Dans un communiqué publié vendredi 8 août, le chancelier Merz établit un lien direct entre cette suspension et la décision du cabinet de guerre israélien, plus tôt dans la journée, de reprendre l’offensive à Gaza.
Il indique que :
Israël a le droit de se défendre contre le terrorisme du Hamas. La libération des otages et la poursuite déterminée des négociations en vue d’un cessez-le-feu sont pour nous une priorité absolue. Le désarmement du Hamas est indispensable. Le Hamas ne doit plus jouer aucun rôle à Gaza à l’avenir.
Du point de vue du gouvernement fédéral, la décision prise hier soir par le cabinet de sécurité israélien de renforcer encore l’action militaire de l’armée israélienne dans la bande de Gaza rend de moins en moins clair comment ces objectifs pourront être atteints. Dans ces circonstances, le gouvernement fédéral n’autorise jusqu’à nouvel ordre aucune exportation d’armements pouvant être utilisés dans la bande de Gaza. Le gouvernement fédéral reste profondément préoccupé par les souffrances persistantes de la population civile dans la bande de Gaza.
Avec l’offensive prévue, le gouvernement israélien assume une responsabilité encore plus grande qu’auparavant pour son approvisionnement. Il doit permettre un accès complet aux livraisons d’aide, y compris pour les organisations des Nations unies et d’autres institutions non gouvernementales. Après les mesures appropriées prises ces derniers jours, Israël doit continuer à améliorer de manière globale et durable la situation humanitaire à Gaza.
En outre, le gouvernement fédéral allemand exhorte le gouvernement israélien à ne prendre aucune nouvelle mesure en vue de l’annexion de la Cisjordanie. 1
L’Allemagne est le deuxième vendeur d’armements à Israël.
- Entre le 7 octobre 2023 et le 13 mai cette année, l’Allemagne a exporté pour 485 millions d’euros d’armements vers Israël 2. Selon le SIPRI, l’Allemagne représente environ 30 % du total des importations d’armement d’Israël, derrière les États-Unis et devant l’Italie. Ces exportations comprennent principalement des navires, des sous-marins, des munitions, des armes antichars et des équipements électroniques.
Si l’annonce a été plutôt bien accueillie par les partis de gauche allemands, qui réclament un moratoire sur les livraisons d’armes depuis plusieurs mois, elle a provoqué un réel malaise au sein de la CDU/CSU.
- Le vice-chancelier et chef du Parti social-démocrate (SPD), Lars Klingbeil, considère cette mesure comme justifiée.
- La coprésidente des Verts, Franziska Brantner, a salué la décision, qui ne va cependant pas assez loin selon elle.
- La présidente de Die Linke, Ines Schwedtner, a reconnu que la décision de Merz correspondait au souhait de la majorité de la population, qui souhaite exercer davantage de pression sur le gouvernement israélien, mais qu’un « groupe de conservateurs hardliners » refusait encore de reconnaître la situation.
- Le député Roderich Kiesewetter (CDU), porte-parole de son groupe parlementaire, a qualifié l’interruption des livraisons d’armes de « grave erreur politique et stratégique pour l’Allemagne ».
Friedrich Merz a en effet opéré un revirement rapide et surprenant sur le sujet israélien. En octobre 2023 encore, il accusait la coalition d’Olaf Scholz de freiner la signature des autorisations d’exportation d’armes vers Israël.
- En janvier 2025, lors de son discours de politique étrangère à la Körber Stiftung à Berlin, Friedrich Merz réitérait son opposition à tout embargo sur Israël, déclarant : « Enfin, un gouvernement fédéral sous ma direction consolidera notre relation avec Israël. Je mettrai fin immédiatement à l’embargo de fait sur les exportations du gouvernement actuel. À l’avenir, ce dont Israël a besoin pour exercer son droit à l’autodéfense, Israël l’obtiendra. Le concept de « raison d’État » se mesurera à nouveau dans les faits et non seulement dans les mots. Il doit être à nouveau clair et sans équivoque que l’Allemagne ne se trouve pas entre deux chaises, mais qu’elle se tient fermement aux côtés d’Israël. Il n’y aura aucun doute à ce sujet à l’avenir. »
- La doctrine selon laquelle la sécurité d’Israël constitue une « raison d’État » pour l’Allemagne remonte à un discours d’Angela Merkel devant la Knesset, en 2008. Sans citer la chancelière, son ancien rival, Merz, poussait encore plus loin cette doctrine, notamment par rapport au gouvernement d’Olaf Scholz.
La presse conservatrice a également largement critiqué le chancelier, la Neue Zürcher Zeitung qualifiant le « sacrifice de la raison d’État » d’« erreur fatale » 3, un argumentaire également suivi par l’éditorial du directeur de la rédaction du quotidien du groupe Springer, Die Welt 4. Le quotidien Jüdische Allgemeine voit quant à lui dans cette situation la révélation que Friedrich Merz serait « une girouette ».
- Dans la soirée d’hier, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a téléphoné à Friedrich Merz. Il a ensuite accusé l’Allemagne de « récompenser le Hamas en proclamant un embargo sur les armes à destination d’Israël ».
Sources
- Presse-und Informationsamt der Bundesregierung (BPA), Bundeskanzler Friedrich Merz erklärt zur Entwicklung in Gaza, 8 août 2025.
- Deutscher Bundestag, Lieferung von Rüstungsgütern an Israel, 2 juin 2025.
- Merz stoppt Israel-Waffenexporte : Es wird eine Zerreissprobe für CDU und CSU, 8 août 2025.
- Abkehr von Israel : Der historische Fehler des Friedrich Merz, 8 août 2025.