Selon Karolina Gałecka, porte-parole du ministère de l’Intérieur polonais, qui a souligné dans une conférence de presse l’émotion de la population et justifié la procédure d’alerte lancée par son administration, des fragments de drones ont été identifiés dans dix zones du centre et de l’est du pays — jusqu’à Mniszków, pour le village le plus à l’Est.
- Au total, 19 drones auraient été détectés, selon l’annonce du Premier ministre Donald Tusk, et jusqu’à 23 selon les données de Rzeczpospolita.
- Hier, mercredi 10 septembre, les autorités polonaises ont temporairement fermé l’espace aérien de plusieurs aéroports, dont celui de Varsovie, entraînant d’importantes perturbations du trafic aérien à l’échelle du continent.
- Aujourd’hui, la Pologne a également annoncé fermer pour trois mois l’ensemble de l’espace aérien sur sa frontière orientale avec le Bélarus, d’où seraient venus certains des drones en question, et l’Ukraine.
- Il était déjà prévu que la Pologne ferme temporairement sa frontière terrestre avec le Bélarus du 11 au 16 septembre, en prévision des exercices militaires conjoints Zapad-2025, qui doivent débuter demain, vendredi 12.
Le Commandement opérationnel des Forces armées polonaises a publié hier, vers 5h30 du matin, l’annonce suivante : « À la suite de l’attaque lancée aujourd’hui par la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien, nous avons assisté à une violation sans précédent de l’espace aérien polonais par des objets de type drone. Il s’agit d’un acte d’agression, qui a créé une menace réelle pour la sécurité de nos concitoyens » 1.
La presse polonaise a aussitôt parlé de « drones russes » ou des « drones de Poutine », Donald Tusk évoquant quant à lui une « provocation de grande envergure » de la part de la Russie.
- Ce dernier a aussi saisi l’OTAN en vertu de l’article 4 du Traité de l’Atlantique Nord, qui prévoit des consultations entre alliés dès lors que survient une menace pour l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’un des États membres — un article auquel les alliés ont déjà eu recours le 24 février 2022, au début de l’invasion militaire russe de l’Ukraine.
- L’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, Matthew Whitaker, a écrit sur X : « Nous soutenons nos Alliés de l’OTAN face à ces violations aériennes et nous défendrons chaque centimètre du territoire de l’OTAN » 2.
- Selon les données du Spiegel et du Welt, au moins cinq de ces drones russes se dirigeaient vers la base de l’OTAN de Rzeszów.
Du côté de la Russie, les réactions officielles tiennent en peu de mots : garder le silence et, si besoin, nier. Le ministère de la Défense de la Fédération de Russie s’est contenté d’une publication laconique, soulignant l’impossibilité technique d’une telle incursion dans l’espace aérien polonais :
- « La nuit dernière, les Forces armées de la Fédération de Russie ont effectué des frappes massives à l’aide d’armes de haute précision et à grande portée, basées au sol, en mer et dans les airs, ainsi qu’à l’aide de dispositifs aériens sans pilote [la langue russe utilise volontiers cette expression technique qui s’abrège en BPLA, comme on parle en anglais de UAVs pour «unmanned aerial vehicles», ou en français de «drones» de combat]. Les cibles visées étaient des entreprises du complexe militaro-industriel ukrainien dans les régions de Ivano-Frankivsk, Khmelnytskyï et Jytomyr, ainsi que dans les villes de Vinnytsia et de Lviv [nous rétablissons l’orthographe ukrainienne de ces villes désignées en russe dans la publication du ministère] ».
- Les objectifs des frappes ont été atteints. Toutes les cibles désignées ont été détruites. Aucune cible n’avait été planifiée en territoire polonais. Les drones russes mobilisés dans le cadre de ces frappes, et qui auraient prétendument franchi la frontière polonaise, ont une portée maximale de 700 kilomètres » 3.
- Dans un second message, rapidement supprimé, le ministère a ajouté : « Ces données concrètes réduisent à néant tous les mythes propagés, une fois de plus, par les autorités polonaises, afin d’alimenter l’escalade de la crise ukrainienne » 4.
Contrairement à ce que semble vouloir affirmer le ministère de la Défense russe, il est fréquent que des drones russes « dévient » de leur trajectoire initiale ou bien « se perdent », parfois sur le territoire ukrainien mais également au Bélarus. Or, lorsque des incidents techniques de ce type se produisent, ils concernent généralement quelques drones, et non une vingtaine, comme c’est le cas ici pour ceux ayant atteint le territoire polonais.
- Le chargé d’affaires de la Fédération en Russie à Varsovie, Andreï Ordach, a décliné toute responsabilité de Moscou : « Nous considérons que toutes ces accusations sont parfaitement infondées. Aucune preuve de l’origine russe de ces drones n’a été produite », a-t-il déclaré.
- Doutant que la Pologne soit en mesure d’établir l’origine de ces drones, le diplomate a rappelé « l’expérience des précédents similaires », à commencer par l’incident de novembre 2022, lorsque deux personnes étaient décédées en Pologne suite à des chutes de débris de missiles, qui provenaient vraisemblablement de batteries de défense anti-aérienne ukrainienne S-300.
- Il conclut enfin sur une note aussi pessimiste qu’hypocrite : « La Russie n’a aucunement l’intention de favoriser une quelconque escalade de ses rapports avec la Pologne. Malheureusement, nous devons aussi tenir compte du fait que les autorités polonaises, dans leur fièvre russophobe, ont peu de chances de nous écouter » 5.
Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a souligné pour sa part que les autorités russes n’avaient reçu aucune demande de dialogue officiel de la part de leurs homologues en Pologne à propos de cet épisode.
- Il a ajouté : « La direction de l’Union européenne et de l’OTAN accusent quotidiennement la Russie de provocation, le plus souvent sans même prendre la peine d’avancer le moindre argument » 6.
- Le porte-parole de Vladimir Poutine s’est toutefois abstenu de tout commentaire sur l’incident lui-même, préférant renvoyer aux informations publiques fournies par le ministère de la Défense.
La classe politique russe a observé un silence aussi pesant que celui des autorités du pays.
- L’une des rares exceptions a été celle d’un ancien député de la Rada ukrainienne, Spiridon Kilinkarov — l’un des nombreux politiciens pro-russes à avoir quitté le pays après Maïdan.
- Sur la chaîne Rossija 1, il a déclaré à propos de l’incursion des drones qu’il s’agissait tout simplement d’une machination de la Pologne pour obtenir de l’argent de l’Union européenne : « Dans le contexte des événements survenus en Pologne, l’Union européenne va débourser 43,7 milliards d’euros pour la défense, des systèmes anti-aériens, l’artillerie, la cybersécurité. Je pense que quelque part, en douce, dans le gouvernement polonais, on a dû s’asseoir et déboucher le champagne en se disant : “Parfait, voilà une opération rondement menée !” » 7.
Enfin, la presse russe a même trouvé le moyen de s’inventer des alliés de poids à l’étranger, en la personne de Florian Philippot.
- L’agence de presse russe Ria Novosti a cru bon d’exhiber fièrement et de traduire la dernière publication sur X du leader du parti français des Patriotes 8, dans lequel on lisait : « Fausse affaire du brouillage GPS de l’avion d’Ursula en Bulgarie. Sur-réaction immédiate au sujet des “drones russes en Pologne” et accusations immédiates “d’actions offensives de la Russie contre l’OTAN”. L’eurocratie passe en mode hystérie guerrière pour attiser le climat de guerre contre la Russie, empêcher un accord de Paix et terroriser l’opinion publique ! ».
Il ne s’agit pas d’un commentaire isolé en France : si ses déclarations à l’Université d’été de la France insoumise ont été amplement commentées, en réponse aux propos d’Emmanuel Macron affirmant que « les Russes nous menacent », Jean-Luc Mélenchon répliquait : « Ah bon ? On ne sait pas où, on ne sait pas comment ».
- Selon un recensement réalisé par l’hebdomadaire allemand Die Zeit, près de 60 opérations de guerre hybride menées par les services secrets russes (GRU et FSB principalement) auraient touché l’Europe entre 2022 et fin 2024.
Sources
- Publication sur X de Dowództwo Operacyjne RSZ, 10 septembre 2025.
- Publication sur X de l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, 10 septembre 2025.
- Publication sur Telegram du ministère de la Défense russe, 10 septembre 2025.
- « МИД ответили на обвинения Туска из-за происшествия с дронами », RIA Novosti, 10 septembre 2025.
- « Польша не представила доказательств российского происхождения сбитых дронов », RIA Novosti, 10 septembre 2025.
- « Песков : Запад ежедневно бездоказательно обвиняет Россию в провокациях », RT, 10 septembre 2025.
- « Килинкаров : Польша использовала ситуацию с беспилотниками для получения денег ЕС », Vesti, 10 septembre 2025.
- « « Переходят в режим истерии ». Во Франции раскрыли план Запада против России », RIA Novosti, 11 septembre 2025.