Hier, dimanche 7 septembre, et ce pour la première fois depuis le retour de la démocratie en 1983, les 14 millions d’électeurs de la province de Buenos Aires étaient appelés aux urnes pour élire leurs représentants au Parlement provincial séparément des élections législatives nationales, qui auront lieu le 26 octobre.
- Le péronisme de Buenos Aires (47,3 %) a dépassé Libertad Avanza (33,7 %) de plus d’un million de voix.
- Ce résultat réduit la marge de manœuvre du gouvernement national, alors que celui-ci est déjà affaibli politiquement et que le contexte économique reste incertain.
Au cours d’un bref discours hier soir, dimanche, Javier Milei, nerveux et bégayant, a appelé à une « autocritique profonde afin de ne pas répéter les erreurs », tout en réaffirmant : « La voie pour laquelle nous avons été élus en 2023 ne sera pas abandonnée, mais au contraire renforcée. Nous continuerons à défendre bec et ongles l’équilibre budgétaire et le système de change ».
Le président argentin a ajouté : « Nous ne reculerons pas d’un pouce dans la politique du gouvernement — nous allons l’approfondir et l’accélérer davantage ».
- Le positionnement de Milei contribue à aggraver la crise politique de son gouvernement qui mêle de l’inexpérience économique et les soupçons récurrents de corruption de la part de ses proches, comme sa sœur, Karina Milei, qui occupe le poste de Secrétaire générale de la présidence.
Le gouverneur de la province de Buenos Aires, Axel Kicillof, a décidé de séparer les élections régionales de celles législatives, qui auront lieu fin octobre, afin de soumettre son mandat à un référendum. Ce pari lui a très bien réussi, et le résultat d’hier le positionne désormais comme le principal leader de l’opposition en vue de la présidentielle de 2027.
- 46 députés régionaux (sur un total de 89) et 23 sénateurs (sur un total de 46) ont été élus, et la moitié des conseillers municipaux des 135 communes ont été renouvelés.
- Mais l’élection était plutôt un test politique qui mettait à l’épreuve, d’une part, la force du gouverneur péroniste — et son éventuelle projection nationale — et, d’autre part, le soutien au gouvernement national de Milei, qui s’est personnellement engagé dans la campagne sur le terrain avec le slogan : « Plus jamais le kirchnérisme ».
Cinq principales leçons peuvent être tirées des résultats du scrutin d’hier, alors que les élections législatives nationales sont prévues le 26 octobre. La moitié de la Chambre des députés et un tiers du Sénat seront renouvelés.
1 – Une abstention moins importante que prévue
- Bien qu’il soit inférieur au record historique de participation aux élections de mi-mandat (77,46 %), 63 % des électeurs inscrits ont voté hier, soit un chiffre bien supérieur à celui enregistré lors de la plupart des élections régionales cette année — et aux estimations de participation des instituts de sondage.
- La mobilisation du vote péroniste, sous le slogan « Freiner Milei », a été efficace, tandis que les électeurs les plus proches du gouvernement ont été moins nombreux à se rendre aux urnes.
2 – L’unité du péronisme
- Ce résultat peut également s’expliquer par l’unité de toutes les factions internes du péronisme, qui se sont accordées sur une liste d’unité sous l’alliance politique Fuerza Patria, malgré les divergences entre le gouverneur Kicillof et l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner.
- En outre, l’élan des maires péronistes ayant obtenu de bons résultats au niveau local a été déterminant pour fidéliser les électeurs peu enclins à se déplacer.
3 – Une tempête économique ?
- Il faudra voir comment les marchés réagissent à ce revers majeur du gouvernement libertarien. Le prix du dollar, le risque pays et le taux d’inflation seront quelques-unes des variables à surveiller attentivement à partir d’aujourd’hui.
- La principale inconnue, bien que le ministre de l’Économie l’ait confirmé hier soir, est de savoir si le régime de change actuellement en vigueur sera maintenu.
- Il reste sept semaines avant les élections législatives nationales. Le gouvernement prendrait ainsi un risque important en décidant de ne dialoguer avec l’opposition.
4 – Un avertissement à la classe politique
- Depuis son élection à la tête du pays en 2023, Javier Milei gouverne avec une minorité au Congrès. L’une des grandes erreurs commises est de sous-estimer les accords avec ce qu’il appelle la « caste ». Sa stratégie isolationniste le rend de plus en plus impuissant dans ses tentatives de faire avancer toute initiative législative.
- À cet égard, la plupart des gouverneurs, dont beaucoup sont des alliés tactiques, ont exprimé hier soir leur inquiétude. Dans un message commun publié sur X, plusieurs gouverneurs ont insisté sur le fait que « les élections provinciales constituent un signal d’alarme clair auquel le gouvernement national doit prêter attention. Sans gestion, il n’y a pas d’avenir ».
- Ils ajoutent : « Les Argentins veulent grandir et voir leur pays se développer en toute sécurité et en paix. Mais les familles n’arrivent pas à joindre les deux bouts, et les discours de confrontation et de division ne résolvent pas les problèmes ».
5 – La naissance d’un candidat à la présidence ?
- Le gouverneur péroniste de la plus grande province du pays, Axel Kicillof, a certainement été le grand gagnant de l’élection d’hier.
- Il en est ressorti renforcé, avec le soutien d’environ la moitié des électeurs, et il est désormais en mesure de devenir le candidat à la présidence qui rassemblera l’alternative à Milei.
- Libéré de la tutelle politique de l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner, Kicillof a désormais pour défi de construire cette option électorale, en tandem avec une partie des gouverneurs qui se sentent aujourd’hui lésés par les politiques du président.