé que s’il surmonte la faim et la pauvreté, s’il n’assure pas la durabilité environnementale, s’il ne défend pas la paix, la démocratie et la souveraineté ».
La mission de notre mandat a été de retirer le Brésil de la carte de la faim.
Désormais, nous devons ôter la faim de la carte du Brésil.
Et pour cela, il faut surmonter la pauvreté et élargir la classe moyenne.