Samedi 13 septembre, Trump a publié un message sur Truth Social affirmant que les États-Unis étaient prêts à imposer de nouvelles sanctions contre la Russie, à condition que tous les alliés de l’OTAN cessent d’acheter du pétrole russe : « Je suis prêt à y aller quand vous l’êtes. Dites-moi simplement quand ».
- La Maison Blanche, notamment le secrétaire à l’Énergie Chris Wright, a élargi le périmètre à toute « l’énergie russe », mentionnant en particulier les importations hongroises et slovaques.
- Lors d’un appel avec les ministres des Finances des pays du G7 en fin de semaine dernière, le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le représentant au commerce Jamieson Greer ont insisté sur le fait que si les Européens souhaitaient mettre fin à la guerre en Ukraine, ils devraient rejoindre les États-Unis et imposer des sanctions aux pays qui achètent du pétrole russe, notamment l’Inde et la Chine 1.
- La dépendance des États membres aux hydrocarbures russes est en baisse depuis 2022 avec les importations européennes de gaz russe (GNL et via gazoduc) représentent aujourd’hui environ 9 % du total des achats du bloc, et celles de pétrole, 2 %.
En 2022, les pays du G7 avaient décidé de plafonner à 60 dollars le baril le prix auquel la Russie pouvait vendre son pétrole, et de sanctionner les acteurs qui achèteraient le pétrole de Poutine à un prix supérieur à ce plafond.
- Moscou vend aujourd’hui son pétrole autour de 60 dollars le baril 2 – ce qui est bien au-dessus du coût de production russe, qui s’élève en moyenne à 15 dollars le baril 3.
- Les Européens discutent depuis longtemps d’abaisser ce plafond à 45, voire à 40 dollars, mais il n’avait jamais été question jusqu’ici d’interdire complètement à la Russie de vendre son pétrole sur le marché mondial.
- La raison en est simple : cela aurait déséquilibré le marché mondial et provoqué une explosion des prix qui aurait pesé sur tous les pays non producteurs — dont l’Europe, mais aussi la plupart des pays du Sud, souvent sensibles à la propagande du Kremlin.
Pourquoi Donald Trump, si conciliant vis-à-vis de Poutine jusqu’à présent, veut-il maintenant obtenir avec une telle insistance un blocage complet et immédiat des exportations de pétrole russe ?
- La raison principale pourrait, comme souvent depuis son arrivée à la Maison Blanche, se trouver du côté de ses soutiens milliardaires américains : le niveau actuel du prix du pétrole sur le marché mondial est trop bas.
- Il ne permet plus de rentabiliser l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste américain, particulièrement coûteux à extraire, et le nombre des nouveaux puits mis en exploitation aux États-Unis s’effondre 4.
- En 2024, pour les producteurs américains, le coût de revient moyen était de 62 dollars le baril dans le bassin de Midland et de 64 dollars le baril dans le bassin de Delaware 5.
L’offensive de Trump sur le pétrole russe pourrait donc moins viser à faire pression sur Poutine qu’à obtenir une hausse substantielle du prix du pétrole sur le marché mondial, afin de relancer la production pétrolière américaine.
- En attendant, cela lui permet de justifier de ne rien faire contre la Russie pour aider l’Ukraine, tant que les Européens ne le suivent pas sur ce terrain risqué.
- Il accroît également la pression sur les Européens pour les obliger à s’aligner sur les États-Unis contre la Chine.
- Il sécurise enfin la hausse des exportations américaines vers l’Europe, promise à Turnberry pour remplacer le gaz et le pétrole russes qui continuent d’arriver dans l’Union (directement ou indirectement).
Sources
- Joint Statement from Secretary Bessent and Ambassador Greer on Emergency G7 Finance Call, 12 septembre 2025.
- Au mois d’août 2025, le prix moyen du brut Oural (la marque de référence pour la tarification des mélanges pétroliers d’exportation russes) s’est établi à 63,4 dollars le baril, en baisse de 2,3 % par rapport à juillet.
- EU oil ban and price cap are costing Russia EUR 160 mn/day, but further measures can multiply the impact, CREA, janvier 2023.
- Rebecca F. Elliott, U.S. Oil Companies Are ‘Battening Down the Hatches’, New York Times, 30 mai 2025.
- U.S. crude oil production rose by 2 % in 2024, EIA, 16 avril 2025.