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Gerard Daniel Cohen, Good Jews. Philosemitism in Europe since the Holocaust, Cambridge University Press
« La Shoah est aujourd’hui largement reconnue comme un événement central du XXe siècle en Europe. Mais comment le génocide des Juifs a-t-il influencé l’attitude des Européens envers les Juifs, le judaïsme et la judéité après 1945 ?

Alors que de nombreux ouvrages traitent de l’antisémitisme, Good Jews propose une analyse du philosémitisme, défini comme une « politique d’amitié » post-Holocauste. G. Daniel Cohen présente une exploration critique des langages du philosémitisme dans la politique et la culture européennes dominantes de 1945 à nos jours, en mettant particulièrement l’accent sur l’Allemagne et la France.
Dans ce cadre, il explore la façon dont la « question juive », ou le problème de la différence juive et de l’intégration des Juifs dans les pays occidentaux pendant les décennies d’après-guerre, a été mise en avant de manière distinctive dans le langage du philosémitisme.
Good Jews démontre que le philosémitisme en Europe n’est pas une histoire d’amour idéalisée, mais le reflet des attitudes européennes envers les Juifs depuis l’Holocauste jusqu’à nos jours. »
Paru le 7 août
Daniel Gunnar Kressel, Hispanic Technocracy. From Fascism to Catholic Authoritarianism in Spain, Argentina, and Chile, 1945–1991, Cambridge University Press

« Hispanic Technocracy explore l’émergence, l’apogée et le déclin d’une école de pensée post-fasciste qui s’est matérialisée en tant qu’idéologie d’État pendant la guerre froide sous trois régimes militaires : l’Espagne de Francisco Franco (1939-1975), l’Argentine de Juan Carlos Onganía (1966-1973) et le Chili d’Augusto Pinochet (1973-1988).
Dans cette histoire intellectuelle et culturelle, Daniel Gunnar Kressel examine la manière dont l’Espagne franquiste a précocement remplacé son idéologie fasciste par un modèle économique néolibéral. Appuyée par l’Opus Dei, dans le contexte du « miracle économique » des années 1960, elle a favorisé l’émergence d’une modernité « européenne dans les moyens » et « hispanique dans les fins ».
Il met en lumière la manière dont un réseau transatlantique d’idéologues a ensuite promu ce modèle en Amérique latine, le présentant sous les traits d’un État autoritaire adapté à leur processus de modernisation.
Il montre enfin comment les idéologues argentins et chiliens ont adapté la boîte à outils idéologique franquiste à leur situation politique, dépassant ainsi le modèle original. »
Paru le 14 août
Heinrich Meier, Leo Strauss. Zur Sache der Politischen Philosophie, C.H. Beck

« Parmi les grands philosophes du XXe siècle, Leo Strauss occupe une place à part. Il a introduit la notion de philosophie politique dans la philosophie et l’a refondée dans une œuvre qui a eu une influence considérable et un rayonnement mondial.
La philosophie politique dont traite Leo Strauss désigne le tournant de la philosophie vers les questions politiques ou humaines dans leur ensemble et le retour de la philosophie sur elle-même, sur ses prémisses et les conditions de son existence.
Ce dont il est question ici n’est rien de moins que la justification rationnelle et la défense politique de la vie philosophique.
Chaque chapitre de cet essai se concentre sur un écrit remarquable de Strauss, qui est examiné dans son ensemble. Le redécouvreur de « l’art d’écrire » dont se sont servis les philosophes politiques du passé apparaît ainsi lui-même comme un maître de cet art. »
Parution le 21 août
Faisal Devji, Waning Crescent. The Rise and Fall of Global Islam, Yale University Press

« Jusqu’au XIXe siècle, l’islam était appréhendé comme un ensemble de croyances et de pratiques.
Mais après que les musulmans ont commencé à considérer leur foi comme un acteur historique sur la scène mondiale, ils ont eu besoin de raconter à nouveau la naissance de l’islam et d’imaginer sa mort possible. Faisal Devji soutient que ce changement, déclenché par la crise de la souveraineté musulmane à l’époque des impérialismes européens, a permis de réfléchir à la notion d’action dans un contexte mondial : un islam libéré de l’autorité des souverains et des religieux avait le potentiel de représenter l’humanité elle-même comme une nouvelle réalité empirique.
Les musulmans ordinaires, désormais reconnus comme les représentants privilégiés de l’islam, ont été libérés des formes traditionnelles d’autorité islamique. Mais leur conception de l’islam comme agent impersonnel de l’histoire signifiait qu’il ne pouvait être défini en termes religieux ou politiques. Son existence en tant que sujet civilisationnel, puis idéologique, a également privé des figures telles que Dieu et le Prophète de leur subjectivité théologique et a ôté à la communauté musulmane son pouvoir d’action politique. Devji met en lumière cette histoire et explore ses ramifications pour le monde musulman contemporain. »
Parution le 26 août
Dan Wang, Breakneck : China’s Quest to Engineer the Future, W. W. Norton & Company

« Depuis près d’une décennie, l’analyste des nouvelles technologies Dan Wang, « observateur talentueux de la Chine contemporaine » (Ross Douthat), vit au cœur des progrès étonnants et chaotiques du pays. Les ponts imposants, les voies ferrées rutilantes et les usines tentaculaires de la Chine ont amélioré ses résultats économiques en un temps record. Mais ces changements rapides ont également provoqué des remous douloureux dans toute la société. Cette réalité — répression politique et croissance spectaculaire — n’est pas un paradoxe, mais plutôt une caractéristique de la mentalité chinoise en matière d’ingénierie.
Dans Breakneck, Dan Wang mêle analyse politique, économique et philosophique à des enquêtes pour révéler un nouveau cadre permettant de comprendre la Chine, qui nous aide également à voir plus clairement les États-Unis. Alors que la Chine est un État ingénieur poursuivant sans relâche des mégaprojets, les États-Unis sont au point mort. L’Amérique s’est transformée en une société de juristes qui bloque tout par réflexe, le bon comme le mauvais.
Alliant une analyse acérée à une narration immersive, Wang dresse un portrait saisissant d’une nation en pleine mutation. Breakneck traverse des métropoles telles que Shanghai, Chongqing et Shenzhen, où l’État ingénieur a créé non seulement des infrastructures éblouissantes, mais aussi un sentiment d’optimisme. Le livre expose également les dérives de l’ingénierie sociale, notamment la surveillance des minorités ethniques, la répression politique et les traumatismes liés à la politique de l’enfant unique et à la stratégie « zéro Covid ».
À une époque marquée par l’animosité et la méfiance, Dan Wang dévoile aussi les similitudes choquantes entre les États-Unis et la Chine. Breakneck révèle comment chaque pays peut montrer la voie à l’autre : les citoyens chinois seraient mieux lotis si leur gouvernement apprenait à valoriser les libertés individuelles, tandis que les Américains le seraient si leur gouvernement apprenait à embrasser l’ingénierie et à produire de meilleurs résultats pour le plus grand nombre, et non pour une minorité. »
Parution le 26 août
Kerry Goettlich, From Frontiers to Borders : How Colonial Technicians Created Modern Territoriality, Cambridge University Press

« Comment la ‘territorialité’ moderne est-elle apparue et quelles en sont les conséquences ?
Cet ouvrage examine ces questions fondamentales dans une perspective mondiale unique. Kerry Goettlich soutient que les frontières linéaires sont le produit de rencontres coloniales particulières, plutôt que d’être essentiellement une pratique intra-européenne imposée artificiellement aux régions colonisées.
Il reconceptualise la territorialité moderne comme un phénomène distinct de la souveraineté et de l’État, fondé sur des pratiques et des expertises de délimitation et de démarcation.
S’appuyant sur des sources primaires et secondaires, From Frontiers to Borders examine la façon dont cette expertise de démarcation frontalière a émergé dans les colonies de peuplement en Amérique du Nord et en Inde britannique, des cas qui mettent en lumière différents types de domination et d’influence coloniales.
Il explore également certaines des conséquences de la mondialisation de la territorialité moderne, en exposant les origines coloniales des études sur les frontières et l’impact des experts en matière de frontières sur la Conférence de paix de Paris de 1919-1920. »
Parution le 30 août
Roberto Esposito, Il fascismo e noi. Un’interpretazione filosofica, Einaudi

« Au cœur du XXe siècle, la vague noire du nazisme et du fascisme a failli submerger toute la société européenne. Et elle ne s’est pas encore complètement retirée.
La lutte contre elle reste incertaine car ses langages, ses images, ses pulsions nous interpellent directement. Elles ne concernent pas seulement « eux », les fascistes, mais aussi « nous ». Ce n’est qu’en reconnaissant sa latence inquiétante dans notre expérience, au lieu de nous bercer d’illusions en essayant de l’exorciser par des rituels éculés, que nous pourrons espérer démanteler sa machine métaphysique.
Même sous une forme aberrante, le fascisme a défié la tradition philosophique européenne sur son propre terrain, renversant le sens de l’existence humaine, de la vie et de la mort. C’est donc avant tout sur ce terrain qu’il faut lui répondre, avant même d’aborder le terrain politique.
À partir d’une confrontation avec certains des plus grands représentants de la pensée, de la psychanalyse et de la littérature, de Bataille à Lévinas, de Freud à Schmitt, de Pasolini à Littell, cet ouvrage propose une interprétation philosophique de l’événement historique le plus tragique de l’époque contemporaine. »
Parution le 2 septembre
Alessandro Aresu, La Cina ha vinto, Feltrinelli

« L’Occident est obsédé par la Chine, mais il la regarde souvent avec myopie ou selon des schémas interprétatifs inadéquats.
Alessandro Aresu relit le défi chinois non pas comme un affrontement idéologique entre démocratie et autoritarisme, mais comme un conflit systémique entre modèles de puissance.
La Cina ha vinto n’est pas une affirmation rhétorique, mais une provocation méthodique : pour comprendre où nous allons, il faut déchiffrer la pensée stratégique chinoise, ses origines historiques, sa logique industrielle, ses instruments d’influence mondiale, ses contradictions. Alessandro Aresu nous montre les trajectoires de la technopolitique de Pékin, en retraçant les transformations des relations entre le Parti, le capital, le savoir technique et les ambitions mondiales.
Des racines confucéennes à l’intelligence artificielle, de l’énorme avantage en matière de talents à la supériorité productive, Alessandro Aresu nous livre un tableau qui va au-delà du discours dominant sur « l’empire du contrôle ». C’est l’histoire d’un pouvoir politique curieux de son adversaire et conscient de sa propre force.
Dans ces pages, le lecteur est invité à réfléchir au monde dans lequel nous nous préparons à vivre : un monde où la victoire ou la défaite de l’Occident ne dépendra pas seulement de la Chine, mais aussi de notre capacité à la comprendre, sans illusions ni hypocrisie. »
Parution le 2 septembre
Didier Fassin, Leçons de ténèbres. Ce que la violence dit du monde, La Découverte

« La violence hante le monde. Des homicides aux génocides, des abus sexuels aux guerres civiles, des répressions de protestations aux persécutions de minorités, des mouvements citoyens qui la dénoncent aux silences institutionnels qui l’occultent, elle est partie intégrante de la vie en société et de l’expérience humaine. Présente dans le discours politique et la production artistique, dans l’espace public et les réseaux sociaux, elle ne cesse d’être questionnée, contestée, redéfinie, par la loi et le droit comme par les mobilisations sociales et le discours savant, dévoilant ses multiples dimensions, symbolique et structurelle, morale et psychique, de genre et d’État.
Paradoxalement, toutefois, les sciences sociales n’ont commencé à l’analyser que tardivement. Inversement, les mythes et récits de ses origines ont sans cesse été réactualisés à des fins idéologiques, tandis que la psychanalyse, l’éthologie et la philosophie politique l’exploraient dans diverses perspectives généalogiques.
Mais la violence n’est pas seulement un objet d’étude, elle est aussi une matière vivante dont s’emparent écrivains et cinéastes, juristes et témoins, militaires et militants. Son écriture et ses représentations interrogent les manières de la qualifier et de l’attester, la possibilité de la refuser ou au contraire de la défendre.
En étudiant ses formes, il s’agit d’appréhender ce que le monde dit de la violence et ce que la violence fait au monde. »
Parution le 4 septembre
Christopher Clark, A Scandal in Königsberg, Allen Lane

« Aujourd’hui partie intégrante de l’enclave russe de Kaliningrad, sur la Baltique, l’ancienne ville portuaire prussienne et allemande de Königsberg a toujours été un endroit quelque peu endormi, condamné à être célèbre pour avoir été autrefois la résidence d’Emmanuel Kant.
Mais à la fin des années 1830, pendant une courte période, elle a fait parler d’elle pour de mauvaises raisons.
Des accusations sensationnelles sont lancées, laissant entendre que sous la surface endormie de la ville se cacheraient de sombres courants érotiques et des trahisons déchirantes.
Pour les autorités prussiennes, c’est exactement le genre d’effondrement moral qu’elles redoutaient. Au lendemain des guerres révolutionnaires et napoléoniennes, qui avaient bouleversé toute une génération, chaque écart pouvait être considéré comme le signe avant-coureur de nouvelles tempêtes.
A Scandal in Königsberg fait revivre une époque et un lieu que nous situerions aujourd’hui dans les années tranquilles du « Biedermeier », entre les bouleversements sismiques des années 1810 et 1840.
Mais ce petit tourbillon dans lequel la soif spirituelle, la vanité, la rivalité professionnelle, l’incontinence sexuelle, la naïveté et le caprice humain menaçaient de déchirer une ville, a quelque chose d’intemporel. ».
Parution le 4 septembre
Juan Sebastián Carbonell, Un taylorisme augmenté. Critique de l’intelligence artificielle, Amsterdam

« Depuis une décennie, entreprises, gouvernements et médias ne ménagent pas leurs efforts pour vendre le rêve d’une révolution numérique. La refuser serait passer à côté de la marche inéluctable de l’histoire.
D’autres, à l’inverse, s’inquiètent d’une prise de pouvoir par les machines qui aura raison de nos emplois et de nos libertés.
De discours apologétiques en prophéties apocalyptiques, on en oublierait que le changement technologique ne s’impose pas à la manière d’une fatalité naturelle.
Voulu, encadré et construit, il est par essence politique.
Au lieu de se laisser aveugler par l’apparente nouveauté de l’intelligence artificielle, il faut la replacer dans l’histoire longue de l’organisation du travail. Elle prolonge et intensifie la logique tayloriste née dans les usines Ford : le travail est décomposé en une série de tâches, la conception séparée de l’exécution. Le déploiement du management algorithmique a pour principal but d’accentuer le contrôle de la main-d’œuvre, et sa déqualification.
Résister à l’emprise des machines, comme l’ont fait les luddites il y a deux siècles, ce n’est donc pas rejeter le progrès mais s’attaquer aux intérêts du patronat. »
Parution le 5 septembre
Tim Berners-Lee, This Is for Everyone : The Unfinished Story of the World Wide Web, Farrar, Straus and Giroux

« Peut-être l’inventeur le plus influent du monde moderne, Sir Tim Berners-Lee est un technologue d’un genre particulier. Né la même année que Bill Gates et Steve Jobs, il demeure célèbre pour avoir diffusé son invention, le World Wide Web, sans aucune contrepartie commerciale.
Son adoption généralisée a tout changé, transformant l’humanité en première espèce numérique. Nous vivons, travaillons, rêvons, nous disputons et nous connectons grâce au web.
Dans ces Mémoires intimes, Berners-Lee raconte l’histoire de son invention emblématique, explorant la façon dont elle a inauguré une nouvelle ère de créativité et de collaboration tout en libérant des forces puissantes qui mettent en péril la vérité et la vie privée et polarisent le débat public.
Avec l’humour et la franchise qui le caractérisent, il raconte comment il est arrivé au CERN, le laboratoire européen de physique des particules, en tant que jeune ingénieur et comment il a rapidement eu l’idée étonnante d’ajouter des hyperliens à l’Internet alors naissant. Son objectif était de libérer une vague de créativité et de collaboration au profit de tous, un objectif qu’il poursuit encore aujourd’hui.
Parsemé d’anecdotes riches et de réflexions amusantes, This Is for Everyone est le récit de l’essor du monde numérique.
Alors que le développement rapide de l’IA apporte de nouveaux risques et de nouvelles possibilités, Berners-Lee offre également un guide essentiel pour les décisions à venir et montre comment nos vies numériques peuvent être repensées pour le bien de l’humanité plutôt que pour le profit ou le pouvoir. »
Parution le 9 septembre
Carlos Granés, El rugido de nuestro tiempo. Batallas culturales, trifulcas políticas, Taurus

« Avec la perte de l’horizon commun que nous appelions réalité, de nouveaux défis et malaises apparaissent dans le monde contemporain.
Les dirigeants politiques, qui devraient être des acteurs rationnels et exercer leurs responsabilités publiques, sont devenus des fauteurs de troubles s’appuyant sur les instincts les plus bas.
Pendant ce temps, les artistes se rallient aux bonnes causes et sacrifient la liberté et la transgression pour se conformer aux exigences morales du présent. Retranchés dans des versions de plus en plus déformées de la réalité, les personnalités politiques se lancent dans des batailles culturelles qui fidélisent leurs partisans, les blindant contre toute critique.
En Amérique latine, une nouvelle génération de leaders messianiques veut changer l’histoire de son pays ou revenir à un âge d’or perdu. En Espagne, le débat décolonial et la nostalgie panhispaniste s’enflamment et, tandis que certains rêvent d’une Amérique solitaire, protégée de la modernité occidentale, d’autres aspirent à une union civilisationnelle entre les deux rives de l’Atlantique qui s’émanciperait de l’Occident mondialisé.
Dans ce désordre idéologique et géopolitique, nous ne savons plus quelle est la place des pays hispaniques dans le monde. Nous entendons des rugissements, nous assistons à des performances politiques, nous sentons la colère dans l’air.
Mais c’est notre époque, et il faut essayer de la comprendre. »
Parution le 10 septembre
Franz-Stefan Gady, How the United States Would Fight China. The Risks of Pursuing a Rapid Victory, Hurst

« Cet ouvrage analyse avec précision la manière dont les États-Unis envisagent de combattre la République populaire de Chine et les raisons pour lesquelles ils risquent d’échouer.
Franz-Stefan Gady soutient que l’approche militaire américaine face à un conflit potentiel autour de Taïwan a peu de chances d’aboutir, car elle repose largement sur une supériorité rapide en matière d’information et sur une victoire décisive.
Cela pourrait en fait accroître le risque d’escalade nucléaire entre les deux seules superpuissances mondiales.
Le scénario le plus probable est une guerre d’usure prolongée sur terre, sur mer, dans les airs, dans l’espace et dans le cyberespace. La société, les forces armées et la capacité industrielle américaines sont mal préparées à cela — une lacune qui découle d’une culture militaire privilégiant la technologie de pointe au détriment de la masse, et d’un manque de volonté publique ou politique pour les sacrifices qu’un tel conflit exigerait.
Les recherches et analyses approfondies de Gady, basées sur la doctrine militaire des États-Unis, la structure des forces armées et les « méthodes de guerre » générales, révèlent les risques importants pour Washington dans un conflit potentiel avec la Chine, que ce soit dans les années 2020 ou 2030. »
Parution le 11 septembre
Germano Maifreda, Sono una strega. Confessioni del sabba nel passato europeo, Einaudi

« Pourquoi, dans le passé lointain de l’Europe, des personnes de toutes les classes sociales s’accusaient régulièrement de péchés aussi graves qu’invraisemblables, parmi lesquels le vol nocturne lors du sabbat des sorcières et le pacte avec le diable.
Ce livre raconte l’histoire de femmes et d’hommes européens qui, à la frontière incertaine entre le Moyen Âge et l’époque moderne, ont affirmé, sans subir de pression, avoir volé et participé à un sabbat diabolique.
En dehors de tout procès pénal, sans contrainte ni autre forme de torture physique ou psychologique, ces personnes ont révélé à leurs confesseurs avoir rencontré le diable, conclu des pactes avec lui et eu des relations sexuelles avec des démons, tirant de tout cela des pouvoirs et des émotions inhabituels et conspirant contre Dieu et l’humanité.
En enquêtant dans les archives vaticanes de la Pénitencerie apostolique, Germano Maifreda renverse le paradigme historiographique selon lequel le sabbat était principalement une création intellectuelle imposée au peuple lors de sanglantes chasses aux sorcières.
La confession des péchés a joué un rôle central dans la légitimation « par le bas » des fausses croyances, refondant — avec certaines spécificités chez les femmes — la subjectivité occidentale. »
Parution le 16 septembre
Carl Benedikt Frey, How Progress Ends : Technology, Innovation, and the Fate of Nations, Princeton University Press

« Dans How Progress Ends, Carl Benedikt Frey remet en question la croyance conventionnelle selon laquelle le progrès économique et technologique serait inévitable.
Pendant la majeure partie de l’histoire humaine, la stagnation a été la norme. Même aujourd’hui le progrès et la prospérité dans les économies les plus grandes et les plus avancées du monde, à savoir les États-Unis et la Chine, sont en deçà des attentes. Pour comprendre pourquoi nous ne pouvons pas compter sur un grand bond en avant alimenté par l’IA, Carl Benedikt Frey propose un voyage à travers le monde, couvrant les mille dernières années, afin d’expliquer pourquoi certaines sociétés prospèrent et d’autres échouent à la suite de changements technologiques rapides.
En examinant des moments historiques clefs, de l’avènement de la machine à vapeur à l’aube de l’IA, il montre pourquoi les changements technologiques ont façonné, et parfois déstabilisé, des civilisations entières.
Il explore les raisons pour lesquelles certaines puissances technologiques de premier plan du passé, telles que la Chine des Song, la République des Provinces-Unies et la Grande-Bretagne victorienne, ont finalement perdu leur avantage, pourquoi certaines nations modernes comme le Japon ont connu des périodes de croissance rapide suivies de stagnation et pourquoi des économies planifiées comme l’Union soviétique se sont effondrées après de brèves poussées de progrès.
Il met au jour une tension récurrente dans l’histoire : si la décentralisation favorise l’exploration de nouvelles technologies, la bureaucratie est essentielle pour les développer à grande échelle. Lorsque les institutions ne parviennent pas à s’adapter aux changements technologiques, la stagnation s’ensuit inévitablement.
Ce n’est qu’en trouvant un équilibre délicat entre décentralisation et bureaucratie que les nations peuvent innover et croître à long terme, une conclusion qui a des implications inquiétantes pour les États-Unis, l’Europe, la Chine et d’autres économies actuelles. »
Parution le 16 septembre
Grit Straßenberger, Die Denkerin. Hannah Arendt und ihr Jahrhundert. Eine Biographie, C. H. Beck

« Hannah Arendt est la penseuse du XXe siècle.
Ses écrits, tout comme sa vie, reflètent les bouleversements profonds de cette époque : l’ascension et la chute des régimes totalitaires, l’expérience de l’exil et de l’altérité, mais aussi les nouveaux départs porteurs d’espoir ont marqué toute sa pensée. Mais Arendt ne voulait pas seulement rapporter et témoigner, elle voulait comprendre. Comme nulle autre, elle a su comprendre — et vivre — les ruptures radicales, les expériences de perte existentielle et les opportunités inespérées du XXe siècle.
Grit Straßenberger présente une image nouvelle et vivante de cette penseuse extraordinaire.
En mettant l’accent sur les souvenirs et les anecdotes racontés par ses amis, collègues et élèves, nous découvrons la personne qui se cache derrière la philosophe.
Bien que profondément méfiante à l’égard du rôle des intellectuels, elle est devenue une intellectuelle de renommée mondiale. Sa pensée était dérangeante et obstinée, elle se heurtait à tout, mais elle était tout sauf une solitaire : la liste des connaissances d’Arendt se lit comme le « Who’s Who » de l’histoire intellectuelle occidentale du XXe siècle.
Arendt a mené sa vie centenaire comme une « virtuose de l’amitié », pour qui les relations interpersonnelles étaient indispensables à la réflexion. »
Parution le 18 septembre
Nathanaël Wallenhorst, 2049. Ce que le climat va faire à l’Europe, Seuil

« À quoi ressemblerait notre vie quotidienne, en 2049, sur une Terre qui franchirait les principaux points de basculement ?
Fort de savoirs sans cesse actualisés, Nathanaël Wallenhorst anticipe d’une façon très concrète ce que pourrait être 2049 côtés écosystème, climat et société.
Aurons-nous toujours des saisons en 2049 ? De quoi sera faite notre alimentation ? Quels seront nos loisirs ? Climat, eau, santé et migrations, l’auteur raconte notre quotidien dans ce futur proche si rien ne change.
Dessinant ainsi la trajectoire de nos sociétés, l’auteur révèle ce que seront nos conditions d’existence dans vingt-cinq ans. Alors, comment aimerons-nous ? Comment travaillerons-nous ? Comment vivrons-nous ensemble à Thessalonique, en Laponie ou à Rennes ? C’est à toutes ces questions que sont apportées des réponses.
Démonstration solide, l’ouvrage dresse un constat clair et détaillé de ce que serait l’habitabilité humaine dans les décennies à venir, si nous n’agissons pas aujourd’hui. »
Parution le 19 septembre
Nastasia Hadjadji et Olivier Tesquet, Apocalypse Nerds, Divergences

« Quelque chose a basculé.
Donald Trump a repris la Maison Blanche, mais dans son sillage, d’autres figures ont pris place.
Et si la Silicon Valley, longtemps perçue comme un bastion progressiste, était devenue le laboratoire d’une révolution autoritaire à l’échelle planétaire ? Nourris par d’obscurs penseurs étourdis de rêves fascistes ou monarchiques, des milliardaires de la tech appellent à la mort de l’État-nation et prophétisent la fin des démocraties libérales.
Leur horizon politique : la sécession.
Car la fin d’un monde, c’est surtout le commencement du leur.
L’objectif de ces nerds de l’Apocalypse ? Imposer leur vision d’un futur privatisé, exclusif, fait d’enclaves libertariennes dirigées comme des entreprises.
Bienvenue dans le Moyen-Âge du futur. »
Parution le 19 septembre
Thea Riofrancos, Extraction. The Frontiers of Green Capitalism, W. W. Norton & Company

« Après avoir passé plus de dix ans à étudier les secteurs minier et pétrolier en Amérique latine, Thea Riofrancos est aujourd’hui une voix influente dans le domaine de l’étude de l’extraction des ressources.
Dans Extraction, elle s’appuie sur un travail de terrain novateur consacré à la course mondiale au lithium. Emmenant ses lecteurs des salines vertigineuses du désert d’Atacama au Chili aux magnifiques montagnes de Silver Peak dans le Nevada, en passant par les collines vallonnées de la région de Barroso au Portugal, elle révèle les coûts sociaux et environnementaux des « minéraux critiques ».
À Washington et à Bruxelles, elle suit l’escalade géopolitique des chaînes d’approvisionnement en technologies vertes. Elle enquête également sur les nouveaux paradigmes politiques des pays du Sud, où les gouvernements cherchent à tirer parti des ressources minérales pour relancer le développement.
Ce faisant, elle met au jour des continuités historiques surprenantes, de la conquête coloniale à la crise énergétique des années 1970 — jusqu’à notre avenir vert encore incertain.
Alors que l’exploitation minière non réglementée pourrait causer des dommages irréversibles, elle propose des solutions optimistes pour transformer la gouvernance minière tout en réduisant le volume mondial d’extraction.
Appel à l’action rigoureux mais aussi plein d’espoir, Extraction explique comment il est possible d’harmoniser les objectifs climatiques et la justice sociale et de mettre la planète sur la voie de la prospérité écologique. »
Parution le 23 septembre
Jean Vioulac, Philosophie de la catastrophe. L’esprit du nihilisme et son destin, PUF

« Le questionnement philosophique naît depuis Platon de l’embarras.
Une pensée qui aujourd’hui ne se préoccuperait pas de la catastrophe en cours ne ferait que manifester son insignifiance.
La nouveauté de l’événement déconcerte la philosophie qui doit réagir en proposant de mettre au jour les fondements de ses théories et les processus réels de l’Histoire. Une logique de soumission est à l’œuvre dès la Grèce ancienne.
L’auteur interroge les ressorts de la soumission totale à l’hégémonie du Capital.
Dans le consentement à l’automatisation s’assouvit l’archaïque désir de retour à l’inanimé : la pulsion de mort. »
Parution le 24 septembre
Retrouver les écrits de Jean Vioulac sur le Grand Continent
Rencontrer Jean Vioulac lors de notre mardi de rentrée : « Ce n’est pas la fin du monde »
Françoise Mélonio, Tocqueville, Gallimard, « Biographies »

« Il est le plus profond penseur de la démocratie, l’observateur le plus aigu de la société américaine et l’interprète indépassable de la transition inachevée en France des temps aristocratiques à l’ère démocratique.
L’œuvre de Tocqueville échappe à l’organisation ordinaire de nos savoirs. Elle est, autre singularité, inséparable de sa situation personnelle, familiale, historique. L’une se lit dans l’autre. La Démocratie en Amérique, L’Ancien Régime et la Révolution, les Souvenirs sur la IIe République, comme son immense correspondance avec les grands esprits de son époque mobilisent la puissance de sa pensée au service de l’action politique. Né sous le Premier Empire, mort sous le Second, il ne cesse, dès sa jeunesse, de sonder les bienfaits et les pathologies d’une démocratie qu’il sait inévitable.
Cette biographie est la première à nouer le lien intime entre l’homme privé et l’acteur politique, son enracinement aristocratique et son consentement à la démocratie, une sensibilité romantique et une intelligence théorique des passions humaines, mœurs et lois mêlées. Elle reconstitue l’unité d’une vie sans cesse agitée par les résurgences révolutionnaires, les menaces d’un individualisme délétère et la hantise du déclin de la France auquel il imagine, un moment, trouver le remède dans la colonisation.
On découvre, au fil des pages, un homme attachant, attentif à ses compatriotes normands, fidèle à ses amis, amoureux infidèle de sa femme, rebelle à toute espèce de dogmatisme, mélancolique mais jamais désespéré… Et, pour finir, un des maîtres de la prose française. »
Parution le 25 septembre
Karine Sitcharn, Gouverner la jeunesse. De Gaulle et l’ambition impériale (1954-1974 Antilles – Algérie – France), Gallimard

« En confrontant les témoignages de soldats originaires des Antilles et des Vosges, l’historienne guadeloupéenne Karine Sitcharn présente une vision inédite de la guerre d’Algérie : un conflit qui façonne la politisation et la construction identitaire des appelés.
Au même moment, le général de Gaulle, en définissant ce qu’est un Français, décide des territoires qui resteront dans le giron national et de ceux qui seront décolonisés, par déficit de « francité ». Face à l’hégémonisme américain et soviétique, le Général entend porter haut la voix de la France dans le monde.
Munie d’une autorisation exceptionnelle, l’autrice, qui a dépouillé les archives tamponnées « très secret » de Jacques Foccart sur l’outre-mer, nous plonge au cœur d’une raison d’État résolue à préserver la puissance française.
En ces années 1950-1970, un espace mondialisé s’ouvre aux mouvements sociaux : paysans, ouvriers, étudiants occupent ainsi le devant de la scène sociale et politique. Mai 1967 en Guadeloupe, mai 1968 en France sont les porte-drapeaux de ces « luttes et de ces rêves ».
Par l’enquête et le témoignage, à hauteur de femmes et d’hommes, l’autrice dévoile de véritables échappées belles dans les rapports de domination. »
Parution le 25 septembre
Pierre Charbonnier, La coalition climat, Seuil

« Les politiques climatiques se trouvent dans une situation paradoxale : en dépit du consensus scientifique, de l’agenda diplomatique, de l’activisme social, et peut-être d’une certaine légitimité morale, la traduction politique effective de l’impératif climatique est en panne. Partout, le « front du refus » paraît l’emporter.
Cet essai vise à identifier à quelles conditions sociales et intellectuelles une coalition climat pourrait se former pour renverser la coalition fossile.
La notion de « coalition climatique » permet de repenser la dynamique politique de la transformation écologique en partant de ses acteurs concrets, de leur confrontation aux intérêts attachés au modèle économique insoutenable.
Le climat ne peut plus être envisagé comme un enjeu parmi d’autres, il doit constituer la clef de lecture, la porte d’entrée dans les dynamiques socio-économiques contemporaines.
Nous sommes engagés dans une mutation historique sans être en possession d’un guide suffisamment développé pour la traverser : c’est ce à quoi cet essai de théorie et de sociologie politiques entend contribuer. »
Parution le 26 septembre
Pierre Charbonnier participera à un mardi du Grand Continent le 30 septembre sur ce sujet
Katharina Pistor, The Law of Capitalism and How to Transform It, Yale University Press

« Même si le capitalisme est généralement décrit comme un système économique, il s’agit en réalité d’un régime juridique profondément ancré.
Le droit fournit les éléments nécessaires pour codifier des objets simples, des promesses et des idées en tant qu’actifs financiers.
Il offre également les moyens d’échapper aux contraintes juridiques que les sociétés ont souvent imposées au capitalisme.
Souvent loué pour avoir créé des niveaux de richesse sans précédent dans l’histoire de l’humanité, le capitalisme est également en grande partie responsable des deux plus grands problèmes auxquels l’humanité est actuellement confrontée : l’érosion de la cohésion sociale et politique, qui sape le gouvernement démocratique, et les menaces qui découlent du changement climatique.
En explorant les moyens par lesquels les systèmes juridiques occidentaux permettent aux individus de faire valoir leurs intérêts au détriment de la société, Katharina Pistor révèle comment le capitalisme est un système non durable conçu pour favoriser les inégalités.
Elle propose des idées pour repenser la manière dont la transformation du droit et de l’économie peut nous aider à créer un système plus juste — avant qu’il ne soit trop tard. »
Parution le 30 septembre
Les écrits de Katharina Pistor dans la revue