Il y a dix ans, le monde a été capable d’une extraordinaire unité. À Paris, 196 pays ont reconnu une vérité simple mais puissante : la crise climatique ne peut être résolue par une seule nation, elle exige une humanité unie.
L’Accord de Paris est devenu l’une des expressions les plus durables de la coopération multilatérale de l’histoire moderne.
Aux côtés de l’adoption des Objectifs de développement durable et du Programme d’action d’Addis-Abeba, il a marqué un tournant mondial : vers la responsabilité climatique et vers un nouveau modèle de progrès fondé sur la justice, la résilience et la prospérité partagée.
Dix ans plus tard, le monde est très différent.
Nous avons affronté une pandémie mondiale, des guerres dévastatrices, des chocs économiques et une fragmentation géopolitique croissante — sans oublier les impacts toujours plus destructeurs du changement climatique. En de nombreux endroits, le multilatéralisme a été accueilli avec suspicion. L’action climatique est devenue une cible des réactions politiques.
Pourtant, malgré ces turbulences, l’Accord de Paris a résisté et a porté ses fruits.
Avant 2015, le monde s’orientait vers un réchauffement supérieur à 4 degrés Celsius. Aujourd’hui, grâce à l’Accord et à la coopération internationale, nous infléchissons cette trajectoire. Avec les politiques et engagements actuels, nous nous rapprochons de 2,3 degrés.
Ce n’est pas suffisant, mais ce n’est pas rien.
Dans un monde marqué par les divisions, le simple fait que les pays soient restés autour de la table, même dans les moments de détresse mondiale, constitue déjà une victoire.
Dix ans après l’accord de Paris, le droit peut-il nous aider à affronter la décennie qui vient ?
Le nouveau numéro de la Revue européenne du droit (RED) est dirigé par Laurent Fabius et Jorge Viñuales.
Disponible en pré-commande.
Tenir les promesses de la COP21
L’Accord de Paris est un engagement politique et moral envers les générations présentes et futures.
C’est un signal d’espoir : même à une époque de politiques fragmentées et de pressions populistes, l’action collective reste possible.
Mais la deuxième décennie critique qui vient dira si nous honorons cette promesse — ou si nous la trahissons.
En observant les avancées des énergies renouvelables et des technologies propres, on pourrait croire que la bataille entre l’ancien ordre fossile et la nouvelle voie planétaire est déjà gagnée. Nous ne devons cependant pas sous-estimer l’ampleur de la résistance du régime fossile ni le poids des puissances géopolitiques dépendantes de la poursuite de cette économie.
La transition climatique ne peut réussir si ceux qui sont les plus proches du défi restent les plus éloignés des ressources.
Teresa Ribera
L’Europe, en particulier, ne doit pas vaciller.
Notre ambition climatique a toujours été plus qu’un choix politique ; elle reflète nos valeurs et aussi, avec un peu de clairvoyance, nos intérêts économiques.
Si la décarbonation de notre système énergétique d’ici 2050 nécessitera des investissements supplémentaires représentant 1,5 point de pourcentage du PIB sur la période 2031–2050, elle permettra des économies presque équivalentes en importations d’énergies fossiles et apportera d’autres bénéfices significatifs en termes d’emplois et de réduction de la pollution.
L’augmentation des besoins d’investissement pour une décarbonation accélérée reste maîtrisable et nous ramènerait à des niveaux d’investissement, en part du PIB, qui étaient courants en Europe il y a seulement quelques décennies. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, l’investissement représentait environ 25 % du PIB, contre 20-21 % aujourd’hui.
Élargir la coalition climat
Alors que le monde observe avec inquiétude la montée du scepticisme et des vents contraires électoraux menaçant la transition verte, le fait que l’Europe maintienne le cap est plus important que jamais.
Pour convaincre les esprits et les cœurs de choisir la transition verte plutôt que l’économie fossile en cette décennie critique, l’Europe doit réussir sur trois points.
Premièrement, nous devons rester pleinement alignés sur l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius.
Cela implique d’être clairs et cohérents sur nos objectifs à long terme et sur la manière dont nous comptons y parvenir. L’ambition ne doit pas être abstraite : elle doit se traduire par des politiques donnant confiance aux investisseurs, aux travailleurs et aux communautés.
L’Accord de Paris est devenu l’une des expressions les plus durables de la coopération multilatérale de l’histoire moderne.
Teresa Ribera
Deuxièmement, nous devons démontrer notre capacité à obtenir des résultats tangibles et mesurables sur le terrain.
Les citoyens doivent ressentir les bénéfices de l’action climatique dans leur vie quotidienne. Cela signifie investir dans l’énergie propre, les transports durables, la rénovation des bâtiments et la sortie progressive des énergies fossiles, de manière juste et inclusive. Cela signifie aussi renforcer la résilience dans des secteurs comme l’agriculture, le logement et les infrastructures locales, en particulier pour les plus vulnérables. La justice climatique ne peut être séparée de la justice sociale.
Pour y parvenir, nous devons également mobiliser des financements à grande échelle. En Europe, pour les seules industries les plus énergivores, les besoins d’investissement pour la décarbonation s’élèvent à 500 milliards d’euros entre 2025 et 2040. Mais au-delà de l’industrie, il faut aussi financer les villes et les communautés.
Enfin, cet effort doit être répliqué au niveau mondial.
Les institutions financières multilatérales et les banques de développement jouent un rôle clef pour réduire les risques des investissements, améliorer la conception des projets et étendre le financement des collectivités locales. La transition climatique ne peut réussir si ceux qui sont les plus proches du défi restent les plus éloignés des ressources.
Fidèles à l’engagement de l’Accord de Paris, nous devons trouver des moyens d’aligner d’urgence les flux financiers sur les objectifs climatiques.
Vers une culture commune
Au cœur de ce programme se trouve un impératif unique : placer les citoyens au centre.
La transition verte n’est pas quelque chose que l’on doit imposer mais qui doit être construite avec les citoyens.
Nous réussirons si nous construisons la confiance, assurons l’équité et montrons que l’ambition climatique peut aller de pair avec des factures d’énergie plus basses, de meilleurs emplois et des communautés plus fortes.
L’Accord de Paris n’a jamais été une ligne d’arrivée. C’était un point de départ.
Teresa Ribera
Cela signifie également renforcer notre résilience face aux impacts climatiques, présents et à venir.
Nous devons instaurer une culture de préparation et de résilience intégrée dans tous les investissements et politiques futurs ; nous devons aussi prendre au sérieux le financement nécessaire pour soutenir les plus vulnérables dans les pays en développement.
L’Accord de Paris n’a jamais été une ligne d’arrivée.
C’était un point de départ, un accord vivant destiné à évoluer avec la science, la technologie et l’expérience vécue. Ce que nous faisons maintenant déterminera si nous transmettons une planète vivable et plus juste, ou une planète profondément instable.
L’Europe continue de croire que notre promesse de Paris est notre dette envers les générations futures et envers la planète ; qu’elle peut et doit rester notre objectif collectif.
Ne faisons pas marche arrière.