Dans une conférence de presse organisée aujourd’hui 22 juin, le Pentagone a détaillé le déroulé de l’opération militaire américaine contre l’Iran, baptisée « Operation Midnight Hammer », lancée dans la nuit de vendredi à samedi.

Elle a mobilisé plus de 125 appareils, dont des bombardiers furtifs Northrop B-2 Spirit, des ravitailleurs, des avions de reconnaissance et des chasseurs.

  • Selon le général John D. Caine, chef d’état-major des armées des États-Unis, sept B-2 Spirit, chacun avec deux membres d’équipage, ont décollé depuis une base dans le Missouri.
  • Il s’agit de la mission la plus longue des B-2 depuis les attentats du 11 septembre.
  • « À minuit, dans la nuit de vendredi à samedi, un important groupe de bombardiers B-2 a décollé des États-Unis ». « Dans le cadre d’un plan visant à maintenir l’effet de surprise tactique, une partie du groupe s’est dirigée vers l’ouest et le Pacifique comme leurre — un effort de diversion connu uniquement d’un petit nombre de planificateurs et de dirigeants à Washington et à Tampa. »
  • Ce départ avait en effet été identifié et largement commenté dans la presse hier, dans l’après-midi.
  • Le groupe principal, quant à lui, « s’est dirigé discrètement vers l’est avec des communications minimales pendant les 18 heures de vol ».

Cette dissimulation semble rendue nécessaire par de nombreuses prises de position publiques du président américain qui ont privé les forces armées américaines de leur effet de surprise.

  • Une source militaire française nous indique toutefois ignorer cependant « si les forces armées iraniennes s’appuient réellement sur ce type de données de suivi de vol accessibles au public pour planifier leurs actions ». 
  • « De toute façon, elles ne disposeraient sans doute plus des moyens nécessaires pour intercepter les avions, même si elles connaissaient leur position. »

Vers 17h00, heure de l’Est — soit 2 h à Paris et 1h du matin à Téhéran —, un sous-marin américain a « lancé plus de deux douzaines de missiles de croisière Tomahawk » contre des infrastructures clefs en surface, dont le site nucléaire d’Ispahan.

Image du diagramme cartographique présenté lors de la conférence de presse du Pentagone. Source  : Département de la Défense
  • Lors de leur entrée dans l’espace aérien iranien, les B-2 ont été précédés par des avions de chasse de quatrième et cinquième génération à haute altitude et grande vitesse, « arpentant l’avant du groupe à la recherche d’avions ennemis et de menaces de missiles sol-air ». Des leurres et autres tactiques de diversion ont également été utilisés.
  • À l’approche des sites nucléaires de Fordo et Natanz, des avions de chasse ont utilisé des « armes de suppression à grande vitesse » pour « assurer le passage en toute sécurité » des bombardiers B-2.
  • À 18h40 (heure de l’Est), soit 2h10 du matin heure locale en Iran, le premier B-2 a largué deux bombes anti-bunker GBU-57 sur le site de Fordo. Les autres bombardiers ont frappé leurs cibles entre 18h40 et 19h05 (heure de l’Est), soit entre 2h10 et 3h05 heure locale visant le site de Natanz.
  • Au total, 14 bombes GBU-57 MOP, une bombe pénétrante de 13,6 tonnes guidée par GPS surnommée « bunker buster » (destructeur de bunker) ont été larguées, accompagnées de plusieurs dizaines de missiles Tomahawk.
  • Caine a précisé que l’opération s’est déroulée sans aucune riposte iranienne : « Aucun tir n’a été effectué par l’Iran, ni à l’entrée ni à la sortie ». Les avions ont ensuite commencé à regagner les États-Unis.

Ni le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, ni le général Caine n’ont confirmé ou infirmé si l’Iran conservait encore la capacité de produire une arme nucléaire. Hegseth a repris les mots du président Trump, affirmant que les installations nucléaires avaient été « anéanties ». Le général Caine a précisé que l’évaluation complète des dégâts était toujours en cours, mais que les premières analyses faisaient état de « dommages et de destructions sévères ».

  • Malgré les techniques de diversion employées par les Américains, l’attaque a été anticipée : dès jeudi, plusieurs sources évoquaient la forte probabilité d’une attaque américaine durant le week-end.
  • Cette absence de véritable effet de surprise pourrait avoir des conséquences significatives, notamment en ce qui concerne le transfert de matière radioactive hors des usines ciblées.
  • Selon certaines observations satellitaires, une intensification de l’activité logistique autour du site de Fordo a été relevée trois jours avant les frappes américaines, ce qui pourrait indiquer des tentatives de mise à l’abri d’une partie du matériel actif ou des équipements sensibles.
Selon les images fournies par Maxar Technologies, seize camions étaient stationnés devant l’un des tunnels d’entrée du site de Fordo le 19 juin, avant d’être déplacés le lendemain. D’autres engins, dont des bulldozers, restaient visibles le 20 juin. Ces mouvements pourraient suggérer que l’Iran a préparé le site pour une attaque.
  • Le 12 juin, à la suite de la résolution du Conseil des gouverneurs de l’AIEA qui condamnait l’Iran et son programme nucléaire, Mohammad Eslami, le directeur de l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran, avait annoncé l’ouverture d’un autre centre d’enrichissement, en déclarant : « Le nouveau site est entièrement construit et situé dans un endroit sécurisé et invulnérable. Dès que l’installation et la mise en service des centrifugeuses seront terminées, l’enrichissement commencera ». 
  • Avant le lancement des attaques israéliennes le 13 juin, l’Iran disposait de près de 9 000 kilogrammes d’uranium enrichi, dont 409 kilogrammes enrichis à 60 %, un taux qui peut être facilement porté à 90 %, le seuil nécessaire pour la fabrication d’une bombe.  L’Agence internationale de l’énergie atomique avait pour tâche de vérifier chaque jour la localisation de ces stocks, mais elle n’y est plus parvenue depuis une semaine 1

En l’absence de données fiables permettant d’étayer les déclarations de Donald Trump concernant l’anéantissement du programme nucléaire iranien, il reste impossible de savoir si l’opération Midnight Hammer marque une victoire stratégique ou si elle ne devra pas être suivi par d’autres épisodes visant le renversement du régime iranien.

Sources
  1. Jonathan Tirone, Annmarie Hordern, UN Says It Has Lost Track of Iran’s Near-Bomb-Grade Uranium, Bloomberg, 18 juin 2025.