Dans les années 2000, la teneur en alcool d’une bouteille de vin rouge français se situait aux alentours de 13 %. Aujourd’hui, il est de plus en plus courant de trouver du vin à 14 ou 15 degrés, en France comme en Italie.

  • Si les producteurs n’agissaient pas pour limiter cette augmentation — via des techniques de traitement pré-fermentaire ou des procédés de désalcoolisation —, ce chiffre pourrait être encore plus élevé.
  • Selon des données compilées par le London International Vintners Exchange (Liv-ex) sur la base de 35 000 étiquettes, cette tendance se retrouve aussi bien en Europe qu’en Amérique.
  • Ainsi, en l’espace de deux décennies, les bouteilles de Bordeaux et de vin rouge californien ont gagné en moyenne un pourcent de teneur en alcool, et environ un demi pourcent pour les vins du Piémont et de Toscane.
  • Parmi les régions étudiées par Liv-ex, le Bourgogne est le seul AOC dont le pourcentage d’alcool n’a que relativement peu varié depuis les années 1990, avec une augmentation de 0,1 % 1.

Avec la hausse des températures provoquée par le changement climatique, les grappes de raisins mûrissent plus vite, ce qui a pour effet d’augmenter leur teneur en sucre, qui se transforme par la suite en alcool durant le processus de fermentation. À cela s’ajoute une tendance chez certains viticulteurs, notamment en France, consistant à récolter les raisins plus tard dans l’année afin d’obtenir un goût et une couleur plus riches 2.

  • La hausse du taux d’alcool constitue un véritable défi pour la filière viticole, alors même que la consommation de vin diminue, en particulier chez les jeunes.
  • En 2023, la consommation mondiale de vin a retrouvé ses niveaux de la fin des années 1990. 
  • À l’origine de cette chute se trouve notamment une fracture générationnelle de plus en plus profonde.
  • Aux États-Unis, désormais premier consommateur de vin au monde, près des deux-tiers (65 %) des 18-34 ans disent que la consommation modérée d’alcool est mauvaise pour leur santé 3.
  • Préférant consommer des boissons moins alcoolisées, les jeunes se tournent de plus en plus vers d’autres alternatives, comme la bière, qui était l’an dernier la boisson préférée des Français âgés de 26 à 35 ans — devant le vin 4.

La préférence croissante pour des vins plus alcoolisés — et donc plus ‘gras’, par opposition aux vins plus acides — reflète également une évolution des goûts. Aux États-Unis, la revue spécialisée Wine Advocate, fondée en 1978 par Robert Parker et célèbre pour son système de notation sur 100 points, a largement contribué à populariser des vins plus ronds et légèrement sucrés.

  • Bien qu’elle conteste l’influence de Parker, l’actuelle rédactrice-en-chef de Wine Advocate, Lisa Perrotti-Brown, observe que, depuis le début des années 1980, la production viticole s’est éloignée des styles légers et maigres caractérisés par l’influence de l’œnologue français Émile Peynaud pour se tourner vers des vins plus mûrs, fruités et riches — et donc plus forts.
  • Plutôt qu’une « Parkerisation » du marché, Perrotti-Brown considère que l’augmentation de la teneur des vins en alcool correspond à une demande des consommateurs — « Parker était le critique qui validait les goûts des consommateurs alors que très peu d’autres critiques le faisaient ».
  • Outre le réchauffement climatique, la montée en puissance des vins plus alcoolisés s’explique aussi par la demande croissante du marché américain : un rouge californien affiche en moyenne 14,6 % d’alcool, contre 13,3 % pour un Bourgogne.